Retour en arrière pour les 60 ans de la Porsche 911
Maître dans l’art de célébrer ses anniversaires, le constructeur Porsche avait convié quelques journalistes canadiens à redécouvrir son histoire à travers diverses activités. D’abord, par l’incontournable visite du musée Porsche de Stuttgart accueillant plusieurs centaines de pièces exceptionnelles, mais aussi par l’essai de quatre voitures en partance du musée lui-même, qui allait nous faire découvrir de splendides paysages.
Évidemment, l’objectif de cette journée était de souligner les 60 ans de la mythique voiture sportive, également mis en lumière par l’introduction de la 911 S/T, mise à l’essai par notre collègue Gabriel Gélinas. Avant de nous remettre les clés de ces merveilles, les stratèges de la marque nous ont aimablement ouvert les portes de leur département d’archives, où se trouvent d’innombrables livres, brochures, photographies, documents de presse et même des croquis et modèles sculptés/moulés d’origine, qui relatent l’histoire et l’évolution de Porsche.
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Cet endroit, dirigé par des archivistes professionnels passionnés d’histoire, est une mine d’or d’informations permettant de répondre à la quasi-totalité des questions que les plus grands amateurs de la marque pourraient avoir. On y retrouve même les fiches de production faites à la main datant de plusieurs décennies, et donc bien avant que le tout soit informatisé. Naturellement, le travail d’informatisation a en grande partie été effectué depuis, mais on conserve ces pièces d’histoire qui, sans contredit, nourrissent la passion de ceux que l’on surnomme « les porschistes ».
Au moment de prendre la route
Le temps pluvieux laissait présager une journée un peu maussade dans le contexte, puisque la pluie s’abattait sur Stuttgart au moment de prendre la route. Pour l’occasion, Porsche a mis à notre disposition quatre 911 directement sorties du musée. Une Carrera 4 toute neuve à boîte PDK, une Targa 1995 à boîte Tiptronic, une Carrera 4 Cabriolet de 2001 à boîte manuelle de même qu’un superbe prototype ClubSport 3.2 de 1985, évidemment à boîte manuelle. Alors non, pas de 901, de GT2 RS ni de 911 RSR. Mais la gamme allait nous permettre de goûter à quatre pièces bien différentes. D’autant plus qu’au cours de la journée, les conditions météorologiques ont complètement changé.
J’ai commencé au volant de la Carrera 4 2023, la plus récente de toutes. C’était le moment de redécouvrir une voiture sensationnelle, mais également ultraluxueuse, comparativement à la Club Sport 3.2 qui nous ramène au pur plaisir de conduire. Puissante, équilibrée et très sonore, cette Carrera 4 de 379 chevaux n’attirait guère l’œil de mes collègues, qui n’attendaient comme moi que de s’installer au volant de la plus vieille du lot. Le fait de prendre d’abord le volant d’un modèle à la fois neuf et iconique allait me permettre d’imager avec brio l’évolution de cette voiture, constatant toutefois que les gènes demeurent les mêmes. Parce que la 911 a beau être unique en son genre, encore faut-il avoir le talent de bien la faire évoluer. Une qualité que l’on ne peut pas accorder à Chevrolet et sa Corvette, laquelle a eu droit à son lot de modèles décevants. Idem chez Ferrari avec la 348, ou chez Ford avec la Mustang.
Ironiquement, j’avais une opinion très mitigée sur la génération 996 de la 911. Celle lancée en 1999, la première à abandonner le refroidissement à air. Une voiture mise en vedette dans le film Partis en 60 secondes, avec Nicolas Cage, et sur laquelle les puristes ont rapidement levé le nez, dès l’arrivée de la 997 en 2005. Je dois l’admettre, j’ai eu énormément de plaisir à la conduire, elle est superbement balancée et très facile à piloter. Certes, c’est un cabriolet ayant son petit lot de craquements, mais dont l’équilibre et la conduite communicative soulèvent la passion. J’étais d’ailleurs déchiré au moment de passer les clés à un collègue. Ce bolide me plaisait aussi par son habillage orangé sur habitacle marine, une combinaison élégante et originale. Millésimé de 2001, l’auto affichait un peu plus de 100 000 kilomètres au compteur, ayant servi de voiture de fonction, pour divers bancs d’essai et pour d’innombrables événements. Elle donnait pourtant l’impression d’être toute neuve.
