Toyota MR2 1985-89 : la petite MeRveille

Après deux crises pétrolières, les années 70 se finissent avec plusieurs constructeurs imaginant des petites autos à deux places pour faire la navette entre la maison et le travail. Différents véhicules émergeront dans la première moitié des années 80 : Ford EXP et Mercury LN7, Honda CRX et Pontiac Fiero. Quant à Toyota, le constructeur japonais n’a pas tant essayé avec la MR-2 de développer un modèle sportif à proprement parler mais simplement amusant à conduire.

Au milieu des années 70/début des années 80, Toyota a, déjà, l’image d’un constructeur sérieux qui fabrique des moyens de locomotion sérieux. Pourtant, la marque japonaise va remporter à trois reprises le titre de « Voiture importée de l’année » du magazine Motor Trend avec des modèles à connotation sportive : la Celica Liftback de première génération en 1976, la Celica de seconde génération en 1978 et la Celica Supra en 1982.

X1/9, TR7, SA-X et SV-3… on vous explique

Une première tentative de développement d’une petite deux places a lieu en 1976. Mais la compagnie a d’autres priorités et il faut attendre le second choc pétrolier de 1979 pour que le projet reprenne de la vigueur. Dès le début, le programme est pensé pour l’Amérique du Nord. Le directeur du projet est Akio Yoshida. Ce dernier a travaillé à Los Angeles en 1974-75, ce qui va lui donner une expérience utile pour comprendre les besoins de sa clientèle. Au début, il évalue différentes options et décide rapidement de placer le moteur à l’arrière. Un premier prototype est présenté en 1981 : le SA-X. On voit l’influence dans les lignes de la Triumph TR7 de 1975 et, surtout, la Fiat X1/9. Cette dernière, dessinée par Bertone, sera produite à près de 160 000 exemplaires entre 1972 et 1989.

Photo: Toyota

C’est le 28 octobre 1983 que le 25ème Salon de l’auto de Tokyo ouvre ses portes. Les visiteurs peuvent y découvrir le concept SV-3. Par rapport au SA-X, ses proportions restent les mêmes mais ses lignes ont été profondément révisées. S’il est désigné comme un concept, il s’agit en fait d’une version quasi finalisée du modèle de série. Le style est signé Seiichi Yamauchi.

Photo: Toyota

La mise au point de la MR2 a profité de l’expertise de quelques parrains prestigieux. Lotus assistera Toyota pour le développement de la suspension, l’ingénieur Roger Becker réalisant différents prototypes au Japon. Dan Gurney, pilote de Formule 1, de NASCAR et d’Endurance (victoire aux 24 heures du Mans 1967), effectuera quant à lui plusieurs séances d’essais en Californie et au pays du Soleil Levant.

C’est littéralement écrit dessus!

Toyota démarre la commercialisation de la MR2 au Japon le 8 juin 1984. La marque explique qu’il s’agit de la première sportive deux places à moteur arrière japonaise, ce que confirme le nom qui signifie « Mid-ship Runabout 2-seater ». L’auto porte le nom de code AW10 lorsqu’elle reçoit le 4 cylindres 1,5 litre 3A-LU développant 82 chevaux et AW11 si elle est équipée du 1,6 litre 4A-GE. Ce dernier, conçu en collaboration avec Yamaha, utilise une culasse à 4 soupapes par cylindre et le système T-VIS (pour Toyota-Variable Induction System) qui modifie la géométrie du collecteur d’admission pour une meilleure réponse à bas régime, un problème fréquent dans les moteurs 16 soupapes de l’époque.

La puissance est de 112 chevaux à 6 600 tr/min (avec une zone rouge à 7 500 tr/min) et le couple de 97 lb-pi à 4 800 tr/min, ce qui est amplement suffisant pour déplacer l’auto avec une certaine vivacité considérant le poids de 1 036 kilos. C’est ce seul moteur qui sera disponible en Amérique du Nord. Quant aux suspensions, c’est du McPherson aux quatre coins, le train arrière étant essentiellement celui d’une Corolla traction avant retourné. Les freins sont à disque aux quatre roues (ventilés à l’avant). La configuration avec le moteur à l’arrière et le réservoir à essence placé dans la console centrale permet une répartition des masses avant/arrière de 45%/55%, proche de l’idéal pour une conduite active.

