Les concessionnaires sanctionnés par la CAQ

Vous vous êtes procuré un véhicule neuf chez un concessionnaire? Si oui, vous êtes forcément passé par le bureau du directeur financier. Même si vous avez payé votre véhicule comptant. Parce que son rôle est bien sûr de proposer des modalités de paiement ou de location, en vous offrant en surplus une garantie prolongée, l’antirouille, le marquage antivol et autres. Cela inclut aussi les assurances, volet important de ses revenus comme pour ceux du concessionnaire. Des assurances de remplacement (équivalent à la valeur à neuf de votre assureur) ou encore des assurances vie ou invalidité sur le prêt.

Hélas, depuis nombre d’années, les plaintes s’accumulent du côté de l’Office de la protection du consommateur (OPC) et de l’Association sur la protection des automobilistes (APA) quant au prix de ces produits, surcommissionnés dans de nombreux cas. Des profits dépassant souvent les 50%, pour des produits que certains concessionnaires ont même imposés à des acheteurs, sous prétexte d’une condition à une acceptation de crédit.

Durant la pandémie, alors que survenait une pénurie de stocks sans précédent, des concessionnaires refusaient même de vendre un véhicule si l’acheteur renonçait à financer/louer et à choisir une panoplie de protections supplémentaires! Et pour cause, une profitabilité plus grande sur ces produits que sur le véhicule lui-même, expliquant pourquoi en 2019, les assurances de remplacement/vie/maladie grave/invalidité représentaient près de 400 millions de dollars de ventes pour les seuls concessionnaires du Québec...

Naturellement, la plupart des concessionnaires ont joué franc jeu en vendant leurs produits dans les règles de l’art et sans abus. Certes, la profitabilité demeurait élevée, mais au moins ils ne forçaient pas l’acheteur à y adhérer, comme l’ont fait certains. Or, puisque les abus ont été trop importants, un projet de loi déposé le 7 juin 2023 sous recommandation de l’Autorité des marchés financiers a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec afin que les concessionnaires ne puissent tout simplement plus vendre ce genre de produits.

Photo: Adobe Stock/Wasan

Constatant l’ampleur du problème, le projet de loi a été adopté par la CAQ (presque à l’unanimité) le 8 mai dernier, avec une mise en application dès le 1er juillet 2026. Cela signifie donc qu’à partir de cette date, l’assurance de remplacement ne pourra plus être offerte par les concessionnaires. Une situation distincte pour les assurances vie/maladie grave/invalidité/perte d’emploi qui pourront être offertes, mais sans intégration au financement/location du véhicule et sur une base annuelle renouvelable. Comme chez votre assureur.

Inutile de vous dire que cette loi ne fait guère l’affaire des concessionnaires qui subiront conséquemment d’importantes pertes de revenus. La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec déplore (avec raison) la mise en application de cette loi sans que l’on ait pu envisager une solution d’encadrement et une légifération plus sévère à l’endroit des concessionnaires. Selon Ian P. Sam Yue Chi (président de la CCAQ), cette décision permettra aux courtiers d’assurance d’avoir le plein contrôle sur les produits de valeur à neuf, certes en étant limités à des profits de 12%, mais en pouvant désormais jouer comme bon leur semble avec les primes, sans autre possibilité pour le consommateur.

Bien qu’il existe des nuances entre les produits vendus par le concessionnaire ou le courtier, il faut comprendre que pour une compagnie d’assurance comme Industrielle Alliance qui propose aussi ses produits par l’intermédiaire des concessionnaires, l’objectif est qu’une vente soit réalisée. Celle-ci peut se faire directement en passant par l’assureur, par le courtier ou par celui qui vend le véhicule. Or, en retirant un joueur de l’équation, l’assureur minimise ses chances de ventes. En revanche, le courtier n’en ressort que gagnant puisque de son côté, son principal adversaire se voit éliminé.

Photo: Adobe Stock/Prostock-studio

En quelque sorte, les courtiers possédant une banque de clients auront dès lors le monopole sur ce produit. Et je suis d’avis que ce genre de situation ne peut pas être à l’avantage du client, qui n’aura dorénavant plus le choix. N’oublions pas que dans plusieurs situations, le consommateur ne pouvant trouver d’équivalent au véhicule sinistré a tout avantage à pouvoir bénéficier de l’aide de son concessionnaire qui, de concert avec l’assureur, peut faire preuve de la valeur marchande réelle du véhicule. On pourrait aussi forcer la déclaration d’une perte totale au produit du remplacement d’un véhicule neuf, alors qu’un évaluateur d’assurance pourrait plus souvent choisir opter pour la réparation d’un véhicule qui (parce que gravement accidenté), verrait alors sa valeur marchande réelle baisser d’au moins 20%.  

Selon moi, il est malheureux de constater que le consommateur sera bientôt contraint de se procurer un produit à un seul endroit. Or, il y a eu un tel laisser-aller chez certains concessionnaires trop gourmands que le consommateur et l’industrie tout entière en paieront prochainement les frais.

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