Mercury Cyclone 1968-71 : objectif NASCAR

Mercury, c’était le pendant cossu de Ford. Mais la marque a essayé à la fin des années 60, un peu comme tout le monde, de se donner une image sportive. Pour cela, la recette était simple : gros moteurs et succès en compétition.

Tout commence par le lancement de la Ford Falcon en septembre 1959 pour le millésime 1960. Elle devait hériter d’une cousine huppée et reposant sur un empattement allongé dans la gamme Edsel. Mais cette marque est discontinuée en novembre 1959 et le second modèle est finalement placé chez Mercury. Il est présenté en mars 1960 sous le nom de Comet. Dès le millésime 1961, la Mercury Comet reçoit une version plus « sportive » S-22. Pour l’année modèle 1964, elle prend le nom de Comet Cyclone. En 1966, la Comet est dorénavant associée à l’intermédiaire Ford Fairlane. La Comet Cyclone connaît une progression régulière de ses ventes : 7 454 exemplaires en 1964, 12 347 en 1965, 24 164 en 1966. En revanche, le millésime 1967 est plutôt décevant avec seulement 6 910 exemplaires. Pour 1968, Mercury a décidé de revoir sa stratégie. Est-ce que cela va suffire?

Photo: Mercury

Un modèle à part entière

Les intermédiaires sont redessinées dans le groupe Ford. Chez Mercury, la Comet est maintenant réduite à une simple entrée de gamme disponible uniquement en coupé hardtop. La nouvelle vedette de la marque, c’est la Montego. Elle est proposée en 4 carrosseries (coupé, berline, familiale et cabriolet) et deux niveaux de finition : de base et MX. L’autre changement dans la gamme, c’est que la Cyclone devient une série à part entière. Avec le lancement de la Cougar en 1967, Mercury essaye de se donner une image plus dynamique.

À l’instar de ses cousines Ford reposant sur un empattement de 116 pouces (2,95 mètres), les Fairlane et Torino, la Cyclone reçoit une nouvelle carrosserie fastback. Elle est disponible en deux versions : de base et GT. Celle de base bénéficie d’un V8 302 pc (4,9 litres) développant 210 chevaux et couplé à une boîte manuelle à 3 rapports, de bandes décoratives sur les bas de caisse, d’un intérieur en vinyle et d’un volant de luxe. La GT ajoute les sièges baquets, la suspension renforcée (ressorts et amortisseurs plus fermes et barre antiroulis plus épaisse), des enjoliveurs de roues spécifiques et des bandes décoratives sur la ceinture de caisse. Bien sûr, la liste des options est fournie : boîte automatique à 3 rapports, boîte manuelle à 4 rapports, régulateur de vitesse, freins à disque à l’avant, vitres électriques, verrouillage centralisé, sièges électriques, radios, console centrale, volant inclinable, horloge, toit vinyle, vitres teintées…

Photo: Mercury

Pour la sportivité, l’acheteur peut choisir entre deux versions du 390 pc (6,4 litres; carburateur deux corps et taux de compression de 9,5:1 pour 265 chevaux ou carburateur 4 corps et taux de compression de 10,5:1 pour 315 chevaux) ou le méchant 427 pc (7,0 litres). Ce bloc développait 425 chevaux en 1967 mais il a été revu pour 1968 afin d’être plus facile à utiliser au quotidien. Avec des poussoirs hydrauliques et un arbre à cames moins agressif, il produit dorénavant 390 chevaux à 5 600 tr/min et 460 lb-pi à 3 200 tr/min. Ce moteur est cher à produire et c’est pourquoi il est remplacé en avril 1968 par les 428 Cobra Jet (CJ) et Super Cobra Jet (SCJ). Présenté comme un 428 pc, il est en fait un 426,5 pc… allez comprendre.

