Cadillac CT5-V Blackwing 2022 : quand l'excitation se heurte à la frustration
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L’excitation se heurte-t-elle obligatoirement à la frustration? Une question qui rappellera les cours de philosophie de cégep à certains, et qui aurait pu être le sujet d’un examen écrit impliquant de citer Platon ou Freud.
Dans le domaine automobile, cette interrogation prend tout son sens au moment de piloter la redoutable Cadillac CT5-V Blackwing. Parce qu’elle suscite beaucoup d’excitation au moment de démarrer le moteur et de prendre la route avec. Mais aussi parce qu’avec les limitations de vitesse en vigueur au Québec et les risques inhérents aux grands excès de vitesse, conduire une voiture qui envoie plus de 650 chevaux sur ses seules roues arrière impose une certaine retenue.
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On n’en fera plus des comme ça
Avant de faire cracher ses tripes à ce V8 de feu, examinons notre berline vitaminée. Sous son long capot loge le fameux V8 de 6,2 litres qui motorise un grand nombre de véhicules chez General Motors. Doté d’un compresseur volumétrique, il développe ici 668 chevaux et 659 lb-pi de couple. Deux transmissions sont disponibles, une automatique à 10 rapports et une manuelle à 6 rapports. C’est cette dernière que nous retrouvons dans notre modèle d’essai. Une association qui vit sans aucun doute ses derniers moments, à l’heure où l’électrification prend de plus en plus de place chez GM.
Contrairement à la CT5-V à moteur V6, il n’est pas possible d’opter pour le rouage intégral. Seules les roues arrière sont motrices dans la Blackwing , quelle que soit la configuration choisie. Cela n’empêche pas la berline américaine de passer de 0 à 100 km/h en seulement 3,7 secondes. C’est plus anecdotique considérant le Code de la route en vigueur au Québec, mais sachez que la vitesse maximale s’établit à 322 km/h selon Cadillac.
Dans l’habitacle, la CT5-V Blackwing peut recevoir plusieurs coloris. Notre modèle d’essai revêtait la configuration bicolore havane/noir, la plus chère (9 300 $). Un bel agencement de teintes, même si l’ajout des surpiqûres rouges nous a paru superflu, d’autant plus qu’elles jurent avec la couleur fauve.
Outre un cuir de belle qualité, l’ensemble optionnel inclut des sièges avant dont la partie arrière est réalisée en fibre de carbone. La qualité de finition globale est bonne, à l’exception de quelques plastiques qui pourraient être de meilleure qualité. Sachez en tout cas que l’habitacle de la Cadillac domine largement celui d’une Dodge Charger Hellcat par exemple, dont le tableau de bord est indigne d’une voiture de ce prix. Un autre point fort de la CT5-V, c’est son côté pratique. Avec quatre vraies places et un coffre à la contenance correcte (337 litres), la Blackwing demeure utilisable au quotidien.
Au démarrage, nous avons apprécié la sonorité rauque mais pas trop envahissante du V8, ainsi que les suspensions magnétiques qui préservent un bon moelleux lorsqu’on leur demande de privilégier le confort. Mention spéciale à la progressivité de l’embrayage et à la précision de la boîte de vitesses, qui participent activement au plaisir de conduite, même lorsque l’on exploite 5 ou 10% de la voiture. Car c’est la première chose que nous avons notée à bord de la CT5-V Blackwing. Appuyer sur la pédale de droite avec un orteil suffit à se lancer vigoureusement sur une voie d’accélération.
Avec une berline d’un tel calibre entre les mains, vous vous doutez bien que nous avons voulu la pousser plus fortement, pour voir comment sa fiche technique intimidante se heurtait à la réalité du terrain. Et nous avons été surpris! La première courbe abordée de manière un peu enthousiaste nous a valu une énorme ruade du train arrière, nécessitant un copieux contre-braquage. La brutalité de l’auto était telle que je me suis arrêté sur le bord de la route quelques mètres plus loin, persuadé d’avoir un pneu crevé!
