J’ai restauré mon premier moteur et voici ce que j’ai appris
Je vous ai déjà parlé de la voiture que j’ai achetée sans même l’avoir conduite. Elle est peu connue au Québec, mais est devenue mythique en Europe, une Peugeot 205 GTI. Initialement, je cherchais une Mazda Miata NA (le premier modèle) comme voiture d’été, cependant la possibilité de m’offrir une voiture possédée par plusieurs membres de ma famille et qui a bercé mon enfance m’a fait changer d’avis au dernier moment.
L’achat comportait une part de risque car l’auto n’avait pas bougé depuis 4 ans et nécessitait une bonne restauration avant de reprendre la route. J’avais plus peur de la partie châssis que du groupe motopropulseur, car celui-ci démarrait bien et tournait rond. Néanmoins, les moteurs n’apprécient pas les immobilisations prolongées, et après seulement 500 kilomètres parcourus le joint de culasse s’est mis à suinter l’huile sur l’arrière du bloc. Le 4 cylindres tournait parfaitement et les compressions étaient bonnes, mais je ne voulais pas laisser la situation empirer et risquer un bris bêtement. Pour repartir sur de bonnes bases, j’ai donc décidé de le refaire intégralement. La voiture datant de 1986, ce n’était pas du luxe.
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Même si j’ai bricolé beaucoup de mobylettes chez mes grands-parents à l’adolescence, j’étais un peu plus stressé par ce projet. La culasse d'un petit moteur 2 temps de 50 cc tient juste avec 4 boulons... c'est pas mal moins compliqué que de refaire un bloc de voiture!
Mais après un peu plus de 18 mois de travail les soirs et les fins de semaine, 6 mois d’interruption totale (les Guide de l’auto 2023 et 2024 ne laissent pas assez de temps pour travailler sur un tel projet!) et un peu de trouble pour faire venir certaines pièces d'Europe, la Peugeot a démarré cette semaine.
Sur mon moteur, tout a été changé ou remis à neuf à l’exception des cylindres, des pistons et du vilebrequin dont les cotes étaient parfaites lorsqu’elles ont été vérifiées.
La voiture tourne sur ses 4 cylindres, prend ses tours normalement. Et à part une petite fuite de liquide de refroidissement à cause d’un serrage trop faible sur un collier, il n’y a eu aucun problème. Si vous êtes mécanicien de métier, ce que je viens de vous dire est d’une affligeante banalité. Mais pour ceux qui voudraient se lancer dans une telle aventure, voici quelques conseils que je peux vous donner suite à cette restauration.
Photographier, filmer et noter
N’étant pas mécanicien à la base, j’ai mis toutes les chances de mon côté pour ne pas me retrouver avec des vis qui traînent dans une boîte à la fin du remontage... À chaque démontage d’une pièce, j’ai filmé le moteur en me parlant à moi-même. Cela donnait des vidéos du genre « ok, donc pour démonter le support du moteur il faut défaire deux vis, la longue va en haut et la courte va en bas ».
Une fois les pièces démontées, je les ai placées dans des sachets refermables ou dans des boîtes avec une étiquette pour savoir de quoi il s’agit. Et pour éviter les courts-circuits au remontage, j’ai aussi étiqueté toutes les prises électriques du moteur avec de l’adhésif de peinture.
Cela ne laisse pas de traces de colle et il est possible d’écrire dessus. De cette manière, j’étais certain de rebrancher les bonnes prises au bon endroit. Même chose pour les durites d'huile, d'air et d'eau pour les remonter adéquatement. À la fin, mon compartiment moteur était rempli d’adhésif vert un peu partout!
Quoi qu’il en soit, je me suis félicité plusieurs fois d’avoir pris ces précautions, car le temps que j’ai passé à tout filmer et noter m’a énormément servi au remontage.
Réfléchir et observer avant de tout démonter
Lorsque j’ai entrepris le démontage, je me suis vite rendu compte qu’un grand nombre de vis et de boulons étaient passablement rouillés. Ne voulant pas casser des vis dans leur logement, j’ai pulvérisé du dégrippant et laissé le tout agir plusieurs heures avant de démonter certaines pièces. C’est frustrant, on n’a l’impression de perdre du temps et de repousser le démontage, mais en fin de compte, ça a été payant.