Le Cobra Jet est donné pour 335 chevaux et le Super Cobra Jet pour 340 chevaux grâce à un système d’induction d’air Ram Air. Ford indique ces chiffres pour calmer les compagnies d’assurance mais en réalité, les puissances sont plus proches des 400-410 chevaux. En choisissant la 428 CJ, vous deviez aussi ajouter l’ensemble suspension renforcée, la boîte automatique C6 renforcée, le pont arrière à glissement limité et les freins avant à disque. Quant à la 428 SCJ, principalement destinée aux pistes de drag, elle venait avec un refroidisseur d’huile additionnel et des rapports de pont de 3,90:1 ou 4,30:1.

Les véhicules de NASCAR vont continuer à utiliser le 427 pc dans sa version course, qui développe plus de 600 chevaux. Grâce à leur toit fastback, le duo Ford/Mercury va se montrer particulièrement compétitif. La Torino remportera 21 des 49 courses de la saison 1968 et David Pearson sera sacré champion à son volant. Quant à la Cyclone, elle ne gagnera que 6 courses (toutes avec Cale Yarborough derrière le volant) mais s’avérera plus rapide que la Torino sur les circuits à grande vitesse grâce à une calandre pénétrant mieux dans l’air. Parmi ses victoires, elle pourra compter les prestigieux 500 milles de Daytona. Pour Mercury, c’est une publicité en or. La production remonte (voir tableau complet ci-dessous) à 13 638 exemplaires. Pour 1969, la marque espère encore aller plus loin.

Photo: Mercury

C’est la guerre!

Hormis la calandre, difficile de distinguer un modèle 1969 d’un modèle 1968. Par contre, les nouveautés ne manquent pas. Les coupés disparaissent alors que les versions GT sont remplacées par des CJ. La gamme des moteurs est revue : le 302 pc de base passe à 220 chevaux, un 351 pc « Windsor » est ajouté (5,8 litres, deux configurations : carburateur deux corps et taux de compression de 9,5:1 pour 250 chevaux ou carburateur 4 corps et taux de compression de 10,7:1 pour 290 chevaux), le 390 pc passe à 320 chevaux tandis que les 428 pc CJ et SCJ sont reconduits sans modifications.

Photo: Mercury

En janvier 1969, Mercury présente la Cyclone Spoiler… ou plutôt LES Cyclone Spoiler. La spolier est un ensemble optionnel qui comprend un aileron sur le coffre arrière (évidemment…), une peinture bicolore, la calandre noircie, le V8 351 pc en version 290 chevaux, des bandes noires sur le capot avec une entrée d’air et des goupilles de capot. Selon votre lieu de résidence aux États-Unis, vous aviez droit à l’une des deux versions offertes : à l’ouest du Mississippi, c’était l’édition Dan Gurney (Bleu présidentiel et Blanc Wimbledon, produite à 352 exemplaires), à l’est, c’était l’édition Cale Yarborough (Rouge candy apple et Blanc Wimbledon, produite à 617 exemplaires). Ces autos pouvaient recevoir l’ensemble des options proposées sur les autres Cyclones, y compris les plus gros moteurs.

Photo: Mercury

Ce n’est pas le cas de la deuxième version de la Spoiler, justement appelée Spoiler II. Cousine de la Ford Torino Talladega, il s’agit d’un modèle spécial pour l’homologation en NASCAR (qui demandait alors un minimum de 500 exemplaires vendus) et comprenant d’importantes modifications visant à améliorer l’aérodynamisme. Les Spoiler II reçoivent un avant plus long et plus bas avec une calandre plate à 4 phares. Le pare-chocs est nouveau et beaucoup mieux intégré avec les ailes. La réglementation NASCAR mesure la hauteur de caisse de la voiture de course par rapport au bas de caisse et non pas par rapport à la hauteur du châssis en comparaison avec le véhicule de série.

Mercury va employer une tactique assez spéciale : les bas de caisse sont reformés et remontés d’un pouce, ce qui permet d’abaisser la voiture d’un pouce et donc d’améliorer son aérodynamisme. Les Spoiler II viennent en éditions Dan Gurney ou Cale Yarborough mais possèdent toutes la même configuration mécanique : 351 pc de 290 chevaux et boîte automatique. Quant aux chiffres de production, le nombre de 503 exemplaires revient régulièrement. Par contre, une rumeur assez sérieuse fait état que Mercury n’aurait produit que 351 Spoiler II. Lorsque les inspecteurs de NASCAR seraient venus compter les autos dans le stationnement de l’usine, Mercury aurait ajouté 152 Spoiler normales au beau milieu du groupe et les instances n’y auraient vu que du feu.

