Concept Dodge Charger R/T 1999 : le chaînon manquant
Alors que la nouvelle Dodge Charger vient d’arriver sur notre marché, il semble opportun de parler du concept de 1999 qui fait en quelque sorte le lien entre le passé glorieux de la Charger et son présent.
Nous sommes au Salon de l’auto de Detroit en janvier 1999. Suite au lancement extrêmement réussi de la Volkswagen New Beetle l’année précédente, le rétro design fait fureur. Parmi les concepts à saveur nostalgique, on retrouve la Pontiac GTO, la Ford Thunderbird et la Chevrolet Nomad. Le kiosque Chrysler n’est pas en reste puisque la marque expose le PT Cruiser, inspiré par les années 40, et annonce qu’il s’agit d’un futur modèle de série, prévu pour le millésime 2001. On peut aussi y admirer le camion Dodge Power Wagon ainsi que la Dodge Charger R/T.
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Un design intemporel
Qu’est ce qui fait que la Dodge Charger fascine tant près de 60 ans après sa présentation? La première génération, lancée en 1966, est pensée comme une concurrente de la Ford Thunderbird. Elle ne sera commercialisée qu’à 53 132 exemplaires en deux millésimes. C’est plutôt la seconde génération de 1968 qui va marquer les esprits grâce à son design et ses moteurs. Les lignes, signées Richard Sias, se distinguent par un profil en « bouteille de coke », le croisement des volumes des deux ailes sur la porte appelé « double diamant » ainsi qu’un pilier C étiré vers l’arrière, même s’il n’y a pas de hayon. En plus des blocs de base, on retrouve des monstres comme le 440 Magnum (7,2 litres, 375 chevaux) et le légendaire 426 Hemi (7 litres, 425 chevaux… en théorie). Il y aura aussi la Daytona et son immense aileron développé pour les circuits de NASCAR et produite à seulement 505 exemplaires. Malgré les qualités de la voiture, la réponse des acheteurs est relativement tiède avec 235 580 exemplaires produits en 3 ans. La génération suivante, construite de 1971 à 1974, se vendra mieux en moyenne (351 402 exemplaires en 4 ans) mais ne pénétrera pas autant l’inconscient collectif. Pourquoi?
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Probablement parce que le cinéma s’est approprié la seconde génération dans des films comme « Bullit », « Blade » ou « Rapides et dangereux » ainsi que la télévision avec « The Dukes of Hazzard/Shérif, fais-moi peur ». Au début des années 80, cette série est la deuxième la plus regardée aux États-Unis derrière « Dallas ». La General Lee en a vrillé des pupilles!
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Un ingénieur qui dessine?!
Et donc quoi de plus logique de ressortir la Charger 1968 lorsque la mode du rétro design bat son plein? Le directeur du design de Chrysler, Tom Gale, n’a d’ailleurs pas attendu cette mode pour créer des concepts inspirés par le passé. Engagé chez Chrysler en 1967 après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur de la Michigan State University, il entrera au département du style en 1971 avant d’en prendre la tête en 1985 (il travaillera à la planification produit en 1976-77). Chrysler est alors en pleine monoculture des K-Cars et de ses dérivés et n’impressionne guère par ses concepts dans les salons de l’auto.
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Les choses vont changer en 1987 avec la Chrysler Portofino, une barque longue et basse avec 4 portes à ouverture en élytre propulsée par un V8 Lamborghini. À partir de là suivront de nombreux prototypes spectaculaires dont plusieurs seront des références directes au passé. On peut citer les Chrysler Thunderbolt (1992, inspiré par le concept Thunderbolt de 1941), Chrysler Atlantic (1995, inspiré par la Bugatti Type 57 Atlantique des années 30) et Chrysler Dual Cowl Phaeton (1997, inspiré par la Chrysler Newport Phaeton de 1941).
Sans oublier les Dodge Viper (1989) et Plymouth Prowler (1993), qui seront tous deux produits en série. Sous sa direction, le design Chrysler sera sérieusement dépoussiéré pour être considéré dans les années 90 comme l’un des plus créatifs au monde. Gale prendra sa retraite de Chrysler en 2000 mais continuera à travailler comme consultant. Et apparemment, le talent est génétique puisque son fils, Jeff Gale, est également designer pour Stellantis après avoir œuvré pour General Motors.
