Lotus Evora 2010, chasseuse de gros gibier
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Le nom Lotus est légendaire en Formule Un, autant par les soixante dix-neuf victoires et les sept titres conquis que par les innovations audacieuses et souvent controversées de l’équipe qui l’a porté. Son retour en F1 cette année, avec des voitures dont les couleurs rappellent les premiers succès, a de quoi réjouir même si les prochaines victoires mettront sans doute un peu de temps à venir.
Lotus c’est également une lignée de voitures sport conçues selon les principes qui étaient chers à Colin Chapman, le brillant ingénieur qui a créé l’équipe et la marque. La radicale Super Seven, le roadster Elan dont Mazda s’est inspirée pour créer la Miata et l’Esprit à moteur central, dessinée par Giugiaro et conduite par James Bond en version amphibie, avaient toutes en commun la simplicité de leur conception et un souci de légèreté maximale.
La firme Lotus Cars actuelle, dont l’actionnaire majoritaire est le constructeur malaisien Proton, est demeurée fidèle à ce principe avec les séries Elise et Exige. La première est même construite depuis 1996 sur un châssis d’aluminium ultraléger que Lotus avait présenté comme un simple exercice technique au Salon de Genève 1991. Ce châssis exceptionnel est également la charpente de sportives européennes comme l’Opel Speedster mais aussi la Tesla Roadster à propulsion électrique.
Sous l’impulsion de son nouveau président Dany Bahar, un transfuge de Ferrari et Red Bull, Lotus nourrit de grandes ambitions qui seront révélées au prochain Mondial de l’auto à Paris en septembre. Entre-temps, la marque britannique présente la toute nouvelle Evora qui nous arrive déjà auréolée de quelques titres décrochés au nez et à la barbe de certaines sportives européennes parmi les plus prestigieuses.
La taille au-dessus
L’Evora est un coupé 2+2 à moteur central plus long de 557 mm, plus large de 129 mm, plus haut de 106 mm et plus lourd de 408 kilos que son frère, le coupé Exige. À 1 382 kg, l’Evora est nettement plus spacieuse et pratique mais demeure plus légère qu’une Porsche 911 de quelque cinquante kilos. Elle est la première à utiliser le châssis LVVVA (pour Low Volume Versatile Vehicle Architecture) de Lotus. Cette structure composée d’éléments d’aluminium est deux fois et demie plus rigide que celle de l’Elise et Lotus en tirera une version décapotable sans avoir besoin de renforcer la structure ou d’amollir la suspension.
Les panneaux de la carrosserie sont en matériaux composites et le coefficient de traînée (Cd) est de 0,33. Si la calandre ressemble à celle de la première Europa on reconnaît plutôt les dernières Esprit de profil et on croirait même apercevoir une Lancia Stratos avec sa silhouette en coin tandis que la partie arrière, en rondeurs et en arêtes, évoque celles de l’Elise et du coupé Exige.
Dans l’habitacle lumineux, c’est le dessin moderne du tableau de bord qui donne le ton. La finition générale est plus cossue et soignée que dans le duo Elise/Exige, surtout avec le cuir plus abondant du groupe Premium. Les commandes sont simples et bien disposées mais certains boutons sont trop durs. Lotus a par contre joué la carte de la simplicité de façon ingénieuse en ajoutant un appareil GPS Alpine amovible en guise de système de navigation. On peut l’obtenir en ajoutant le groupe Technologie optionnel pour environ 3 000 $. C’est également le seul moyen d’équiper l’Evora d’un régulateur de vitesse, une aide à la conduite quasi indispensable. Un oubli aberrant que Lotus devrait corriger.
La visibilité est sans reproche vers l’avant et les côtés mais on ne voit pratiquement rien vers l’arrière dans le rétroviseur central tellement la lunette arrière est petite. Heureusement qu’il y a de grands rétroviseurs à l’extérieur. Chose certaine, la caméra de stationnement optionnelle est fort utile pour stationner et n’a rien d’un luxe inutile. Quant aux places arrière, elles sont indiscutablement réservées aux adultes de taille jockey, aux enfants ou aux bagages qu’on n’aura pu entasser dans le petit coffre arrière de 170 litres qui se trouve entre le compartiment-moteur et le pare-chocs.
