Match comparatif : Chevrolet Corvette, Porsche 911 et Lexus RC F
- Tel que publié dans l'édition 2022 du Guide de l'auto -
On ne présente plus la Porsche 911 et la Chevrolet Corvette, deux emblèmes de puissance et de sportivité, qui se toisent depuis 60 ans. Tandis que l’Allemande évolue pas à pas, l’Américaine fait sa révolution en déplaçant son V8 derrière le conducteur. Face à elles, nous avons ajouté une alternative japonaise, la Lexus RC F, vêtue de sa tenue de combat « Track Edition ».
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INTRODUCTION
Lorsqu’il est question de sportivité, la Porsche 911 fait figure de référence. Véritable couteau suisse sur quatre roues, elle est capable de vous emmener à l’épicerie comme au circuit. Peaufinée de génération en génération, la reine des Porsche propose toujours ce mélange de haute performance et de raffinement. Deux des ingrédients qui la rendent aussi polyvalente qu’attachante. Finalement, son plus gros défaut demeure son prix, plutôt élevé, et qui grimpe de façon exponentielle dès que l’on commence à cocher des options dans le configurateur…
C’est d’ailleurs ce qui a été fait avec notre modèle d’essai, une 911 Targa 4 richement équipée. Il serait trop long et fastidieux de détailler tout ce qui a été ajouté, mais sachez que l’auto est livrée avec la boîte à double embrayage PDK, les ensembles Sport et Premium ainsi que des jantes optionnelles (20 pouces à l’avant, 21 à l’arrière). Une Carrera S PDK, disposant de 443 chevaux aurait été plus « équitable » au chapitre de la puissance, malheureusement ce modèle n’était pas disponible lors de notre essai.
De son côté, Chevrolet propose un rapport prix/performances tout simplement imbattable avec la C8. Un tarif raisonnable (tout étant relatif…) avec la ligne et les performances d’une voiture exotique. En effet, bien que plusieurs options alourdissent la facture de notre modèle d’essai (ensemble Z51, suspensions magnétiques, jantes optionnelles, rehausseur de train avant, etc.), on se retrouve avec un véhicule très performant et abondamment équipé pour environ 105 000 $, alors que la Targa 4 dépasse les 160 000 $.
Quant à la Lexus RC F, elle reçoit un gros V8 de 5 litres à l’avant, un rouage à propulsion et quatre vraies places utilisables, ce qui n’est pas vraiment le cas de la 911. La Corvette ne s’encombre pas de ces considérations puisqu’elle n’a que deux places. Vendu 35 000 $, l’ensemble Track Edition de Lexus intègre beaucoup d’éléments en carbone (capot, toit, aileron, etc.), des jantes spécifiques, des freins en carbone-céramique, un échappement en titane et un intérieur rouge. Plus légère de 55 kg comparée à une RC F normale, notre version d’essai allège également le portefeuille de son propriétaire puisqu’elle coûte plus de 120 000 $!
Pour départager nos trois prétendantes, nous avons décidé de les confronter sur la route et sur circuit. De longues étapes autoroutières et des routes secondaires limitées à 80 et 90 km/h, telles qu’on les rencontre dans un usage quotidien. Mais aussi des recoins plus sinueux dans les Laurentides, un terrain de jeu parfait pour déterminer quelle auto offre le meilleur compromis entre plaisir de conduite et efficacité. Enfin, nous avons piloté les trois voitures sur le circuit ICAR, pour juger de leur comportement lorsqu’elles sont poussées au maximum de leurs possibilités.
CLASSEMENT
Lexus RC F
Pointage : 3ème position
Prix de base : 90 290 $
Prix de la version essayée : 122 672 $
La « très » chère Lexus
Sur papier, avec son gros V8 et son kimono en matériaux composites, le coupé japonais possède de sérieux arguments à faire valoir. La fibre de carbone apparente et l’aileron planté sur le coffre ne plairont pas à tous, mais ces attributs ont au moins le mérite de différencier clairement la version Track Edition.