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Des années 60 aux années 90
Le designer responsable de l’équipe du style extérieur est Joe Dehner (qui a aussi travaillé sur la Prowler et qui deviendra le directeur du design de Ram) alors que Trevor Creed est en charge de l’intérieur (Creed remplacera Gale à la tête du style Chrysler). Du beau monde! Comme d’habitude, la Charger est longue (4,75 m), basse (1,32 m) et offre 4 portes, ce qui est nouveau pour une Charger à ce moment. Mais à la fin des années 90, les coupés ne sont plus trop à la mode et proposer des places arrière accessibles facilement semblait le bon chemin. Les designers vont par contre tout faire pour dissimuler au mieux ces portes arrière. On observe par ailleurs l’indentation typique du modèle 1968-70 dans les portes avant. Les pneus sont du 245/45R19 à l’avant et du 295/40R20 à l’arrière.
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À l’intérieur, le rouge le partage avec le noir. Sur la console centrale trône un levier de vitesse façon « pistol grip » qui rappelle les bonnes années. Chacun des 4 passagers bénéficie d’un siège baquet en fibre de carbone recouvert de cuir. Derrière le volant à trois branches se trouve une instrumentation analogique avec un large compte-tours au milieu. Ça part bien… mais est-ce que le ramage est à la hauteur du plumage?
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325 chevaux (plus) proches de la nature
Le prototype repose sur une plateforme LH modifiée pour faire passer la puissance aux roues arrière. Le V8 de 4,7 litres embarque un compresseur pour développer 325 chevaux et 320 lb-pi à 2 250 tr/min. Il est couplé à une boîte manuelle Borg-Warner T5 à 5 rapports. Le différentiel arrière est un Dana 44 avec un rapport de pont de 3,90:1. Le poids est de 1 531 kilos avec une répartition presque idéale entre l’avant et l’arrière de 53%/47%. La suspension est indépendante aux 4 roues et les disques embarquent des étriers de Viper.
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Attention cependant, la Charger ne fonctionne pas à l’essence mais plutôt au gaz naturel comprimé. Le réservoir est composé de cellules renforcées avec du thermoplastique polyuréthane haute densité imperméable aux gaz puis enveloppées d’une couche de fibres de verre et de fibres de carbone imprégnées par de la résine époxy. Le tout est placé dans une caisse en mousse afin de les protéger en cas d’impact.
En pouvant stocker le gaz à 3 600 psi de pression (248 bars), cela permet, selon Chrysler, de doubler l’autonomie (estimée à 480 km) tout en maintenant un volume de chargement acceptable (368 litres). Émettant 25% de C02 en moins, le gaz naturel était une des voies explorées par les constructeurs pour passer les normes californiennes alors que l’auto électrique n’était pas encore tout à fait une réalité (oui, à part à la GM EV1 produite à 1 117 exemplaires).
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Du rêve à la réalité
La Charger R/T a fait son effet au salon et vu l’historique de Chrysler dans la mise en production de concepts, il commence à se murmurer qu’elle pourrait devenir une réalité. Il se dit que plus tard elle sera la victime des dirigeants de Mercedes-Benz suite à la fusion de 1998. Mais en y regardant de plus près, Chrysler n’aurait pas pu la construire sur les mêmes lignes que les Dodge Intrepid et Chrysler Concorde et la compagnie n’avait pas encore de plateforme propulsion. La plateforme LX en était au tout début de son développement et la Dodge Charger qui émergera au millésime 2006 sera peut-être moins un hommage au modèle 1968 mais s’avèrera plus pratique au quotidien que le concept de 1999. Et de toute façon, Dodge avait déjà la Viper comme voiture image…
Le concept de 1999 fait un lien élégant entre le modèle de 1968 et celui de 2006, notamment grâce à ses 4 portes. Il a montré que l’on pouvait transposer sans problèmes les lignes du modèle original au 21ième siècle, ce que n’ont certainement pas oublié les designers de la dernière génération.
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