Chevrolet Blazer 1969-1972 : la bonne recette

Les véhicules 4x4 ne datent pas d’hier. Mais le Blazer a changé la façon de les concevoir avec une approche qui influence encore le marché des VUS d’aujourd’hui.

Jusqu’en 1960, si vous vouliez ce que l’on n’appelait pas encore un utilitaire sport à 4 roues motrices, vous deviez vous tourner vers une Jeep CJ. Point. Puis, la compagnie International Harverster (fondée en 1902) présenta pour le millésime 1961 le Scout, un véhicule aussi capable que la CJ mais un peu moins rustique, avec un peu plus de confort et d’espace. L’idée d’un 4x4 accessible à tous commençait tranquillement à faire son chemin. Il faudra attendre 1966 pour que Ford lance le Bronco, basé lui aussi sur une plate-forme spécifique, avec un empattement de 92 pouces (2,34 mètres).

Photo: Chevrolet

S’il vient de série avec un 6 cylindres de 170 pouces cubes (2,8 litres), le Bronco peut également recevoir un V8 de 289 pc (4,7 litres). On commençait à parler puissance. Après un bon départ (23 776 exemplaires) la première année, les ventes resteront en demi-teinte durant toute la carrière du véhicule (avec un pic en 1974 à 25 824 exemplaires). Avec trois modèles américains proposés sur le même segment de marché (sans compter les importations  anglaises et japonaises), General Motors ne pouvait plus fermer les yeux.

Nécessité fait loi 

En fait, derrière les rideaux, la corporation évalue différents projets depuis plusieurs années. Au début des années 60, Ed Cole, alors directeur général de Chevrolet, rencontre Vic Hickey, qui a construit un petit 4x4 avec un moteur de Chevrolet Corvair nommé Trailblazer. Impressionné par l’engin, Cole achète les droits du véhicule ainsi que du nom et engage Hickey chez GM. Après le lancement du Scout, Chevrolet commence à travailler sur un modèle similaire, baptisé Blazer : carrosserie spécifique, pare-brise rabattable (dans un premier temps) et toit amovible. Le projet ira assez loin et devait être lancé pour le millésime 1967. Il sera finalement annulé à la dernière minute par les comptables, qui ne croyaient pas à sa rentabilité. Mais la direction de la marque ne veut pas lâcher le morceau, il va alors falloir trouver une nouvelle approche.

Photo: Chevrolet

Le salut viendra dans les nouvelles camionnettes Chevrolet, introduites sur le marché pour le millésime 1967 et dotées d’un style plus élégant que les modèles qu’elles remplacent. C’est Paul Hitch, ingénieur en chef des camions Chevrolet de 1966 à 1972, qui a l’idée de les utiliser comme base au lieu de développer un véhicule spécifique. Il suggère simplement de les raccourcir (de 115 à 104 pouces d’empattement, soit 2,67 mètres) et d’installer un toit amovible, comme sur les concurrents. Voilà une proposition comme les comptables les aiment : un projet rapide avec une ingénierie réduite et un budget d’outillage minuscule.

Tout-en-un

Le Blazer est présenté à la presse en janvier 1969, soit après le début du millésime, et arrive en concessions en avril 1969. Chevrolet le décrit comme « la nouvelle façon d’aller presque partout ». Le catalogue ajoute : « Vous l’appellerez une seconde voiture, un pick-up, un engin passe-partout, le tout dans un seul véhicule ». Pour la commercialisation, Chevrolet mise sur deux aspects. Premièrement, il est plus gros que ses concurrents de chez Ford, International et Jeep. Deuxièmement, il offre plus d’options : air conditionné, direction et freins assistés, vitres teintées et enjoliveurs de roue de luxe.

Photo: Chevrolet

Les amateurs de hors route peuvent aussi ajouter des suspensions renforcées, un rapport de pont raccourci, le différentiel autobloquant, une batterie additionnelle, un chauffe-moteur  ou bien des alternateurs et systèmes de refroidissement plus costauds. Il y a enfin l’ensemble CST (pour Custom Sport Truck) qui comprend des moulures spéciales, des enjoliveurs et des pare-chocs chromés ainsi que des sièges baquets, une console centrale et l’allume-cigare. Mais attention, le Blazer est loin d’être luxueux de base : le siège passager, la banquette arrière et le toit en fibre de verre (ou une capote en toile) sont également des options! 

