Les prêts automobiles plombent les ménages québécois
Alors que plusieurs propriétaires de maisons peinent à payer leur hypothèque, un nombre croissant de propriétaires et de locataires de voitures n’arrivent plus à faire leur paiement mensuel. Le taux de délinquance de 90 jours et plus sur les prêts automobiles est en hausse de 29% par rapport à l’an dernier, et plusieurs remettent les clés à leurs prêteurs.
Lorsque Le Journal de Montréal a demandé à Toufic Srabian comment se portait le marché automobile, sa réponse n’a pas tardé. « Cette semaine encore, un ami qui travaille dans un concessionnaire a dû rependre une auto, car le propriétaire n’était plus capable de payer la banque », raconte ce directeur de l’Encan Groupe Gabriel, à Montréal.
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« On sent que le marché commence à refroidir. Tout ce qui est un peu cher et qui nécessite du financement, ça ralentit. Les gens s’arrachent les minounes ces temps-ci. Si on annonce une auto 4000 ou 5000 $, ça se vend très vite. Les gens ne veulent plus s’endetter pour des voitures chères », ajoute-t-il.
« En ce moment, oui, on a plus d’autos qui rentrent que d’habitude », confirme Monica, réceptionniste chez Enchères d’automobiles St-Pierre (Esp Ltee), à Lachine. Au moment où Le Journal de Montréal l’a contactée, une enchère avait lieu. « Aujourd’hui, par exemple, on a eu beaucoup plus de véhicules. En même date l’année passée, on avait peut-être une soixantaine de véhicules de moins », dit-elle.
Esp Ltee, comme d’autres encans, se procure des véhicules auprès des banques et des créanciers qui reçoivent des automobiles provenant de gens qui ne peuvent plus payer leurs paiements mensuels.
Prêts délinquants
Les chiffres témoignent du ralentissement dans le marché automobile. Equifax dévoilait récemment que le taux de délinquance de 90 jours et plus sur les prêts automobiles au pays avait bondi de 29% en un an. « On voit clairement une augmentation importante de ceux-ci », dit Jean-Philippe Saumure, conseiller principal chez Equifax.
Les prêts automobiles sont d’ailleurs la nouvelle inquiétude de la Banque du Canada. Celle-ci soulignait récemment qu’au Canada, en plus des emprunteurs hypothécaires, d’autres emprunteurs sont confrontés à des difficultés, en particulier ceux qui ont contracté des emprunts pour acheter des véhicules automobiles. « En particulier, les taux de délinquance pour les prêts automobiles ont dépassé les niveaux d’avant la pandémie », soulignait la Banque récemment.
Jeter du lest
Pierre Fortin, président de l’entreprise de réorganisation financière Jean Fortin, confirme aussi que les prêts-autos sont de plus en plus le « lest » dont les gens en difficultés financières se déchargent ces temps-ci.
« J’en vois plus qu’avant, des gens qui donnent leurs clés. Nous, on leur dit : “C’est probablement la seule fois dans votre vie que vous allez pouvoir revenir sur un contrat automobile”. Quand il y a de grosses sommes en jeu, c’est peut-être mieux de faire le ménage et de recommencer à neuf », dit-il.
« En situation de faillite, vous avez le droit de dire : “Je veux redonner mon auto”. Et vous n’êtes pas responsable de la perte que le créancier va subir, assure Pierre Fortin. Les concessionnaires s’arrangent avec ça, ils envoient l’auto à l’encan. C’est prévu par la loi. »