Sombre journée d'un chroniqueur automobile
Ce ne sont pas tous les chroniqueurs automobiles qui sont nostalgiques. Au contraire, plusieurs ne sont attirés que par les dernières nouveautés, ne regardant que vers l’avenir. Or, l’avant est garant du passé et l’industrie automobile déborde d’histoires fascinantes que l’on peut lire à travers chaque véhicule commercialisé ces 125 dernières années.
Nostalgique, vous dites? Évidemment que j’en suis! Si bien que chaque fois qu’il m’est donné de prendre le volant d’un véhicule potentiellement appelé à disparaître, je documente cet essai de façon un peu plus exhaustive. Ce fut le cas cette semaine avec la Chrysler 300C. Une berline condamnée et qui, vraisemblablement, sera la dernière de l’histoire de cette marque. Si la division Chrysler n’est pas carrément condamnée. Parce qu’entre vous et moi, rien n’est moins certain que la survie de cette marque, qui nous promet un futur multisegment électrique, mais dont les détails restent nébuleux.
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Une chose est sûre, la Chrysler 300 disparaît pour de bon. À l’inverse de Dodge qui a fait des efforts pour garder un fort engouement envers ses Charger/Challenger jusqu’à la dernière minute, Chrysler n’a fait qu’étirer le temps de sa 300. Remarquez, le constructeur a fait l’effort de créer une 300C « édition finale » produite à 2 200 unités et dotée d’un V8 de 6,4 litres de 485 chevaux, mais cet exercice n’a pas dû coûter très cher en recherche et en développement...
Avec le temps va...
C’est donc aujourd’hui que j’ai rendu les clés de cette dernière voiture de la marque. À quelques jours de la date fatidique des pneus d’hiver, dont l’auto n’était pas chaussée soit dit en passant. Une autre page d’histoire ainsi tournée, et une autre des rares berlines américaines restantes qui lève le camp. Alors non, je ne verserai pas une larme, puisque l’industrie automobile est ainsi faite. Or, ce genre de situation me rappelle que plusieurs marques et modèles disparus sont passés entre mes mains au fil des années. À commencer par Daewoo et son trio Lanos/Nubira/Leganza, qui n’a été que de passage.
Bien sûr, la disparition de marques américaines au riche passé telles Mercury et Plymouth a créé un vide dans un paysage automobile où les Trois Grands dominaient encore le marché. Mon dernier essai de la Grand Marquis en plein hiver demeure d’ailleurs gravé dans ma mémoire, puisqu’elle fut sans aucun doute la dernière (et peut-être même la seule) voiture média mise à l’essai à avoir été dotée de pneus à flanc blanc! Également, la Pontiac G6. La dernière Pontiac a avoir été prêtée cette semaine-là à un chroniqueur automobile au pays, avant l’annonce de la faillite de GM, le 1er juin 2009. Un responsable de la marque m’avait contacté quelques heures après cette annonce, me forçant à rapporter ladite Pontiac au bureau régional dans les deux heures suivantes. C’était urgent!
Autre curieuse voiture mise à l’essai et que l’on aurait aimé avoir chez nous? La Buick Regal TourX, version familiale d’une berline qui nous fut offerte, mais condamnée en raison de la vente d’Opel par General Motors à PSA (Peugeot-Citroën). En effet, notre Buick Regal n’était rien d’autre qu’une Opel Insignia rebaptisée, voiture fort intéressante, mais que GM n’a jamais réellement promue. D’autres marques disparues? Smart, Scion et bien sûr, Suzuki, qui a connu beaucoup de succès au Québec. La berline Kizashi débarquée en 2011 a été le dernier des produits de cette marque, qui aurait certainement pu continuer à rayonner chez nous. Or, les États-Unis en ont décidé autrement.
Fin 2023, la Chrysler 300 tira donc sa révérence. Elle a marqué une page d’histoire lors de sa relance en 2005, remportant notamment des titres aussi prestigieux à son arrivée que Voiture de l’année par Motor Trend, Car and Driver’s, Automobile Magazine, North American Car of the Year (jury du NACTOY) et Voiture de luxe canadienne de l’année par l’AJAC. Considérée comme une des voitures les plus cool de son époque, de nombreuses vedettes hollywoodiennes ont d’ailleurs été vues à son volant. Voilà tout un lot de symboles honorifiques auxquels la Ford Five-Hundred, lancée au même moment, n’a pas eu droit.
Remettre les clés de la 300C n’a donc pas été difficile, puisque cette époque est révolue. Or, l’histoire entourant cette auto aujourd’hui devenue banale voiture de location est aussi riche que fascinante. Qui sait? Peut-être serons-nous d’ici quelques années nostalgiques des Tesla, Rivian ou même… Vinfast?