Côté technique, le Blazer utilise donc le châssis des camionnettes K10, avec le réservoir d’essence placé entre les rails (au lieu d’être derrière la banquette). Le moteur d’entrée de gamme est un 6 cylindres 250 pc (4,1 litres) développant 155 chevaux. Les V8 optionnels sont de 307 (5,0 litres, 200 chevaux) ou 350 pouces cubes (5,7 litres, 255 chevaux). La transmission manuelle à 3 rapports vient de série (sauf sur le 350 pc) tandis qu’il est possible d’opter pour une manuelle à 4 rapports SM465 ou pour une automatique à 3 rapports TH350. Tous les Blazer sont livrés avec 4 roues motrices. L’essieu avant est un Dana 44 alors que l’essieu arrière est un Chevrolet 12 boulons. Selon le choix de boîte de vitesses, le boîtier de transfert est soit un Dana 20 (3 rapports, manuelle) soit un NP205 (SM465 et TH350).

À cause d’une commercialisation tardive dans le millésime, Chevrolet n’écoule que 4 935 Blazer. Mais GM sent qu’il y a un bon filon.

Croissance exponentielle 

Le millésime 1970 voit deux nouveautés majeures : le lancement du GMC Jimmy (qui n’est qu’un Blazer avec une calandre en deux parties) et une variante à 2 roues motrices. Cette dernière hérite des essieux des camionnettes deux roues motrices (suspension indépendante à l’avant et ressorts hélicoïdaux aux 4 coins à la place des ressorts à lames). Cependant, elle ne sera jamais populaire auprès des acheteurs. Pour le reste, les changements relèvent du détail avec, entre autres, une grille légèrement remaniée. Les ventes montent à 12 512 exemplaires (dont seulement 985 4x2).

Photo: GMC

Pas non plus de grosses évolutions pour 1971 : nouvelle grille à motifs carrés, clignotants intégrés dans le pare-chocs, freins à disque à l’avant, nouveaux freins à tambour à l’arrière, passage à l’utilisation du carburant sans plomb (entraînant une baisse de 10 chevaux pour le 6 cylindres et de 5 chevaux pour le 350 pc, mais aucune pour le 307 pc). Malgré une grève de 67 jours à l’automne 1970, le Blazer est quand même produit à 18 497 exemplaires (dont seulement 1 277 4x2).

L’industrie automobile américaine passe aux puissances nettes pour le millésime 1972 et les chiffres affichés sont dorénavant de 110 chevaux pour le 250 pc, 135 chevaux pour le 307 pc et 175 chevaux pour le 350 pc. En janvier 1972, l’ensemble esthétique Highlander Plaid est ajouté (les options CST et toit en fibre sont nécessaires). Au printemps, Chevrolet présente pour ses utilitaires (y compris les Vega et El Camino) des ensembles d’autocollants baptisés Mod Bods. Quatre versions différentes sont disponibles pour le Blazer. Bien que ce soit la dernière année de cette génération, les ventes explosent à 47 623 exemplaires (dont seulement 3 357 4x2). Mais ce n’est rien, car le modèle suivant, produit de 1973 à 1991, connaîtra un succès encore plus grand.

Photo: GMC

La concurrence suit

Née du besoin de produire un véhicule à faible coût de développement, l’idée de Paul Hitch servira de modèle à tous les VUS qui vont suivre dans les années 70. Jeep lancera le Cherokee sur base de Wagoneer en 1974. La même année, Dodge présentera le Ramcharger et Plymouth le Trail Duster sur base de camionnette D100. Enfin, Ford introduira la seconde génération de Bronco en 1978 sur la base de la Série F. Les germes de la révolution des VUS des années 90 étaient alors plantés.

En vidéo : Le Guide de l'auto découvre le Chevrolet Blazer EV 2024

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