Dans l’habitacle, dont la couleur est spécifique, on retrouve de superbes sièges, les plus confortables du groupe. Les insertions rouges, belles et douces au toucher, ajoutent de la sportivité à un intérieur qui ressemble beaucoup trop à celui d’une RC de base. Cette Lexus vitaminée conserve aussi le système multimédia à pavé tactile, au design daté et à l’ergonomie plus que discutable…
Grâce à son moteur à l’avant, l’auto peut recevoir deux occupants à l’arrière plutôt confortablement, à condition que les personnes assises à l’avant ne soient pas trop grandes. La Lexus demeure la meilleure autoroutière et la plus polyvalente des modèles essayés. Des bruits de roulement se font entendre à haute vitesse, mais un peu moins fortement que chez ses concurrentes.
C’est en conduite sportive que la RC F déçoit. Un peu creux à bas régime, son V8 monte graduellement pour littéralement exploser entre 5 000 et 7 000 tr/min. Un bloc au caractère bien trempé, mais qui malmène sérieusement les trains roulants. Insuffisamment freinés en détente, les amortisseurs occasionnent des mouvements de caisse importants, tandis que la force du V8 fait osciller le train arrière. Sur les routes tortueuses des Laurentides, on conduit la Corvette d’un doigt tandis que la Lexus réclame de la poigne et une attention de tous les instants.
Mais là où la Lexus perd le plus de points, c’est quand on s’attarde sur son prix. Une RC F de base coûte déjà cher, mais l’option Track Edition (plus de 35 000 $) la rend totalement inabordable. Surtout que la dépréciation d’une RC F Track Edition sera bien plus importante que celle d’une Corvette ou d’une 911, deux autos qui conservent une excellente valeur sur le marché de l’occasion.
Porsche 911
Pointage : 2ème position
Prix de base : 125 800 $
Prix de la version essayée : 166 880 $
Polyvalence et raffinement
Face aux lignes exubérantes de la Stingray, la 911 joue la carte du classicisme. Au lieu des arêtes saillantes de la Corvette, Porsche propose un design tout en rondeurs, aussi lisse qu’un galet. Élégante et racée, l’auto conserve une filiation évidente avec les premières 911. Et ce n’est pas ce modèle Targa qui dira le contraire, ses arches spécifiques ne dénaturant pas ses lignes sensuelles. À l’usage, son toit souple est par ailleurs un régal à utiliser. Il suffit d’une pression sur un bouton et d’attendre une vingtaine de secondes pour pouvoir rouler au grand air. Tout le contraire de la Corvette, qui impose un démontage manuel du toit, plus long et fastidieux.
On retrouve sans surprise un habitacle superbement fini, avec des matériaux de qualité, des assemblages millimétrés et une réalisation sans reproches. Confortable et polyvalente, la 911 type 992 conserve cette capacité à vous conduire quotidiennement, mais aussi à vous catapulter à la moindre sollicitation de l’accélérateur. Et mis à part un roulement un peu ferme et des bruits de roulement importants à vitesse d’autoroute, il n’y a pas grand-chose à lui reprocher.
Moins puissante et plus lourde que la Corvette, notre Targa 4 partait avec un handicap sur papier. Cela s’est vu sur circuit (voir plus bas), mais pas du tout sur la route. Coupleux sur une grande plage de régime, le flat-6 ne rechigne pas à dépasser les 7 000 tr/min dans une sonorité réjouissante. Et une fois rendue sur un parcours plus montagneux, la 911 fait une nouvelle fois étalage de son talent.
Direction précise, excellente stabilité en virage, rouage intégral qui délivre sa puissance de manière transparente, on virevolte d’une courbe à l’autre avec facilité. Toutefois, son amortissement n’égale pas les éléments magnétiques de la Corvette lorsque le revêtement se dégrade. Dans ces conditions, la fermeté du roulement rend la 911 un peu plus pointue à conduire.
Chevrolet Corvette
Pointage : 1ère position
Prix de base : 78 448 $
Prix de la version essayée : 104 598 $
Haute performance à rabais
Ressemblant à s’y méprendre à une voiture exotique, nous n’avons reçu que des commentaires élogieux avec la Corvette. Même avec la Lexus et la Porsche stationnées à côté, il n’y en avait que pour elle! Cela dit, en mettre plein les yeux ne suffit pas, encore faut-il se montrer à la hauteur.