Photo: Hugues Gonnot

Chose certaine, les Torino Talladega et les Cyclones Spoiler II seront bel et bien homologuées pour la saison 1969 de NASCAR. Sur les 54 courses de la saison, Ford en remportera 26 et Mercury 4. Chez Chrysler, c’est la panique! Dodge présente rapidement la version 500 de sa Charger avec une calandre de Coronet et une vitre arrière suivant le profil du montant. Toutefois, cela ne suffira pas. Il faudra attendre septembre 1969 pour que Dodge lance les Charger Daytona avec museau pointu de 45 centimètres de long et un aileron de 58 centimètres de haut.

Les Daytona vont s’avérer très rapides et très stables en course mais en arrivant tard dans la saison, elles ne pourront pas stopper l’hégémonie de Ford, qui raflera le titre. Plymouth suivra en 1970 avec la Road Runner Superbird. Ces voitures modifiées pour la course sont appelées « Aero Warriors » (les guerrières de l’aérodynamisme) et ne connaîtront qu’une gloire éphémère. Ford retirera presque tout son support officiel pour la saison 1970 (nous y reviendrons) et NASCAR modifiera ses règlements pour 1971 afin de les rendre obsolètes.

Commercialement, la Cyclone ne connaîtra pas une très bonne année en 1969 avec seulement 9 143 exemplaires produits. Peut-être que le nouveau modèle prévu pour 1970 y changera quelque chose…

Des chevaux!

Reposant toujours sur les mêmes soubassements (avec un empattement allongé d’un pouce), les Montego et Cyclone sont redessinées pour le millésime 1970 alors que le nom Comet disparaît. Pour les Cyclone, toujours une seule carrosserie avec un arrière semi-fastback et un avant pointu dont la calandre exclusive fait penser à un viseur de pistolet (les Montego font appel à des lignes horizontales).

Le style est dû aux designers Bill Shenk et Bob Williamson. La gamme se compose de trois versions : de base, GT et Spoiler. Mais d’abord, il faut parler de l’offre des motorisations, largement modifiée. Le 302 pc disparaît. Deux 351 pc sont proposés : le « Windsor » de 250 chevaux (carburateur 2 corps et taux de compression de 9,5:1) et le « Cleveland » de 300 chevaux (carburateur 4 corps et taux de compression de 11,0:1).

Vient enfin le 429 pc (7,0 litres) de la famille 385. Il est disponible en 4 déclinaisons : Thunder Jet (360 chevaux), Cobra Jet (370 chevaux), Super Cobra Jet (375 chevaux) et Boss (375 chevaux, principalement destiné à l’homologation en compétition). Curieusement, la version de base hérite du Thunder Jet couplé à une transmission manuelle à 4 rapports avec levier Hurst. C’est également la motorisation de la Spoiler. La GT vient par contre avec le 351 « Windsor ». Elle offre une calandre avec des phares dissimulés sous des panneaux rétractables alors que les deux autres ont des phares apparents.

Photo: Mercury

Toutes les versions viennent avec la suspension renforcée, la barre antiroulis à l’arrière et des sièges baquets. La GT ajoute une prise d’air sur le capot, la peinture deux tons, des feux arrière triples et le volant sport. Quant à la Spoiler, elle bénéficie d’ailerons à l’avant et à l’arrière, du différentiel à glissement limité, d’un compteur de vitesse gradué jusqu’à 140 mph et de l’instrumentation additionnelle (compte-tours à 8 000 tr/min, pression d’huile température moteur et ampèremètre, disponible en option sur les autres versions).