Photo: Toyota

La MR2 repose sur un empattement de 232 cm et mesure 392 cm pour une hauteur de 125 cm. Le volume de chargement est 224 litres (35% de plus que la Pontiac Fiero précise Toyota). Le coefficient de pénétration dans l’air est de 0,36 selon le catalogue 1985 (d’autres sources citent 0,34). Malgré les dimensions réduites, l’habitacle est pensé pour accueillir des personnes de grand gabarit. La réponse au Japon est excellente et la MR2 reçoit le titre de « Voiture de l’année 1984-85 ».

Photo: Toyota

Éloges, récompenses et honneurs

La MR2 est lancée en Amérique du Nord en janvier 1985. À ce moment, Toyota estime pouvoir y écouler 3 000 voitures par mois. Et la marque a des raisons d’y croire puisque le modèle reçoit le titre de « Voiture importée de l’année 1985 » du magazine Motor Trend, le quatrième pour Toyota en 10 ans.

Initialement, la MR2 ne bénéficie que d’une boîte manuelle à 5 rapports mais une automatique à 4 rapports sera disponible par la suite. L’équipement de série comprend des roues en aluminium de 14 pouces, le volant sport gainé de cuir, les vitres teintées, l’horloge digitale, le siège conducteur ajustable en 7 directions et la radio AM/FM. L’acheteur peut ajouter en option l’aileron arrière, le système d’alarme, le toit ouvrant, le régulateur de vitesse, l’ensemble électrique (vitres électriques et condamnation centrale), l’air conditionné ou la radio avec lecteur cassettes Dolby. Elle est offerte à un prix de base de 15 168 CAD.

Photo: Toyota

La MR2 ne va pas seulement séduire le magazine Motor Trend mais également le Guide de l’auto qui ne tarit pas d’éloges dans son édition 1986 : « Ce coupé nous a permis de découvrir une voiture des plus homogènes, performante et dotée en équipement standard de la fiabilité Toyota. […] Très nerveux et d’une grande souplesse, ce moteur offre tous les avantages du 4 soupapes/cylindre sans nécessairement en posséder les désavantages. De plus, ce groupe motopropulseur est accouplé à une boîte manuelle à 5 rapports dont le maniement du levier de vitesses est une véritable petite merveille. La souplesse et les performances du moteur alliées au brio de la boîte rendent la conduite de cette voiture un véritable régal. […] Pour une voiture de ce gabarit, il est relativement facile d’y entrer et d’en sortir. Une fois assis confortablement dans un siège qui assure un bon support latéral et lombaire, le conducteur a en face de lui un tableau de bord bien conçu et dont la disposition ne prête à aucun reproche. […] Enfin, sa consommation d’essence est intéressante pour une voiture de cette catégorie puisqu’on a obtenu une moyenne de 9,2 L/100 km et ce, en « brassant » passablement la voiture. »

Tout au plus l’essai adresse quelques réprimandes à la tenue de route : « S’il fallait trouver à redire sur le comportement routier de la voiture, ce serait à haute vitesse et en ligne droite. Au-delà de 160 km/h, la direction devient à la fois imprécise et nettement trop légère. Un sentiment d’insécurité s’empare petit à petit du conducteur, au fur et à mesure que l’aiguille de l’indicateur de vitesse poursuit sa course vers les 200 km/h, la vitesse de pointe de la voiture, et que l’avant devient de plus en plus léger. […] Bref, la MR2 est nettement plus à l’aise dans les courbes prises à vitesse intermédiaire alors que son comportement demeure neutre. Ce n’est que poussé à la limite que l’arrière décrochera. » Enfin, la conclusion est sans appel : « La MR2 livre une furieuse bataille pour gagner les cœurs des automobilistes et leur faire oublier la Pontiac Fiero qui a l’avantage d’être offerte en plusieurs versions et de compter sur un V6, mais qui n’a toutefois pas l’homogénéité et le brio d’exécution de la MR2. »

