Ce que client peut, ce que client veut?
La semaine dernière, plusieurs de mes collègues journalistes automobiles et moi assistions au lancement médiatique du Hyundai Kona. Un petit multisegment que l’on aurait autrefois qualifié de voiture compacte, et qui, par son look et sa configuration, réussit à séduire les acheteurs québécois.
Lancé en 2017, le Kona allait d’ailleurs se hisser au sommet des ventes de sa catégorie dès sa première année de commercialisation, son prix initial le rendant également très alléchant. Or, la stratégie du constructeur a depuis évolué, au point où aujourd’hui, le Kona se compare en termes de format au précédent Hyundai Tucson, qui a lui aussi gagné en taille.
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Naturellement, si à son arrivée le Kona se vendait à compter de 20 999 $, il en va autrement maintenant. Le prix d’entrée se situe à 25 999 $ (20% d’augmentation en six ans) et les frais de transport/préparation/concessionnaire totalisent désormais pas moins de 2 647 $. C’est donc un total de 28 646 $ qui est aujourd’hui exigé pour un modèle de base, lequel ne sera évidemment distribué qu’au compte-gouttes. Car dans les faits, on met davantage l’accent sur les modèles à moteur turbo dont la facture débute à 38 146 $, alors que le modèle Preferred avec ensemble Trend (35 396 $) devrait être le modèle à volume de la gamme.
Il ne faut donc pas observer que le prix du modèle de base pour tirer des conclusions sur l’augmentation des prix, mais plutôt l’ensemble des frais qui s’y ajoutent de même que l’accessibilité au produit. Parce que Hyundai a beau publiciser une Elantra Essential à compter de 22 946 $ (incluant l’ensemble des frais), sachez que cette voiture demeure une véritable licorne : elle est quasi impossible à obtenir, plusieurs concessionnaires admettant même ne pas en avoir vendu une depuis fort longtemps.
Les taux de financement/location font également partie de l’équation. Sans surprise. Par exemple, un véhicule de 30 000 $ plus taxes financé sur 72 mois à un taux de 0% (comme c’était souvent le cas avant la pandémie) coûtait 477 $ mensuellement. Or, à 6,49% (taux de financement du Hyundai Kona 2024 pour 72 mois), ce même véhicule de 30 000 $ coûterait aujourd’hui 578 $ par mois. En somme, une centaine de dollars de plus puisés chaque mois dans vos poches. Et en admettant que le véhicule de 30 000 $ vendu en 2018 coûte 6 000 $ de plus, la mensualité passerait alors à 694 $. Une augmentation de plus de 30% qui ne concorde certainement pas avec la moyenne des rémunérations salariales...
Le contexte financier étant difficile, les consommateurs souhaiteraient donc pouvoir faire des choix plus rationnels, sans nécessairement se tourner vers des modèles d’occasion. Pour y pallier, Hyundai propose toujours le Venue, compact et sympathique, mais plusieurs pleurent encore la disparition des véritables sous-compactes, comme l’Accent, qui a connu un grand succès chez nous. Certes, la dernière mouture lancée en 2018 n’aura été que peu populaire, mais le constructeur a tout fait pour la faire disparaître, l’étiquetant même à des prix dépassant ceux de l’Elantra.
Hélas, c’est en observant le prix d’achat et le coût de possession à long terme que l’on constate que l’Accent était une aubaine incroyable. D’une part, parce que les modèles 2019 et 2020 d’occasion se vendent encore au prix initial d’achat, mais aussi parce que les factures d’entretien, d’essence et d’assurance demeurent plus faibles que celles de tout véhicule neuf que Hyundai propose à l’heure actuelle. Un facteur déterminant pour bien des acheteurs, qui n’ont tout simplement plus les moyens d’acheter du neuf, vu le contexte financier.
Et si Hyundai Canada choisissait de nous la ramener? Seriez-vous acheteur? Considérant une consommation d’à peine 5,5 L/100 km pour un prix qui se rapprocherait de celui de l’Elantra? Parce que bien qu’elle soit disparue de notre marché, l’Accent existe toujours. Elle se nomme en fait i20, et est distribuée sur la plupart des marchés européens et asiatiques. Cette voiture est non seulement très moderne, mais également fort jolie, et constituerait pour une masse d’acheteurs canadiens, une option viable.
Hélas, vous pouvez continuer de rêver! Parce que même si la clientèle était au rendez-vous, la volonté des constructeurs à offrir ce genre de produit n’y est plus. Ils veulent vendre des véhicules plus gros, plus coûteux, toujours plus lucratifs... Et des véhicules beaucoup plus complexes à entretenir, ce qui les fera malheureusement mal vieillir. Elle est donc terminée cette époque où la voiture neuve pouvait être accessible à une grande partie des automobilistes. Où il était possible de glisser une mensualité de location dans un budget serré, alors qu’on ne devait pas choisir entre faire le plein ou manger à sa faim.
Ainsi, et bien qu’on ne le perçoive pas réellement, Hyundai ne nous sert plus nécessairement les véhicules cadrant avec notre portefeuille. On dicte plutôt le marché en nous imposant des produits, forçant la clientèle à débourser toujours plus. Et consolez-vous, parce que si Hyundai offre encore quelques produits à moins de 30 000 $, il en va autrement chez Stellantis, Ford ou Honda, qui ont modifié leur offre en laissant tomber au passage une grande partie de sa précédente clientèle. Celle qui devait se serrer davantage la ceinture, et qui devrait aujourd’hui s’endetter en dépassant les plafonds de l’imagination.
De façon générale, l’offre automobile d’aujourd’hui devient donc de moins en moins logique pour une grande partie de la clientèle, qui n’a d’autre choix que de se tourner vers le marché d’occasion ou vers des moyens de transport alternatifs. Une bien triste situation, découlant de la faiblesse de notre dollar et de notre dépendance face aux décisions prises par les Américains.