États-Unis: début d'une grève inédite chez trois constructeurs automobiles
Le syndicat américain des employés de trois grands constructeurs automobiles a lancé dans la nuit de jeudi à vendredi une grève inédite simultanée dans trois usines aux États-Unis, faute d'avoir trouvé un accord dans les négociations portant notamment sur la hausse des salaires.
Devant le site de Ford de la région de Détroit (Michigan), des klaxons et des applaudissements ont accueilli dans la nuit l'arrivée du président du syndicat United Auto Workers (UAW), Shawn Fain, qui avait annoncé un peu plus tôt avoir choisi pour lancer ce mouvement trois sites, un dans chaque groupe (General Motors [GM], Stellantis et Ford).
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« Ce soir, pour la première fois de notre histoire, nous allons faire grève chez les “trois gros” (constructeurs, NDLR) », avait prévenu le patron de l'UAW, devant le blocage des négociations sur les conventions collectives et notamment sur la hausse des salaires.
Les sites concernés sont des usines d'assemblage: à Wentzville (Missouri) pour GM, à Toledo (Ohio) pour l'usine de Jeeps de Stellantis (issu de la fusion du français PSA et de l'américain Chrysler) et à Wayne (Michigan) pour Ford. Environ 12 700 employés devraient débrayer vendredi, selon le syndicat.
Mais le mouvement pourrait s'étendre, a souligné Shawn Fain, qui a enjoint les quelque 146 000 membres de son organisation travaillant pour ces constructeurs à se tenir prêts à débrayer en fonction de l'évolution des négociations.
Un conflit social prolongé ou élargi pourrait avoir des conséquences politiques pour le président Joe Biden, dont le bilan économique est critiqué, en particulier du fait de l'inflation tenace.
A un peu plus d'un an du scrutin présidentiel, il marche sur des œufs, entre son soutien affiché aux syndicats et le spectre d'un coup porté à l'économie américaine.
Revalorisations réclamées
Les négociations entre syndicats et constructeurs ont commencé il y a deux mois pour élaborer les nouvelles conventions collectives pour quatre ans. Les employés du secteur réclament des revalorisations salariales et plus d'avantages, alors que les constructeurs automobiles, qui ont enregistré des profits ces dernières années, ont serré la vis après la crise financière de 2008.
La dernière grève du secteur, qui remonte à 2019, n'avait affecté que GM. Elle avait duré six semaines.
L'UAW réclame un relèvement des salaires de quelque 40% sur quatre ans, alors que les trois constructeurs n'ont pas été plus loin que 20% au plus, selon le syndicat.
« Cette entreprise se fait de l'argent sur notre travail depuis des années. Je pense qu'il est temps qu'elle rende quelque chose », a témoigné Paul Sievert, employé à l'usine Ford de Wayne depuis 29 ans.
Les trois géants historiques de Detroit ont notamment aussi refusé d'accorder des jours de congés supplémentaires et d'augmenter les retraites, assurées par des caisses propres à chaque entreprise.
« Grève historique »
Dans un communiqué diffusé dans la foulée, Ford s'est dit « absolument résolu à parvenir à un accord récompensant les employés et protégeant la capacité de Ford à investir pour le futur ».
Selon le groupe, la contre-proposition transmise jeudi soir par l'UAW « n'a montré que peu de différences par rapport aux demandes initiales » du syndicat. Ford a qualifié l'offre qu'il avait faite au syndicat il y a plus de deux jours « d'historiquement généreuse avec d'importantes hausses salariales » et d'autres avantages.
Le patron du groupe, Jim Farley, a reproché jeudi à Shawn Fain de vouloir « faire une grève historique dans les trois groupes, mais nous voulons écrire l'histoire avec un accord historique ».
Le président de General Motors, Mark Reuss, avait lui estimé peu avant sur la chaîne CNBC qu'une grève constituerait «une issue très très triste» avec des conséquences importantes.
« Nous sommes extrêmement déçus par le refus des dirigeants de l'UAW de s'engager de manière responsable pour atteindre un accord équitable dans le meilleur intérêt de nos employés, de leurs familles et de nos clients », a réagi Stellantis dans un communiqué.
Selon le cabinet de conseil Anderson Economic Group (AEG), une grève de dix jours pourrait représenter plus de cinq milliards de dollars de perte de revenus pour l'économie américaine.
Tentant de déminer le terrain, Joe Biden a parlé par téléphone jeudi soir à Shawn Fain et les dirigeants des constructeurs pour faire le point.
Mi-août, il avait plaidé pour un accord « gagnant-gagnant » et « équitable », renforçant les droits des travailleurs pendant la transition vers les véhicules électriques.