La réaction du public est excellente et Toyota réalise ses objectifs commerciaux pour l’année (voir tableau en fin de texte). Tout part bien pour la MR2 mais cela ne va pas durer…

Photo: Toyota

Le compresseur à la rescousse

Le millésime 1986 apporte un petit lot de changements : ajout du troisième feu-stop et nouvelles options (intérieur cuir, peinture deux tons, ensemble Aérodynamique avec aileron arrière, bas de caisse, spoiler avant et déflecteur transparent sur le toit). Bizarrement, la barre antiroulis arrière est retirée des modèles nord-américains. Les ventes baissent légèrement mais pas de quoi s’inquiéter. L’année modèle suivante commence aussi avec des évolutions limitées comprenant des modifications esthétiques subtiles et un intérieur revu (nouveaux panneaux de portes, volant trois branches, contrôle de climatisation, console centrale et accoudoir).

Les roues en aluminium sont dorénavant disponibles contre supplément alors que le toit T-Bar apparaît dans la liste des options. En cours de millésime, le 4A-GE est modifié et voit sa puissance passer à 115 chevaux à 6 600 tr/min et son couple à 100 lb-pi à 4 800 tr/min. La boîte de vitesse manuelle est renforcée. Les ventes baissent pourtant de moitié.

Photo: Toyota

Une version à compresseur est ajoutée pour le millésime 1988. Son moteur 4A-GZE produit 145 chevaux à 6 400 tr/min et 140 lb-pi à 4 000 tr/min. Le compresseur de type Roots est activé par un embrayage électromagnétique qui permet de le désengager à faible charge afin de réduire la consommation de carburant. Le 0 à 100 km/h passe de 9,8 à 7 secondes. L’ajout de composants (il y a aussi un échangeur de température) modifie la répartition du poids à 42% / 58% avant / arrière.

Cette version vient bien équipée d’office : roues en aluminium, aileron arrière, toit T-Bar, ensemble Aérodynamique, ensemble Intérieur avec sièges sport. Elle peut recevoir en option la boîte automatique. Mais le prix est l’avenant. Si le modèle de base demande 18 198 CAD, il faut débourser 23 788 CAD pour cette version sportive. Ce nouveau modèle ne parvient pas à créer de l’excitation autour de la MR2 chez les acheteurs et les ventes sont (encore) presque divisées par deux.

Photo: Toyota

Les modifications du millésime 1989 sont très limitées : poignées de porte et rétroviseurs de couleur carrosserie, troisième feux-stop à DEL et ajout de la barre antiroulis arrière sur les modèles à compresseur. Là, c’est la dégringolade complète des ventes en Amérique du Nord.

Photo: Toyota

Production par année calendaire

Région

1984

1985

1986

1987

1988

1989

Total

Japon

12 109

6 819

6 195

5 795

5 775

6 105

42 798

États-Unis, Canada

1 217

37 674

31 352

15 742

8 144

2 537

96 666

Reste du monde

 855

5 474

4 852

4 239

3 971

4 260

23 651

Total

14 181

49 967

42 399

25 776

17 890

12 902

163 115

Cela n’empêchera pourtant pas Toyota de présenter une seconde génération au millésime 1991 (1990 au Japon). Plus longue et dotée de moteurs plus puissants, elle connaîtra pourtant moins de succès que la première génération avec 131 572 exemplaires produits jusqu’en 1999. Cela n’empêchera pourtant pas Toyota de présenter une troisième génération… mais ceci est une autre histoire.

Les nombreuses qualités de la MR2 sont indéniables. Mais comment se fait-il que ce modèle, écoulé à 163 000 exemplaires en 5 ans à travers le monde, soit considéré comme un succès alors que la Pontiac Fiero, écoulée à 370 000 exemplaires en 5 ans en Amérique du Nord seulement, est considérée comme un échec? Est-ce que ça ne serait pas un peu (MR)2 poids, (MR)2 mesures?

À voir aussi : Antoine Joubert vous présente la brochure de la Toyota MR2 1985

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