Plus de muscle juste derrière
L’Evora est propulsé par un V6 de 3,5 litres et 276 chevaux conçu et fabriqué par Toyota et modifié ensuite par les ingénieurs de Lotus. Le V6 est ainsi doté d’un embrayage et d’un volant-moteur AP Racing plus léger pour monter en régime plus vivement et aussi d’un échappement sport. Ce moteur est jumelé exclusivement à une boîte de vitesses manuelle Aisin à 6 rapports qu’on peut obtenir, en option, avec des rapports plus courts de la 3e à la 6e vitesse pour des accélérations et reprises plus énergiques. Lotus affirme que l’Evora sait sprinter de 0 à 100 km/h en 5,1 secondes.
Le V6 de l’Evora est souple et puissant mais il lui manque le soupçon de férocité qui fait les grandes sportives, malgré une sonorité plutôt réjouissante en pleine accélération. La commande par câble de sa boîte manuelle pourrait également être plus précise et rapide. Les freins sont d’immenses disques ventilés Lotus/AP-Racing qui font 350 et 332 mm de diamètre avant/arrière, avec des étriers à quatre pistons.
En plus d’un antiblocage Bosch finement réglé l’Evora profite de la répartition électronique de la force de freinage, d’un antidérapage réglable et d’un différentiel autobloquant électronique. Le groupe Sport optionnel ajoute des disques perforés avec des étriers peints en noir, des embouts d’échappement en titane et un mode ‘sport’ pour l’antidérapage qui laisse l’Evora déraper plus librement en conduite sportive.
Tenue de route exemplaire
Il faut jouer de souplesse pour se glisser à bord de l’Evora en franchissant le large seuil créé par le longeron costaud du châssis d’aluminium. La grande surprise, une fois bien calé dans le siège Recaro profond, ferme et impeccablement sculpté, c’est l’absence de toute pédale et même de toute surface pour poser le pied gauche quand il n’actionne pas la pédale d’embrayage. C’est encore la faute aux gros longerons du châssis et c’est le prix qu’on paye pour sa légèreté et sa rigidité exceptionnelles. On apprend, tant bien que mal, à poser le pied gauche sous l’embrayage et à s’en remettre au maintien du siège en virage, mais ce n’est certainement pas idéal.
Dommage parce que c’est évidemment sur les routes les plus entortillées que l’Evora est à son plus brillant. Plus ça tourne et ça ondule, plus elle se moque de ses rivales. Le volant est réglable sur les deux axes et son squelette est même coulé dans le magnésium pour l’alléger de quelques grammes et en réduire l’inertie. Lotus préfère encore une servodirection hydraulique pour sa plus grande finesse. Même sur les lacets les plus diaboliques nous n’avons jamais entendu crisser les pneus, ou si peu, peut-être une fois. Aucune fente ou bosse n’a pris la suspension en défaut non plus. Il faut certainement un circuit pour explorer les limites des Pirelli P-Zero du svelte coupé anglais.
Et confort étonnant
En plus d’afficher une tenue de route assez exemplaire, l’Evora se permet d’être tout à fait docile et agréable en conduite plus détendue. Sur l’autoroute, le confort de la suspension s’accompagne d’un silence tout à fait louable. On peut raisonnablement s’attendre à une bonne fiabilité de sa mécanique japonaise mais pour les accessoires et la qualité de l’assemblage, l’Evora doit faire ses preuves. Le représentant de Lotus pour l’Ouest américain raconte avoir bouclé une tournée solo de plus de 20 000 kilomètres au volant d’une Evora sans le moindre ennui mécanique.
L’Evora est plus spacieuse, puissante, confortable, rapide et pratique que le duo Elise/ Exige et la facture a été majorée en conséquence. La note de base de 73 500 $ US de notre voiture d’essai passait à 86 000 $ US avec les options. Elle se retrouve donc entre la Porsche Cayman à deux places et la moins chère des Porsche 911, les deux coupés auxquels on la compare spontanément. Avec une silhouette fine et racée, une tenue de route exceptionnelle, des performances relevées et une rareté certaine, la trentaine d’Evora destinées au Québec ne passeront certainement pas inaperçues.
Cela dit, avec sa cohorte d’ingénieurs et de concepteurs brillants dont les autres constructeurs se payent d’ailleurs les services, Lotus trouvera certainement une idée géniale pour équiper au plus tôt l’Evora d’un simple repose-pied.