Vous souvenez-vous de la… Cadillac XLR?
À son lancement, Cadillac expliquait que la XLR allait être une icône pour les futures générations et espérait sincèrement donner du fil à retordre à la Mercedes-Benz SL. Après tout, elle reposait sur l’excellente base de la Chevrolet Corvette. Rien ne pouvait mal aller…
À la fin des années 90, Cadillac a plusieurs problèmes : sa production baisse régulièrement depuis le pic du milieu des années 80 (185 372 exemplaires en 1999 contre 394 840 en 1985), son image s’est ringardisée tant à cause d’ennuis de qualité que du vieillissement de son acheteur moyen (67 ans en 2000) et enfin la concurrence acharnée des Allemands et des Japonais. On commence à évoquer la disparition de la marque. John F. Smith, directeur général de la division, a quant à lui d’autres idées.
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Le bon mélange
Smith parvient à convaincre la direction de General Motors d’entamer un ambitieux plan de reconstruction de Cadillac. Pour cela, la corporation débloque une enveloppe de 4,3 milliards de dollars US. Smith entend mélanger « Art et Science » car il ne s’agit pas seulement de faire une énième campagne de publicité. Il faut de nouveaux produits avec de nouvelles plates- formes et une nouvelle orientation stylistique. Cadillac doit retrouver un statut de marque innovante et arrêter de puiser dans le passé. Le développement de la CTS, sur la base de la plate-forme propulsion Sigma, commence en 1998. Les premiers dessins, très anguleux, montrés par Wayne Cherry, vice-président responsable du design, mettent la direction mal à l’aise. Pourtant, Smith pousse dans cette direction et obtient le feu vert.
Évoquer l’avenir
La CTS ne sera lancée qu’en 2002 pour le millésime 2003. En attendant, il faut montrer que ça bouge chez Cadillac. Alors, le studio de design de la marque, géré par Kip Wasenko, réalise un coupé qui semble directement inspiré par l’avion de chasse furtif F-117. Le concept Evoq, nommé en signe d’annonciation des choses à venir, est présenté au Salon de l’auto de Detroit, en janvier 1999. Au grand soulagement des dirigeants de GM, l’accueil est largement positif. À tel point que Cadillac confirme officiellement en août 2000, au Concours d’élégance de Pebble Beach, qu’une version de série du concept sera effectivement produite.
Son esthétique subira de légères transformations à la demande de Bob Lutz, promu responsable du développement produit de GM le 1er septembre 2001. Il sollicitera des lignes un peu plus douces. Wasenko s’exécutera et, en fin de compte, les différences seront subtiles mais bien réelles. Pour le châssis, Cadillac choisit de ne pas utiliser la plate-forme Sigma mais plutôt celui de la future Corvette C6, alors en développement et qui sera fabriquée à partir de juin 2004 pour le millésime 2005.
Une cousine proche… mais éloignée
La version définitive est présentée au janvier 2002, au Salon de l’auto de Detroit. La XLR repose sur deux rails principaux hydroformés de 4,30 mètres de long et utilise un cadre de pare-brise en aluminium, des renforts de structure avant en magnésium et des planchers en sandwich aluminium/balsa. Cadillac annonce que le châssis est presque aussi rigide en torsion que celui de la Mercedes SL. La carrosserie est quant à elle en matériau composite (lire fibre de verre), comme la Corvette.
Pas de moteur de Corvette sous le capot par contre. À la place, on retrouve le V8 Northstar, introduit en 1993 dans l’Allanté. Il est ici en configuration « Gen II » (code LH2), revu pour des applications roues arrière ou quatre roues motrices (l’original L37 n’avait été conçu que pour des tractions avant). Il comprend un bloc en aluminium et un vilebrequin renforcés, le calage variable continu des soupapes d’admission et d’échappement, de nouvelles têtes, des pistons basse friction et un taux de compression de 10,5:1. D’une cylindrée de 4,6 litres, il génère 320 chevaux et 310 lb-pi de couple. Il est accouplé à une boîte-pont automatique à 5 rapports 5L50-E installée à l’arrière pour une meilleure répartition du poids (qui frôle les 50/50). La suspension indépendante aux quatre roues utilise des amortisseurs « Magnetic Ride Control ». Ces derniers font appel à un fluide magnétorhéologique dont la circulation est contrôlée par des aimants, permettant d’ajuster leur dureté jusqu’à 1 000 fois par seconde en fonction des conditions de la route.
La partie châssis est complétée par quatre freins à disque avec ABS, des pneus Michelin en 18 pouces et une direction à assistance variable Magnasteer. Par rapport à une Corvette C6 cabriolet de 2005, la XLR est plus longue (4,51 mètres contre 4,43). Elle est aussi plus lourde (1 654 kilos contre 1 451) et a un volume de chargement plus réduit (125 litres toit baissé contre 144). Ceci est évidemment dû à la présence du toit rigide rétractable et de sa complexe cinématique. Développé par la société allemande Car Top System Gmbh, il peut se rabattre en moins de 30 secondes sur la simple pression d’un bouton. La XLR est fabriquée dans la même usine que la Corvette, à Bowling Green dans le Kentucky. Par contre, elle ne partage avec cette dernière que la ligne de peinture et la construction des châssis. Tout le reste est fait sur une ligne dédiée, afin d’assurer la meilleure qualité possible.
