Pontiac Banshee : l’esprit de la Firebird
Dans la mythologie celtique irlandaise, la banshee est un esprit de l’autre monde. Dans le monde de l’auto, c’est une série de concepts annonciateurs de ce que la Firebird sera ou aurait pu être.
Banshee, c’est aussi le nom donné à un avion de chasse, le McDonnell F2H, et c’est plutôt en hommage à ce dernier que la dénomination a été pour la première fois utilisée par John DeLorean, alors qu’il était à la tête de l’ingénierie de Pontiac. Mais il nous faut d’abord commencer par la Banshee... qui n’est pas une Banshee.
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L’expérience interdite
Il y a trois types de gens : ceux qui suivent les règles, ceux qui font les règles et ceux qui brisent les règles. John DeLorean est plutôt du dernier type. Et la règle chez General Motors est simple : on ne crée pas de concurrente à la Chevrolet Corvette. Qu’importe, chez Pontiac, DeLorean veut une voiture sport à deux places! Fin 1963, il décide de lancer le projet XP-833, dont le responsable sera l’ingénieur Bill Collins. En utilisant une plate-forme de Tempest 1964 modifiée, deux véhicules concepts sont construits : l’un avec un V8 de 326 pouces cubes (5,3 litres) et l’autre avec un 6 cylindres en ligne de 230 pc (3,8 litres). La XP-833 se distingue par son hayon en une pièce qui s’étend jusqu’au pare-brise et qui s’ouvre par l’arrière.
Les études sont bien avancées et DeLorean décide de présenter le concept au conseil d’administration. Son plan est de cadrer l’auto comme une rivale de la Mustang (qui a pourtant 4 places) et de ne parler à aucun moment de la Corvette. Hélas, les membres du conseil ne sont pas dupes et le projet est annulé illico presto. Dans ce genre de situation, les véhicules sont envoyés au broyeur. Pas cette fois : Bill Collins parviendra à les sauver et à les entreposer. En contrepartie, DeLorean aura le droit de développer une version Pontiac de la Camaro (la Firebird) et la XP-833 sera l’une des influences derrière le style de la Corvette C3 de 1968.
La Banshee, la vraie
Au milieu de 1963, DeLorean lance, sous le code XP-798, l’étude d’une gamme de modèles sportifs qui pourraient être déclinés en 2 ou 4 places avec même des variantes cabriolets et familiales. Le développement aboutira à un premier véhicule concept qui doit être présenté au Salon de l’auto de New York en avril 1966, sous le nom de Banshee (initialement, il devait être appelé Scorpion). Doté d’un V8 421 pc (6,9 litres) Tri-Power, il intègre des charnières trapézoïdales et un demi-toit ouvrant de chaque côté pour faciliter l’accès des passagers.
L’auto est expédiée au salon et des communiqués de presse sont imprimés. C’est apparemment à la demande expresse de James Roche, alors président de GM, que la présentation sera annulée à la dernière minute… au plus grand désagrément de DeLorean. La Banshee ne sera jamais montrée au public et, cette fois-ci, le véhicule sera broyé… mais pas avant que Bill Collins n’en récupère les logos. Précédant son départ de Pontiac pour suivre DeLorean dans l’aventure de la DMC-12, il achètera la XP-833 à moteur V8 (son mécanicien, Bill Killen, achètera le coupé 6 cylindres) et collera simplement les logos Banshee dessus. L’auto était renommée!
La tournée des salons
Le nom est présenté pour la première fois au public en 1968 avec le concept Banshee II (plusieurs ont dû se demander ce qu’était le numéro 1…). Il s’agit d’une Firebird recarrossée sous la forme d’un roadster (pas de toit, pare-brise coupé) avec des panneaux en fibre de verre. L’avant fait penser à la Corvette du même millésime et sous le capot, on retrouve toute la mécanique de série de la Firebird (V8 400 pc, 6,6 litres). Ce concept est parfois évoqué comme la Pontiac Fiero.
