Ferrari Purosangue 2024 : culturisme à l'italienne
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Serez-vous étonné d’apprendre que Ferrari ne qualifie pas le Purosangue (pur sang) de VUS? Pourtant, et bien qu’il n’y ait aucune comparaison possible avec un Range Rover, le principe d’un utilitaire s’y trouve : haut sur pattes, doté des quatre roues motrices et d’un hayon. Son format se compare en fait à celui d’un Porsche Macan, bien que son long « museau » lui donne plus de tonus. Remarquez, cet imposant capot était nécessaire pour accueillir le V12 servant à le mouvoir, lui permettant d’ailleurs de se distinguer de ses pairs.
En quelque sorte, considérez le Purosangue comme le digne remplaçant de la GT4C Lusso, une sportive à quatre places et à rouage intégral que Ferrari a commercialisée jusqu’en 2020. La Lusso n’a pas fait l’unanimité, mais elle illustrait justement cette résistance à commercialiser un VUS. Hélas, la firme de Modène n’aura eu d’autres choix que de céder, cherchant à maximiser ses profits, surtout depuis sa cotation en bourse.
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Ferrari dévoilait donc le 13 septembre 2022 son Purosangue au grand public. Puis, il y a un peu moins d’un an, le constructeur entreprenait les premières livraisons. Des unités très attendues par les riches consommateurs, parfois prêts à débourser de généreuses surprimes pour obtenir la leur plus rapidement. Quant à notre modèle d’essai, il a touché le sol québécois en juillet dernier pour être immédiatement livré à son propriétaire, Luc Poirier, que nous remercions pour le prêt de son véhicule.
La totale
Grosso modo, pas moins de 120 000 $ d’options ont été ajoutés au Purosangue mis à l’essai. Cela comprend 83 000 $ d’ajouts de fibre de carbone, soit l’équivalent d’une BMW M2 bien équipée. Alors non, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un VUS que Ferrari le rend plus accessible. Parce que si chez Lamborghini l’Urus est de loin le produit le moins onéreux, il en va autrement du Purosangue, dont le prix d’entrée frôle le demi-million de dollars...
Arborant cette légendaire teinte baptisée Rosso Corsa, notre Purosangue brillait de tous ses feux. Il faisait bien sûr tourner les têtes, autant par la beauté de ses lignes qu’en raison de ses proportions inhabituelles. Soulignons le capot à ouverture vers l’avant de même que les portières arrière de type « suicide », facilitant l’accès aux places arrière. Des places plus accueillantes que celles d’une GT4C Lusso, mais loin d’être aussi lumineuses et généreuses que celles d’un Aston Martin DBX, considéré comme l’un de ses proches rivaux.
Bien que M. Poirier ait eu à retourner au concessionnaire pour une question d’ajustement de portière et pour une défectuosité du siège conducteur, force est d’admettre que la richesse et la finition de l’habitacle sont exceptionnelles. Les matériaux de haute couture sont palpables à chaque endroit et l’intégration de la technologie s’immisce à merveille dans le design du magnifique poste de conduite. À eux seuls, les sièges impressionnent par leurs formes, comme s’ils étaient sculptés pour épouser chacune des parties du corps.
Les commentaires sont cependant moins dithyrambiques lorsqu’il est question du système multimédia logé derrière le volant, et dont l’utilisation est cauchemardesque. Certes, tout s’y trouve, mais bonne chance pour apprivoiser les commandes et l’utilisation de cet écran, dont la qualité graphique n’est pas la plus épatante de l’industrie.
Offrant de l’espace pour quatre personnes, de même qu’un coffre plus petit (473 litres) que celui d’une Mitsubishi Mirage, ne vous attendez pas ici à un véhicule familial particulièrement pratique.
715 ch + 1 qui orne le capot
La pièce de résistance du Purosangue est son moteur V12 de 6,5 litres produisant 715 chevaux. Une mécanique issue de l’exotique 812 Superfast (cette année remplacée par la nouvelle 12Cilindri), laquelle se voit légèrement dégonflée. Tout de même, une configuration mécanique quasi unique puisque hormis le Rolls-Royce Cullinan, aucun autre VUS ne propose aujourd’hui un moteur à 12 cylindres. Et surtout, avec une telle puissance! D’ailleurs, le seul fait de le démarrer constitue une expérience sensationnelle, bien que la sonorité ne soit guère aussi violente que celle d’une sportive de la marque.
