SAAQ: les accidentés de la route s’appauvrissent, dénoncent des experts
Par Olivier Faucher
Les accidentés de la route s’appauvrissent en raison des montants insuffisants offerts par la SAAQ pour les indemniser, selon des experts.
- À lire aussi: Fiasco à la SAAQ: un retour à la normale prévu seulement en juillet
- À lire aussi: La SAAQ déploie des solutions pour améliorer son service à la clientèle
« Descendre le permis de conduire à 24 $, moi, je trouve qu’on fait fausse route parce qu’on aurait pu financer correctement les accidentés de la route », plaide Sophie Mongeon, avocate défendant des accidentés de la route.
Elle constate que ses clients perdent beaucoup d’argent dans leur processus de réadaptation.
Lorsqu’ils réussissent à faire rembourser des dépenses en lien avec l’accident par la SAAQ, ce qui n’est pas toujours le cas, l’indemnité obtenue ne couvre souvent qu’une partie des coûts réels.
« En 2023, le maximum qu’ils vont payer un psychologue, c’est 101 $. Il n’y a aucun psychologue qui va prendre un dossier à 101 $, surtout quand il y a beaucoup de paperasse à faire », illustre-t-elle. Selon l’Ordre des psychologues du Québec, le tarif pour une séance de 50 minutes varie généralement entre 120 $ et 180 $.
Pour la plupart des traitements et des frais, selon elle « il y a toujours entre un 10 $ et 40 $, voire 80 $ de frais qui ne sont pas couverts », et c’est entre autres l’accumulation de ces montants qui mène à un « appauvrissement important des accidentés », dénonce Me Mongeon.
Une réforme insuffisante
Il y a un an, le ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel, a fait adopter une réforme de 750 M$ à la SAAQ pour « réparer une erreur historique » et fournir un revenu aux blessés de 67 ans et plus, en plus de bonifier le revenu octroyé aux blessés catastrophiques.
Cette réforme n’est toutefois «pas allée assez loin» pour changer la loi datant 1978 qui assure les accidentés, soutient Me Mongeon, qui croit que gouvernement aurait davantage dû s’intéresser au coût réel de la vie de ces victimes.
« Ils [la SAAQ] nous enlèvent encore tout ce qui est régies d’assurances, retraite Québec, RQAP, etc., et ils ne cotisent pas, ajoute-t-elle. S’ils l’enlevaient et qu’ils cotisaient, au moins, ça permettrait à des gens d’avoir droit à de l’assurance-emploi au bout de tout ça. »
La réforme Bonnardel a également « déçu » Mélanie Patenaude, directrice générale de l’Association pour les droits des accidentés. Celle-ci dénonce également les nombreux refus de remboursements de la SAAQ qui compliquent la vie des accidentées.
« Quand cette loi a été adoptée [en 1978], c’était pour éviter que les accidentés vivent un parcours judiciaire et des dédales juridiques et qu’ils puissent s’occuper de leur dossier. On oublie ça! Il n’y a aucun accidenté qui peut s’occuper de son dossier. Ça prend un avocat. »
Elle revendique également que la SAAQ reconnaisse les expertises des médecins accidentés. Actuellement, ce sont des médecins travaillant pour la SAAQ qui décident si une personne peut oui ou non travailler, sans même avoir examiné l’accidenté.
« Un médecin en télémédecine ne peut pas émettre un diagnostic d’otite, mais un médecin de la SAAQ qui n’a parlé à personne peut décider seulement en lisant le dossier médical que l’accidenté est apte à travailler », s’indigne Mme Patenaude.
« Effectivement, un petit coup de téléphone au médecin de famille, ça pourrait éviter une contestation », renchérit Mme Mongeon.
La SAAQ réagit
Le porte-parole de la SAAQ, Gino Desrosiers, soutient de son côté qu’une « veille est réalisée en continu sur les indemnités payables afin de s’assurer qu’elles soient représentatives du coût de la vie. »
Il fait aussi valoir que « dans la très grande majorité des cas », la Société se base sur l’opinion du médecin traitant et des professionnels de la santé traitants pour rendre ses décisions.
« Malgré la baisse des cotisations d’assurance au cours des dernières années, la Société a bonifié considérablement sa couverture d’assurance en juillet 2022 », lors de l’entrée en vigueur de la réforme Bonnardel, ajoute M. Desrosiers.