Je ne saurais en dire autant de la troisième 911 mise à l’essai, au moment où le ciel allait se dégager. Une 993 Targa à boîte Tiptronic, franchement très élégante, mais qui m’a amèrement déçu. D’abord, parce que j’avais eu la chance un an auparavant de conduire une 911 Turbo de 1997 qui m’avait jeté par terre, puis parce que je savais que Jacques Duval, père fondateur du Guide de l’auto, s’était à l’époque procuré une voiture similaire. Dans ma tête, elle se devait donc d’être spectaculaire! Hélas, le manque de puissance et l’horrible transmission Tiptronic l’ont sérieusement handicapée : elle fut incapable de suivre le reste du groupe qui s’amusait au volant de 911 beaucoup plus performantes.
Si j’ai été épaté par la grande qualité de préservation de la voiture, j’ai rapidement constaté que la boîte TipTronic était encore plus mauvaise que ce qu’il m’était possible d’imaginer! J’avais eu l’occasion de la tester à bord d’une Passat de 1998, mais jamais au volant de l’une des plus exceptionnelles autos sport des années 90. Ainsi, les 270 chevaux issus de ce six cylindres à plat donnaient l’impression d’être seulement 180, et encore…
La 911 Club Sport 3.2
Heureusement, le clou du spectacle m’a été confié qu’à la fin de cette journée, alors que le soleil brillait et que les routes enlacées se multipliaient devant moi. Une voiture d’à peine 1 180 kilos, sans radio ni rétroviseur côté passager, et qui voyait sa garantie réduite à deux ans, puisque dépourvue d’enduit protecteur de soubassement. Porsche est même allé jusqu’à éliminer le pare-soleil pour le passager, permettant de soustraire quelques grammes supplémentaires.
Entre 1987 et 1989, cette voiture n’a été produite qu’à 312 unités, 28 d’entre elles ont trouvé preneur en Amérique du Nord. Développant seulement 227 chevaux (217 en Amérique du Nord), elle pouvait néanmoins boucler le 0 à 100 km/h en 5,1 secondes, pour une vitesse de pointe de 245 km/h. Or, c’est surtout son aspect à la fois rudimentaire et communicatif qui m’a surpris. L’impression de goûter au nec plus ultra de l’époque où la Rabbit GTI de 90 chevaux était capable d’offrir de superbes sensations de conduite. Alors, imaginez avec deux fois et demi plus de puissance, dans une voiture propulsée, balancée et dotée d’une plage de puissance ultra linéaire! Remarquez, cette Club Sport était aussi capable de danser du train arrière très facilement, à cause moteur toujours logé derrière l’essieu.
Un volant, un levier de vitesses semblable à celui d’un camion-outil, deux baquets recouverts d’un velours léger et une instrumentation sommaire. Voilà ce qui équipait cette voiture prototype, dépourvue de vitres électriques ou de toute forme de luxe. Pas non plus de climatisation ni de sièges arrière. Trop lourd. Cela dit, une séduisante robe ornée d’ailes élargies, des jantes blanches, un becquet propre aux modèles Turbo et des autocollants plutôt discrets, permettaient cependant de bien l’identifier. Dépassant les 500 000 $ de valeur sur le marché actuel, une telle 911 est évidemment très prisée des collectionneurs. Plusieurs ignorent même son existence.
Évidemment, difficile d’imaginer à combien pourrait se vendre ce seul exemplaire prototype de 1985, qui n’affiche que 40 000 km au compteur. Cela dit, je suis heureux d’avoir pu en prendre le volant. Parce qu’entre vous et moi, la majorité des voitures de rêve de cette époque (Ferrari Testarossa, Lotus Esprit, Lamborghini Countach) sont toutes très décevantes lorsque vient le temps de les conduire. Mais dans le cas de cette 911, c’est le contraire!
Et comme si ce n’était pas assez, Porsche nous a ensuite conviés au lancement médiatique de l’ultime 718 Boxster, la RS Spyder, conduite dans les Alpes suisses.
Une autre triste journée au bureau…