L’équipement est digne d’une auto de luxe : combiné à instruments dessiné par la maison italienne Bulgari, régulateur de vitesse adaptatif, accès sans clé, affichage tête haute, navigation satellite avec écran 7 pouces, chaîne hi-fi Bose à 9 haut-parleurs avec changeur de disques, sièges chauffants et ventilés, OnStar… Mais tout ça a un prix : 110 000 dollars canadiens. À titre de comparaison, une Corvette C6 cabriolet 2005 coûte 79 495 $. La concurrence fait partie du gratin de la production mondiale : Jaguar XK8 cabriolet (105 000 $), Lexus SC430 (86 800 $), Mercedes Benz SL (127 500 $), Porsche 911 cabriolet (114 650 $). La XLR arrive en concessions à l’été 2003 pour le millésime 2004. À ce moment, Cadillac espère en écouler entre 5 et 7 000 chaque année en Amérique du Nord. Elle est finaliste au titre de Voiture américaine de l’année mais c’est en définitive la Toyota Prius qui l’emporte.
Les 101 premiers exemplaires seront de couleur « ultraviolet » avec un intérieur coordonné deux tons. Deux seront vendus aux enchères pour des œuvres caritatives et les 99 autres seront proposés dans le catalogue de Noël Neiman Marcus. Coûtant 85 000 USD, ils sont tous vendus en 14 minutes le jour de leur commercialisation, le 15 octobre 2002.
Avec un V comme dans vitesse
La XLR est plutôt bien reçue par la presse. Elle apprécie sa tenue de route, son équipement, son confort mais le volume du coffre, l’habitabilité et l’absence de boîte manuelle sont vus comme des points faibles. La direction Magnasteer fait par contre l’unanimité contre elle. Côté performances, le magazine Car and Driver réalise le 0 à 60 mph en 5,9 secondes, le quart de mille en 14,4 secondes, ce qui est considéré comme bon, et 0,83 g d’accélération latérale, ce qui est vu comme un peu juste. Dans son édition 2004, le Guide de l’auto conclut : « Marcher de si près sur les traces de Mercedes-Benz n’est pas un mince exploit pour une marque que l’on tenait pour dépassée il n’y a pas si longtemps. À moins que la clientèle en décide autrement, la XLR n’est pas un coup d’épée dans l’eau ».
La première grosse évolution arrive en 2006 avec le lancement de la XLR-V, dotée d’un V8 Northstar à compresseur de 4,4 litres développant 443 chevaux (bizarrement, le même bloc dans la STS-V crache 469 chevaux) et 414 lb-pi de couple. Ce bloc, code LC3, est accouplé à la nouvelle boîte de vitesse automatique 6L80-E. La XLR-V bénéficie aussi d’une nouvelle calandre, d’une suspension Magnetic Ride Control recalibrée, d’une plus grosse barre antiroulis à l’avant, d’une barre antiroulis arrière, de nouvelles roues de 19 pouces avec pneus Pirelli, d’une finition intérieure en zebrano avec des accents d’aluminium et de sièges en cuir avec des insertions de suède. Pour les performances, Car and Driver arrive à 60 mph en 4,7 secondes et au quart de mille en 13,0 secondes alors que la vitesse de pointe est toujours limitée à 250 km/h. Des progrès significatifs… mais au prix de 112 995 CAD (la XLR 2006 est à ce moment étiquetée à 97 645 $).
L’autre changement technique important sera l’installation à partir de 2007 de la boîte 6L80-E dans la XLR « normale ». Par contre, les évolutions de la gamme seront un peu plus nombreuses : éclairage adaptatif en 2006, version ultra équipée Platinum en 2007, suspension Magnetic Ride Control révisée et volant chauffant en 2008, nouvelle calandre et intérieur revu avec haut du tableau de bord en cuir en 2009. Évidemment, l’offre de couleurs changera quasiment chaque année. Deux éditions limitées seront proposées : Alpine White Limited Edition en 2008 et Passion Red Special Edition en 2009.
La crise!
La pente était raide et il fallait bien commencer quelque part pour combler le déficit d’image de Cadillac mais la réponse du marché est sans appel : la XLR ne parvient pas à trouver sa place. Les ventes (par année calendaire) s’établissent comme telles :
Ventes États-Unis |
Ventes Canada |
|
2003 |
875 |
22 |
2004 |
3665 |
154 |
2005 |
3730 |
133 |
2006 |
3203 |
81 |
2007 |
1750 |
59 |
2008 |
1250 |
30 |
2009 |
787 |
16 |
2010 |
188 |
1 |
2011 |
12 |
0 |
Total |
15 460 |
496 |
Pour comparaison, la Mercedes SL est vendue à 12 885 exemplaires aux États-Unis en 2004 et à 10 080 en 2005. Même la Jaguar XK, pourtant en fin de carrière, est écoulée à 2 806 exemplaires aux É.-U. en 2004 et 2282 en 2005. La crise économique de 2008/2009 a simplement accéléré la chute de la XLR. Le dernier exemplaire sort de l’usine de Bowling Green le 31 mars 2009. GM, qui est alors en plein marasme et s’apprête à être placée sous la loi de protection sur les faillites, a d’autres chats à fouetter…