Une erreur de taille
En réalité, le problème venait d’une monte pneumatique inadaptée à une voiture aussi performante. J’avais été prévenu qu’elle était équipée de pneus d’hiver, ce qui n’est pas un problème en soi. Mais le souci, c’est que la Blackwing doit normalement être chaussée de pneus plus larges à l’arrière (305/30x19 contre 275/35x19 à l’avant). Et notre modèle d’essai était muni de quatre pneus de 275 mm de large! Avec 6 centimètres de bande de roulement en moins sur le train arrière, des pneus d’hiver moins adhérents et 668 chevaux à encaisser, vous comprenez mieux pourquoi la CT5-V s’est montrée si rétive.
Cette erreur de monte pneumatique nous empêche de juger objectivement la tenue de route de la voiture, qui patinait copieusement jusqu’à 120 km/h en 4e vitesse. Cela dit, j’ai vécu la même chose à bord d’une Charger Hellcat avec les bons pneus et une température extérieure de 20°…
En limitant notre appui sur l’accélérateur, nous avons pu constater que la CT5-V s’est montrée stable dans les grandes courbes et dotée d’un freinage efficace. Avec des pneus adaptés, cette caractéristique devrait logiquement se confirmer. Le travail des suspensions était lui aussi remarquable. Même avec le vigoureux mode « V », la voiture devient plus ferme, mais absorbe toutefois bien les irrégularités de la route. Globalement, la Cadillac est bien plus efficace et mieux suspendue qu’une Charger Hellcat.
De son côté, le V8 se comporte aussi différemment du « chat de l’enfer » de Dodge. Un peu moins brutal dans le bas du compte-tours, le V8 de 6,2 litres donne le meilleur à partir de 4 000 tr/min. Il prend plus de régime, culminant à 6 500 tr/min contre 5 750 tr/min chez Stellantis. Les deux moteurs possèdent un compresseur, mais son sifflement caractéristique est davantage filtré dans la CT5-V, qui demeure plus civilisée dans l’ensemble.
Quand on achète ce genre de voiture, on s’attend à dépenser beaucoup d’argent à la pompe. La Blackwing ne déroge pas à cette règle, puisque nous avons relevé 14,7 L/100 km en roulant calmement avec quelques accélérations de temps en temps. En ville, il faut plutôt compter 20 L/100 km, et même plus si l’on décide de pousser le V8 à son maximum tout le temps.
Sur la route, au-delà des problèmes pneumatiques cités plus haut, la plus grande qualité de la CT5-V est également son principal défaut. Son moteur de feu est un régal à utiliser. La Blackwing est sensationnelle, et vous hérisse les poils sur les bras à chaque accélération. Impossible cependant d’appuyer à fond sur l’accélérateur plus de deux ou trois secondes sans risquer de perdre son permis, ce qui bride le plaisir de conduite… et nous ramène au titre de cet essai routier.
Un placement plus sûr que la bourse
Le prix de base de la Cadillac CT5-V Blackwing à boîte manuelle est de 100 797 $ (transport et préparation inclus). Pour profiter de la boîte automatique, il faut compter 104 557 $, un montant excessif. D’autant plus que la boîte manuelle étant en voie de disparition, le choix du modèle à trois pédales nous semble plus avisé. En effet, une berline à moteur V8 de 6,2 litres surcompressé associé à une boîte manuelle, c’est une configuration qui devrait plaire davantage aux puristes dans les années à venir.
Dans le cas de notre modèle d’essai, la facture grimpe jusqu’à 127 807 $, avec des options comme l’intérieur en cuir couleur havane/noir, les roues et étriers de frein couleur bronze, les ensembles carbone 1 et 2, etc. Un prix élevé, mais qui le devient encore plus quand on constate que les taux de financement atteignent 6,99% sur 60 mois. C’est pire pour la location 48 mois/20 000 km, puisque l’on atteint 9,99%! Mensuellement, cela représente 2 351 $ pour louer le véhicule et 2 515 pour l’acheter.
Sachant qu’il s’agit d’une voiture qui n’aura probablement pas de descendante à moteur thermique, encore moins avec une boîte manuelle, acheter une CT5-V Blackwing coûte cher dans l’absolu. Mais nous prenons peu de risques en vous disant qu’il s’agit d’un placement sûr, qui conservera une excellente valeur dans les années à venir.