Les origines de la BMW M3

Depuis des décennies, les constructeurs allemands se livrent une course à la puissance où chaque marque riposte aux autres, cheval pour cheval. Le lancement de la BMW M3 originale est en quelque sorte le point de départ de cette escalade.

Pour comprendre les origines de la M3, il faut d’abord commencer à parler d’un autre modèle : la Mercedes-Benz 190. Pour schématiser grossièrement, les Mercedes et les BMW ont longtemps ciblé des clientèles bourgeoises différentes : plus orientée vers le confort pour Mercedes et plus orientée vers le plaisir de conduire pour BMW. Point important, Mercedes n’avait pas d’équivalent de la Série 3 dans sa gamme. Puis arrive la première crise du pétrole, et avec elle le besoin de commercialiser des véhicules plus économiques.

En 1974, Mercedes lance le développement de la W201, que l’on appellera plus tard la « baby Benz », alias 190. La marque à l’étoile dépense quasiment sans compter pour ce modèle et conçoit pour lui une nouvelle suspension arrière à 5 bras. La 190 est présentée au Salon de l’auto de Paris, en octobre 1982.

Photo: Mercedes-Benz

Quelques semaines après, BMW sort la Série 3 E30, qui a plus l’air d’un profond restylage de la E21 que d’un nouveau modèle. Mercedes a de grandes ambitions pour la 190, y compris lui forger un palmarès en compétition. ILe constructeur envisage dans un premier temps de lui faire faire du rallye mais, devant la montée des 4 roues motrices, se rabat sur le Deutsche Tourenwagen Meisterschaft, alias DTM, une série allemande de courses de véhicules de tourisme sur piste.

C’est le motoriste anglais Cosworth qui a assuré le développement de la mécanique. La 190 E 2.3-16 de 185 chevaux est exposée au Salon de Francfort en octobre 1983 et commence à courir pour la saison 1985. Une Mercedes sportive? Chez BMW, on fronce les sourcils…

Jeu de construction haut de gamme

Si BMW avait déjà envisagé de créer une version sport de la E30, le projet prend un coup d’accélérateur avec la présentation de la 190 à moteur Cosworth. Logiquement, il est confié à la division Motorsport GmbH (aujourd’hui baptisée simplement M), incorporée en mai 1972. Le premier véhicule à porter le logo rouge, violet, bleu est la M1, basée sur un concept signé Paul Bracq, la Turbo. La gestation et la production de la M1 seront houleuses et quand la voiture arrive enfin sur le marché, en 1978, elle n’est plus aussi compétitive que prévu. Le développement le plus significatif de cette auto est son moteur.

Photo: BMW

Conçu par Paul Rosche, le M88 est une mouture réalésée à 3,5 litres et dotée d’une culasse multisoupape du 6 cylindres M49. En version M88/3, on le retrouvera dans les M635CSi (alias M6 en Amérique du Nord) et la toute première M5 sur base de Série 5 E28. Ce moulin va également jouer un rôle important dans la M3.

En 1983, Paul Rosche est devenu directeur technique et commence le travail sur la M3. Il doit suivre le règlement de la FIA Groupe A, employé par le DTM. Celui-ci stipule que la variante de course doit avoir les mêmes géométries de suspensions, les mêmes bloc et tête de moteur ainsi que le même ensemble aérodynamique que le modèle de série. Pour concurrencer les 190, il doit utiliser une mécanique de 1,6 à 2,5 litres. Rosche dispose dans la banque d’organes de BMW de 4 cylindres et des fameux 6 cylindres pour lesquels la marque bavaroise est réputée.

Il fait le choix du 4 cylindres M10. Une décision qui peut paraître étonnante mais qui est essentiellement dictée par deux raisons. La première : avec un vilebrequin raccourci et solidifié, le moteur peut prendre plus de tours, ce qui est important en compétition. La seconde : un bloc moins long peut être placé plus en retrait dans le châssis, réduisant le poids sur le porte-à-faux et améliorant la maniabilité. Et puis Rosche connaît particulièrement le M10 et ce dont il est capable.