Le Purosangue est lourd. Une masse de plus de deux tonnes qui se fait sentir aux premiers tours de roue. Les ingénieurs ont tout fait pour minimiser l’impact du poids, mais si vous pensiez retrouver ici les sensations d’une 488 Pista, vous avez tout faux. Une fois lancé, le V12 souffle de façon unique, avec une aisance inimaginable. Toutefois, on ne le sent pas plus puissant que le V8 boulonné dans le Porsche Cayenne Turbo GT, lequel produit presque 100 chevaux de moins.
D’ailleurs, les temps d’accélération pour l’exercice du 0 à 100 km/h sont identiques pour les deux véhicules, à 3,3 secondes. En revanche, Ferrari boucle le 0 à 200 km/h en 10,6 secondes alors qu’il faut une seconde de plus au Porsche. Quant à la vitesse de pointe, elle est de 311 km/h chez Ferrari et de 305 chez Porsche. C’est une différence de 6 km/h pour une facture deux fois plus élevée, mais également pour une exclusivité qui ne se retrouve pas chez Porsche.
Jumelé à une irréprochable boîte séquentielle à double embrayage, le V12 émet une sonorité distincte, mais qui n’est disons pas à la hauteur de l’exotisme du véhicule. Toutefois, la puissance n’est jamais problématique et le plaisir de passer manuellement les vitesses de façon instantanée n’est pas pour déplaire. Vous pourrez jouer avec les différents modes de conduite, mais il est évident qu’en majorité, le mode Comfort sera de mise. Vous pourrez de toute manière personnaliser les paramètres de conduite comme bon vous semble, après avoir apprivoisé la bête.
Si les accélérations impressionnent, Ferrari a surtout joué d’audace avec les éléments suspenseurs, qui éliminent toute possibilité de roulis grâce à une gestion électronique de l’amortissement de façon indépendante pour chacune des roues. En gros, le véhicule exempt de barres stabilisatrices est doté de modules qui, de façon électronique, font varier la compression de chacun des amortisseurs dans l’optique de constamment stabiliser la caisse. Cela n’a rien à voir avec la fermeté de l’amortissement qui est gérée à part et qui varie selon le mode de conduite sélectionné. Cette technologie permet d’assurer une meilleure stabilité à haute vitesse, facilitant le travail du rouage intégral à vecteur de couple.
Sur la route, le résultat pour le moins impressionnant puisque l’on anticipe effectivement un certain roulis qui, en mode Sport, ne survient jamais. Surtout en considérant le poids et le centre de gravité plus élevés qu’avec les autres voitures de la marque. Par contre, les pneus de 22 pouces (avant) et 23 pouces (arrière) cognent dur sur les routes du Québec et que pour une utilisation en toutes saisons, les contrecoups avec des pneus d’hiver ne seront que plus violents.
Appelé à déprécier
Si plusieurs Ferrari constituent de bons investissements, il en est autrement pour le Purosangue, appelé à devenir le produit le plus populaire de la marque. Certes, la production n’atteindra pas les chiffres du Lamborghini Urus, Ferrari souhaitant tout de même que l’exclusivité demeure. Or, pour ceux qui ont déboursé des sommes dépassant le prix affiché pour son obtention, sachez que ces montants se sont envolés en fumée. Il faut dire que le prix du Purosangue débute (tous frais inclus) à 496 650 $, avant même que vous n’ayez l’idée de cocher des options... Dans notre cas, la facture du véhicule grimpait à 624 654 $, ce à quoi vous devez additionner 62 465 $ de taxe de luxe, pour un total de 687 119 $. Et puis, vous ajoutez ensuite les taxes, vous obligeant à sortir votre chéquier pour un montant de 790 015 $. Ouf!
Naturellement, il n’y a rien de rationnel dans une telle histoire. Peut-on ici réellement justifier que le prix du véhicule (en excluant l’ensemble des taxes) soit minimalement deux fois plus élevé que celui d’un Porsche Cayenne Turbo GT, ou 35% supérieur à celui d’un Lamborghini Urus? La réponse est non. Et cela explique peut-être pourquoi on peut anticiper une dépréciation future plus grande que celle de toute Ferrari. Or, cela ne brimera pas les ardeurs de ceux qui souhaitent en faire l’acquisition, refroidissant toutefois celles des gensqui se les arrachent dans l’optique d’en tirer profit à leur tour.
En conclusion, c’est une machine belle à ravir, mécaniquement très impressionnante et authentiquement Ferrari, et qui à cause de son V12 extrêmement gourmand et polluant, pourrait n’être que de passage sous cette forme. D’ailleurs, si Bentley troque cette année son V12 pour un V8 hybride, il se pourrait que Ferrari doive faire de même plus tôt que prévu…