Son habitacle enveloppant est totalement centré vers le conducteur. Les commandes principales sont bien disposées et le système multimédia, similaire à celui des autres produits GM, fonctionne à merveille. En revanche, la ligne de boutons qui court le long de la console centrale n’est vraiment pas intuitive. Globalement, la qualité de finition s’est améliorée, mais demeure inférieure à celle d’une Porsche 911, une référence sur ce point.
Sur la route, la nouvelle architecture à moteur central arrière change radicalement le comportement dynamique. À part sa visibilité latérale et arrière exécrable, la Corvette se montre plutôt docile et obéissante au quotidien. Dommage que l’insonorisation ait été négligée par GM. Bruyante dès 70 km/h, l’auto devient vite fatigante à haute vitesse. Les sièges sport optionnels, fermes et étroits, vous inciteront aussi à écourter les longues étapes autoroutières.
On retrouve le sourire sur les routes sinueuses. C’est quand les virages se succèdent que la Corvette vous montre l’étendue de son potentiel. Direction précise et tranchante, train avant rivé au sol, très bonne stabilité dans les grandes courbes, ses capacités dynamiques sont insondables sur une route ouverte à la circulation. D’autant plus que l’amortissement magnétique, réactif et diablement efficace, augmente sensiblement les capacités dynamiques sans nuire au confort.
Sans oublier le V8, dont la hargne et la sonorité à haut régime sont absolument réjouissantes. Mais le plus incroyable, c’est cette impression de facilité ressentie par le conducteur. C’est peut-être ça, la plus grande force de la Corvette : vous faire croire que vous êtes un meilleur conducteur que vous ne l’êtes vraiment.
Que valent-elles sur la piste?
Impossible d’organiser un match de sportives sans les mettre à l’épreuve sur un circuit. C’est sur la petite piste d’ICAR que nous avons évalué la Corvette, la 911 et la RC F Track Edition.
Et une surprise de taille nous attendait. Alors que les produits Toyota et Lexus sont généralement montrés du doigt pour leur platitude, la RC F Track Edition nous a gratifiés d’un caractère bien trempé et de généreuses dérobades en provenance de son train arrière. Fort en couple, le V8 crache ses livres-pied vigoureusement, tandis que les pneus, les plus étroits du groupe, peinent à transmettre toute cette énergie au sol. Une instabilité des roues postérieures renforcée par des mouvements de caisse importants, qui persistent même quand on sélectionne le mode de conduite le plus sportif.
Pour pousser une RC F à la limite, il faut beaucoup de métier… et une bonne dose d’humilité! Le fait que le V8 soit monté à l’avant pénalise également les entrées de virage, le train avant finissant par saturer quand on entre en courbe à la même vitesse que la 911 ou la Corvette. Cela dit, la Lexus ne s’en sort pas si mal quand on considère que le circuit ICAR, sinueux et nécessitant une bonne agilité, ne l’avantageait vraiment pas.
À l’opposé, on retrouve la Porsche 911, que l’on a l’impression de connaître par cœur dès les premiers mètres. Moins puissante que ses deux rivales du jour, la Targa 4 compense habilement ce déficit grâce à son rouage intégral très efficace. Pas la moindre incartade du train arrière et toute la puissance passée au sol à la remise des gaz, ce qui lui fait gagner un temps certain.
Mention spéciale à ses freins, puissants et endurants, qui acceptent les pires traitements sans jamais s’évanouir. Très équilibrée et naturelle, la 911 procure beaucoup de plaisir à son pilote sur circuit. Face au chronomètre, la Porsche a été distancée d’environ une seconde par la Corvette. Mais cet écart serait comblé sans peine au volant d’une Carrera S plus puissante et dépourvue du toit Targa, qui alourdit notre modèle d’essai de 150 kg.
Plus rapide que ses concurrentes du jour, la Corvette propose une conduite homogène et efficace. Et bien que son train arrière devienne un peu baladeur à la sortie des virages lents, les capacités dynamiques de l’auto sont épatantes. Bonne stabilité à haute vitesse, train avant incisif, direction tranchante, on se régale au volant de la Chevrolet.