Dessiné par Alex von Falkenhausen et lancé en 1962, il est le premier 4 cylindres de BMW d’après-guerre. Il aura de nombreuses variantes, allant de 1,5 à 2 litres (y compris une version turbo de 170 chevaux introduite en 1973) et sera produit jusqu’en 1988. Et justement, en parlant de turbo, il sera aussi utilisé en Formule 1 dans la première moitié des années 80, sous le nom de M12. Conçu par Paul Rosche, évidemment, il délivrera dans sa version la plus puissante jusqu’à 1 300 chevaux (certains parlent même de 1 500). C’est avec ce moteur que Nelson Piquet sera champion du monde en 1983 sur Brabham.

Photo: BMW

Pour la M3, Rosche fait réaléser le M10 à 2,3 litres et lui fait greffer une tête de M88, simplement amputée de 2 cylindres. Créé en à peine deux semaines, ce bloc prendra le nom de S14. En version européenne non catalysée avec l’injection Bosch ML-Motronic, il engendre 200 chevaux à 6 750 tr/min et 177 lb-pi de couple à 4 750 tr/min. Il reste maintenant à travailler la partie châssis.

Une recette aux petits oignons

Là, les ingénieurs sortent leur livre de cuisine habituel : ressorts et amortisseurs raffermis , bras de suspension en aluminium, barres antiroulis plus grosses, boîtier de direction plus direct, plus gros disques de frein (avec ABS), pneus plus larges à profil bas mesurant 15 pouces, différentiel à glissement limité et boîte à 5 rapports resserrés Getrag 265 avec la première en bas à gauche.

Il subsiste cependant un dernier problème : par rapport à une 190, la Série 3 E30 a le Cx d’un coffre-fort. Afin de réduire la traînée aérodynamique, le montant arrière est plus incliné et est jumelé à un couvercle de coffre en composite rehaussé de 4 centimètres et surmonté d’un large aileron. Un béquet avant et des bas de caisse sont ajoutés et les ailes sont élargies pour accueillir les nouveaux pneus. En outre, le pare-brise est collé pour augmenter la rigidité structurelle. En fin de compte, le Cx passe de 0,39 sur une E30 traditionnelle à 0,33.

Photo: BMW

Objectif atteint!

La M3 est présentée au Salon de l’auto de Francfort en septembre 1985 mais sa commercialisation en Europe ne commence qu’à l’automne 1986. Pour être homologuée en Groupe A, BMW doit en vendre 5 000 exemplaires. Au marketing de la marque, on est réservé sur le potentiel du modèle d’autant qu’il est sensiblement plus cher qu’une 325i. Toutefois, avec des performances de haut niveau (235 km/h en pointe et le 0 à 100 km/h en 6,7 secondes) et une tenue de route enthousiasmante, la M3 se fait une place sur le marché.

Et ce ne sont pas les nombreux succès en compétition qui vont lui nuire. La liste complète serait trop longue à énumérer, mais nous mentionnons quand même 5 victoires aux 24 heures du Nürburgring, 4 aux 24 heures de Spa, une aux Tour de Corse, un titre en championnat du monde des voitures de tourisme (1987), deux titres en championnat européen des voitures de tourisme (1987 et 1988), plusieurs titres nationaux en tourisme (Angleterre, Italie, Australie)…

En DTM, elle livrera une lutte épique aux Mercedes 190 2.3-16 et Ford Sierra Cosworth et gagnera la couronne suprême en 1987 et 1989. Elle est aujourd’hui encore la voiture qui a remporté le plus de courses dans cette catégorie avec 48 victoires (contre « à peine » 42 pour la 190).

Photo: BMW

La M3 arrive en Amérique du Nord en 1988 avec un moteur catalysé (192 chevaux) et une boîte de vitesses Getrag 260 avec une grille traditionnelle. Elle aura plusieurs déclinaisons (Evolution, Sport Evolution, Cabriolet) et séries spéciales (Rivaglia, Cecotto, Tour de Corse) et sera fabriquée jusqu’en juin 1991.

Ce qui n’était au départ qu’un véhicule d’homologation destiné à être vendu à 5 000 exemplaires sera finalement écoulé à 17 970 exemplaires et servira de base à une véritable lignée qui fait encore aujourd’hui rêver les amateurs de performance. Et c’est peut-être cela la plus grande réussite de la M3 E30!

À voir aussi : l'essai routier de la BMW M3 2022

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