Photo: Mercury

Parmi les options, on retrouve le Drag-Pak (rapport de pont de 3,91:1, différentiel à glissement limité et radiateur d’huile moteur), le Super Drag-Pak (rapport de pont de 4,30:1, différentiel Detroit Locker et radiateur d’huile moteur), la direction assistée, les vitres électriques, le toit ouvrant, la console centrale, l’air conditionné, le volant ajustable et les vitres teintées. En cours d’année, Mercury commercialisera une rare version X-100 (un nom déjà utilisé sur les Marauder de 1969 et 1970). L’effet nouveauté permet à la production de remonter à 13 496 exemplaires.

Photo: Mercury

Par contre, l’hégémonie de l’ovale bleu en NASCAR est finie. Ford termine à la troisième place du championnat et Mercury à la quatrième (en faisant appel à un mélange de Spoiler II 1969 et de modèles 1970), derrière Dodge et Plymouth.

Pour 1971, les évolutions sont mineures. La calandre de la GT très légèrement revue, la Spoiler bénéficie de nouvelles bandes décoratives, les V8 429 Thunder Jet et Boss sont retirés alors que les 351 voient leur puissance réduite (240 chevaux pour le « Windsor » et 285 pour le « Cleveland »). La production baisse à 3 084 exemplaires, signe que la fête est finie. Sous la triple pression des tarifs d’assurance et des normes de pollution et de sécurité, les véhicules sportifs n’étaient plus en odeur de sainteté.

1968

1969

1970

1971

Cyclone

1 034

1 695

444

Cyclone GT

334

10 170

2 287

Cyclone Fastback

6 165

5 882

Cyclone GT Fastback

6 105

Cyclone CJ Fastback

3 261

Cyclone Spoiler

1 631

353

Total

13 638

9 143

13 496

3 084

Malgré des qualités sportives évidentes et un joli palmarès en compétition, les Mercury Cyclone n’ont pas connu le succès commercial des Pontiac GTO et Plymouth Road Runner, pour ne citer qu’elles. Finies les Marauder X-100, les Cougar Eliminator, les Cyclones Spoiler… l’expérience sportive de Mercury n’aura duré qu’un temps. Dès 1972, la marque va commencer à perdre de sa spécificité et les Mercury glisseront tranquillement dans le rôle de Ford remaquillées, malgré encore quelques succès en NASCAR. En dépit de quelques tentatives intéressantes (Marauder 2003, Cougar 1999), Mercury perdra toute pertinence dans les années 2000 avant de disparaître dans une quasi-indifférence en janvier 2011. Triste…

Mercury Cyclone Spoiler II 1970 : ce qui aurait pu être…

Photo: Hugues Gonnot

Ford avait initialement prévu de continuer à développer ses « Aero warriors » pour 1970. À partir de mai 1969, une équipe d’ingénieurs et d’aérodynamiciens commence à travailler sur la nouvelle génération sous la direction de Larry Shinoda avec la mission de dépasser les 320 km/h. Au lieu d’avoir un nouvel avant greffé sur les ailes existantes, les modèles 1970 allaient bénéficier d’un nouveau dessin depuis la cloison pare-feu. À l’été 1969, Ford testera sa version, la Torino King Cobra, sur l’anneau de Daytona. La voiture ne livrera pas les résultats escomptés. À cause de cela ainsi que des nouvelles réglementations de NASCAR et du désengagement de Ford en compétition, le projet sera arrêté en septembre 1969.

Trois King Cobra seront construites. Le programme Mercury était en retard et seulement deux Cyclone Spoiler II seront fabriquées. Des 5 autos, 4 seront équipées du 429 pc Super Cobra Jet et une du 429 pc Cobra Jet (une Torino). Une des deux Mercury a été détruite et l’autre a passé de nombreuses années dans une grange. C’est elle que voyez sur les photos, prises en juin 2003 au centenaire de Ford. Sa restauration avait été finie la veille! Son propriétaire est Steve Honnell et il possède également une Torino King Cobra. Heureux homme…

Photo: Hugues Gonnot

À voir aussi : Antoine joubert présente la brochure de la Mercury Marauder 2003

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