Concessionnaires contre garagistes : dur, dur de faire réparer sa voiture
Par Julien McEvoy
Rien n’est plus difficile à réparer qu’une Tesla pour le garagiste du coin. Mais bientôt, avertissent des acteurs de l’industrie, toutes les automobiles pourraient devenir aussi embêtantes et surtout aussi chères à entretenir que la création d’Elon Musk.
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« Plus le modèle est récent, plus c’est difficile d’avoir accès à l’information », résume Alain Blondeau, propriétaire d’un garage de deux portes depuis 1987 à Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal.
Il donne l’exemple des poignées incrustées dans la carrosserie de la Tesla Model 3 : si on peut facilement les changer, il faut aller chez le concessionnaire pour que la voiture reconnaisse la nouvelle pièce.
« C’est la pire des compagnies. Ils refusent de nous vendre des pièces. Je ne fais plus rien sur des Tesla, sauf changer des pneus », raconte le mécanicien.
Si Tesla est bien connue pour opérer en circuit fermé, ce pourrait bientôt être le cas de nombreuses autres voitures.
« Le nerf de la guerre, c’est de pouvoir faire réparer sa voiture où on veut, et pas juste chez le concessionnaire », expose Jean-François Champagne.
En 2023, une simple Honda Civic est pratiquement aussi connectée qu’une Tesla, fait remarquer celui qui représente notamment des garages et des ateliers indépendants.
Et les constructeurs gardent jalousement les données qu’ils tirent des voitures qu’ils vendent.
« On peut changer des plaquettes de frein, un pot d’échappement, etc. Mais si chacune des composantes est branchée sur internet, ça prend un ordinateur pour le mettre en place, et si j’ai pas accès, c’est là, le problème, je ne peux pas compléter la réparation », résume M. Champagne.
Il souhaite donc que Québec adopte sa loi au plus vite afin d’obliger les constructeurs automobiles à partager leurs données avec les ateliers indépendants.
La guerre de l’info
À Saint-Lambert, Alain Blondeau est bien conscient de ce problème. « Ça coûte une fortune en équipement pour rester à jour et suivre. C’est pour ça que les garages disparaissent les uns après les autres », pense-t-il.
C’est là, le nœud du problème : une réparation faite directement chez le concessionnaire va coûter plus cher au client que s’il va au petit garage du coin, où les prix augmentent aussi en raison de l’équipement.
« Il faut tout le temps que tu réinvestisses. Le problème, c’est que ces coûts-là sont relayés au client », reconnaît Alex Bessette, conseiller technique chez Alex Pneu & Mécanique, un garage de 15 portes à Montréal.
Si les garagistes indépendants arrivent toujours à se débrouiller pour régler les problèmes, dit-il, reste que ça va vite dans le monde de l’automobile.
« La technologie dans les voitures neuves qui sortent du concessionnaire aujourd’hui était impensable il y a 10 ans », illustre ce passionné de voitures.
Les choses évoluent si vite qu’Alex Bessette ne croit même pas qu’on pourrait mettre de l’avant des outils standardisés qui permettraient de réduire les coûts.
« L’outil que tu viens de t’acheter ne sera plus bon pour le prochain modèle », assure-t-il.
Pour une simple vis, on peut parfois avoir besoin de quatre outils, rigole (un peu jaune) Alain Blondeau. « On aurait besoin que ce soit standardisé, mais là, on parle de standardiser à la grandeur de la planète. Penses-tu que le Québec va changer quelque chose avec sa loi ? », demande-t-il.
Quant à l’information que retiennent les constructeurs, il s’agit d’être débrouillard... et pas chiche.
« Oui, on a de la misère à avoir de l’info, mais quand t’es prêt à payer, il y a toujours moyen d’en avoir. On n’est pas à jour, à jour, mais on n'est pas si mal », lâche le garagiste.
Le coût de cette information nécessaire aux réparations se retrouve, lui aussi, sur nos factures.