Notre seul bémol concerne les freins, qui perdent de leur efficacité rapidement quand on pousse la voiture au maximum. Le petit circuit ICAR, avec trois gros freinages et aucun temps mort ne lui a pas facilité pas la tâche, mais on ne s’attendait pas à voir fléchir les éléments Brembo optionnels montés sur la Z51.
L’avis du pilote
Pour participer à cet essai routier, nous avons fait appel à Michel Sallenbach, qui a déjà collaboré à plusieurs matchs comparatifs avec le Guide de l’auto. Multiple champion canadien de CTCC en catégorie Touring et participant régulièrement à des courses d’endurance en Europe et en Amérique du Nord, c’était l’homme idéal pour pousser nos trois sportives dans leurs derniers retranchements.
« Chaque voiture possède sa propre personnalité. La Lexus est la plus lente, mais aussi la plus remuante! C’est la plus lourde du groupe, et cela se ressent à la conduite. Cependant, je dois dire que son train avant m’a quand même surpris, je m’attendais à moins bien vu le poids de l'auto. Son moteur est très performant, mais la puissance arrive plutôt brutalement sur le train arrière. Avec le contrôle de traction désactivé il faudrait faire preuve de beaucoup de doigté, d'autant plus que les rails de sécurité sont proches à ICAR… À l’autre bout du classement, la Corvette est très équilibrée et performante, on sent immédiatement que c’est la plus rapide. J’ai aimé son moteur performant et sa très bonne répartition des masses avec le moteur central arrière. La Corvette a énormément de potentiel, mais l'endurance des freins m'a déçu. Après quatre tours rapides j’ai tiré tout droit! Parmi les trois autos, c’est la 911 que je préfère. Son équilibre est remarquable, elle est facile à conduire rapidement et son rouage intégral fonctionne très bien. C’est aussi la seule auto de l’essai dont les freins n’ont jamais faibli, ce qui n’est pas négligeable quand on pilote sur circuit. »
CONCLUSION
Au terme de ce match serré, la Corvette et la 911 sont au coude à coude. Dynamiquement, il est impossible de les départager tant leur niveau de performance et d’efficacité est élevé. La Porsche propose une conduite un peu plus raffinée, et la qualité de son habitacle surpasse nettement ce que propose Chevrolet. Mais à quel prix! Avec la somme nécessaire pour se payer une Porsche 911 de base, on peut se payer une Corvette Z51 avec toutes les options de performance possibles. Pour atteindre un niveau équivalent chez Porsche, il faut opter pour une Carrera S et cocher plusieurs options.
C’est ce qui a fait la différence pour établir notre classement final. Si nous avons décidé de mettre la Corvette sur la plus haute marche, c’est tout simplement parce qu’aucune voiture sur le marché ne propose une conduite aussi exaltante à ce prix. Et il n’est pas nécessaire d’acheter un modèle équipé au maximum pour se faire plaisir.
Une Corvette de base avec les suspensions magnétiques, seul accessoire indispensable à notre avis, vous apportera déjà énormément de plaisir pour un prix qui demeure raisonnable. Il n’y a que les sièges sport que nous vous déconseillons, à cause de leur étroitesse et de leur fermeté.
Bien que moins efficace que la Corvette et la 911, la Lexus RC F possède une vraie personnalité et un moteur vivant et plaisant à conduire. Mais elle est la seule à disposer d’une boîte de vitesses automatique conventionnelle, moins rapide que les modèles à double embrayage de Chevrolet et Porsche. Il faut aussi demeurer attentif quand on la conduit de manière plus enthousiaste, surtout à cause des ruades de son train arrière.
Il est également difficile de passer sous silence son système multimédia d’un autre âge et sa technologie moins récente. Et à plus de 120 000 $, le compte n’y est tout simplement pas.
Remerciements
Un grand merci à toute l’équipe de l’Académie du Guide de l’auto ainsi qu’au Complexe ICAR pour leur aide précieuse dans la réalisation de ce match comparatif.