Ce n’est qu’en 1974 que la dénomination Banshee fait son retour dans les salons. La Banshee III est une Firebird retravaillée pour améliorer l’aérodynamisme (avant et arrière en pointe, vitres latérales collées avec une simple glace d’accès). L’avant préfigure, sans les couvercles de phare, les modèles 1977/1978. Le moteur est un rarissime 455 pc (7,5 litres) Super Duty. Ce monstre, donné de façon très conservatrice à 310 chevaux et 390 lb-pi (chiffres nets) par Pontiac, a été seulement offert en option sur la Firebird pour les millésimes 1973 et 1974. En 1976, la partie arrière sera revue pour intégrer 20 feux circulaires et de nouvelles sorties d’échappement. Mais le plat de résistance est encore à venir!
Le futur avait de l’allure
La quatrième génération de Banshee est certainement la plus spectaculaire. Elle est la vision d’un designer : Tom Peters. Entré brièvement chez GM en 1980, il y retournera définitivement en 1982 pour y effectuer une carrière fructueuse les 37 années suivantes. En 1986, il dessine le concept Corvette Indy, il signera plus tard les Cadillac Sixteen et Buick Velite. Pour les véhicules de série, il fait preuve d’éclectisme en réalisant tant le style de voitures sport (Corvette C6, C7 et C8 ainsi que les 5e et 6e générations de Camaro) que d’utilitaires (les camions GMT K2XX). Ombre au tableau, son nom est également accolé au Pontiac Aztek…
Pour la saison 1988 des salons de l’auto, GM dévoile en tout début d’année 6 concepts : Buick Sceptre, Chevrolet Venture, GMC Centaur, Cadillac Voyage, GM SVR-1 et Pontiac Banshee. Pour ce dernier, Peters a cherché à aller encore plus loin que pour la Corvette Indy. Aujourd’hui, elle donne toujours l’impression d’être un vaisseau spatial. L’auto est longue (5,11 mètres), large (2,03 mètres) et basse (seulement 1,17 mètre). La carrosserie en fibre de verre qui recouvre le châssis tubulaire n’a pas de poignées de porte ou de rétroviseurs (l’ouverture se fait via un signal infrarouge généré par une montre). L’avant est une réinterprétation assez extrême de la traditionnelle calandre Pontiac en deux parties. Les vitres sont montées affleurantes. Les deux ailerons arrière sont ajustables pour améliorer l’appui aérodynamique.
L’intérieur apparaît tout aussi futuriste pour l’époque : affichage tête haute, système de navigation, moniteur de rétrovision, ordinateur de bord, analyseur d’accélération latérale. Le volant possède 19 boutons à lui seul! Les sièges sont fixes et montés sur le tunnel central et seuls les dossiers avant peuvent bouger pour faciliter l’accès aux places arrière. Pour trouver une position de conduite idéale, le volant et les pédales sont ajustables en hauteur et en profondeur.
La Banshee semble avoir un moteur à l’arrière, toutefois, le V8 à doubles arbres à cames en tête en aluminium de 4,0 litres est bel et bien installé à l’avant. Il développe 230 chevaux et est couplé à une boîte manuelle à 5 rapports qui envoie la puissance aux roues arrière. Les suspensions sont indépendantes aux 4 roues alors que les freins à disque bénéficient de l’ABS. Les jantes en 17 pouces sont montées sur des pneus Goodyear. La Banshee est un concept roulant (vous pouvez la voir en action ici) mais sa vitesse d’essai était limitée à 55 mph.
Après avoir fait le tour des salons, la Banshee n’a pas fini sa carrière. On peut la retrouver dans Retour vers le futur II ainsi que Demolition Man / Le démolisseur aux côtés d’autres concepts GM. En fait, elle aura surtout de l’influence quant aux lignes de la Firebird de quatrième génération, produite à l’usine de Sainte-Thérèse de 1993 à 2002. Mais ceci est une autre histoire…