Après avoir vidé la baie moteur, je n’avais cassé que deux vis. Et pour faciliter le remontage, j’ai nettoyé chaque vis corrodée (et il y en avait beaucoup!) avec une brosse métallique. Celles qui étaient trop rouillées pour être remontées ont été remplacées par des neuves. Là encore c’est long et fastidieux, mais très satisfaisant au remontage.
Revue technique et tutos sur YouTube
Avant de me lancer dans le démontage du moteur, j’ai évidemment acheté la revue technique de la voiture, qui donne plein d’informations. J’ai aussi trouvé des sources très intéressantes sur le web, notamment des tutos sur YouTube et des pages qui expliquent comment réaliser certaines opérations, photos à l’appui.
Cela m’a permis de voir à l’avance comment les pièces se démontent, et d’éviter les erreurs commises par des apprentis mécanos avant moi. Au remontage, le fait de disposer d’une page web avec tous les couples de serrage pour le moteur et la boîte de vitesses était aussi d’une grande aide.
Faire appel à un mécanicien quand c’est nécessaire
Certaines opérations mécaniques sont tout de même complexes et si l’on fait une erreur il y a un risque de casse important. Pour les choses les plus difficiles à faire, j’ai fait appel à des professionnels, notamment pour refaire l’étanchéité de la boîte de vitesses. Il fallait démonter une partie des pignons de quatrième et cinquième vitesse et un mauvais remontage aurait pu occasionner un bris.
J’ai aussi laissé des professionnels vérifier la planéité de la culasse, rôder les soupapes et placer les joints. Pareil pour le calage de la courroie de distribution et la pose des joints à lèvre du vilebrequin (les seals de crank). Dans le pire des cas, une grosse erreur de montage de ces éléments aurait pu entraîner une casse du bloc ou de la transmission. Pour une première restauration à vie, j’ai préféré jouer la sécurité…
Acheter ou louer des outils de qualité
Lorsque l’on décide de sortir un moteur et une boîte de vitesses, il faut pas mal plus de matériel que pour un changement d’huile! Mon idée de départ, c’était d’acheter les outils dont j’allais avoir besoin de nouveau et de louer les autres. Ainsi, je me suis équipé au fur et à mesure de mes besoins, et j’ai notablement étendu mon nombre d’outils. J’ai opté pour des articles de bonne qualité, et je pense que c’est une dépense qui vaut la peine pour ne pas abîmer vis et boulons.
En revanche, j’ai loué la chèvre à moteur pour le sortir du châssis. Si vous comptez sortir des moteurs souvent et que vous avez l’espace disponible, cela peut être intéressant de l’acheter. Mais l’investissement n’en valait vraiment pas la peine dans mon cas.
Ne pas se précipiter au remontage
Après près d’un an et demi à faire de la mécanique, j’étais évidemment impatient de pouvoir rouler avec la voiture. Voyant le mois de décembre arriver à grands pas, et avec lui l’interdiction de rouler sans pneus d’hiver, je me suis retenu d’accélérer la cadence.
En effet, je suis plus lent qu’un vrai mécanicien et je n’avais pas envie de faire une erreur stupide au remontage. J’ai donc continué à mon rythme normal, et j’ai terminé le 4 décembre… après qu’une énorme bordée de neige ait recouvert nos routes.
Pour éviter de trébucher juste avant la ligne d’arrivée, je me suis préparé une liste de tâches à ne pas oublier, y compris des choses niaiseuses comme remettre de l’huile ou du liquide de refroidissement. Et faire tourner le moteur en déconnectant l’allumage pour remettre une pression d’huile adéquate avant de le lancer pour le premier démarrage.
C’est donc après un nombre incalculable d’heures passées dans mon garage, de commandes de pièces retardées par la Covid et un doigt cassé par une pièce de suspension (voir la section « se faire aider quand c’est nécessaire »…) que j’ai finalement redémarré mon moteur. Il est parti au premier coup de clé et tourne comme au premier jour!
Le niveau d’huile est bon, la purge du circuit de refroidissement est faite, il ne me reste plus qu’à attendre que la neige fonde pour pouvoir profiter de mon moteur remis à neuf sur la route!