Lordstown Endurance 2023 : menace au F-150 Lightning Pro ?
Je serai honnête, la camionnette Endurance par Lordstown m’était totalement inconnue, jusqu’à ce que je mette les pieds à cette triste dernière édition du Salon de l’auto de Detroit. C’est là que je l’ai aperçue, stationnée au beau milieu du kiosque du NACTOY (North American Car of the Year), où se trouvaient les véhicules en lice pour les prix 2023, qui seront dévoilés en janvier prochain. Faisant moi-même partie du jury de cette organisation, cette camionnette allait bien sûr piquer ma curiosité, ne connaissant rien de son histoire.
Pour moi, le nom « Lordstown » évoque la défunte usine de GM située en Ohio, là où ont été fabriquées les compactes du constructeur pendant des décennies (Vega, Monza, Cavalier, Cobalt et Cruze, pour ne nommer que les Chevrolet). Et en effet, c’est à cette usine que cette nouvelle camionnette a vu le jour, suite au rachat de cette dernière par Foxconn, entreprise associée à Lordstown. Et si le nom de Foxconn vous dit quelque chose, c’est parce que celle-ci est notamment connue pour l’assemblage des iPhone et iPad.
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Le savoir-faire de Foxconn n’étant donc pas à remettre en doute, on peut imaginer tout le sérieux de Lordstown, qui en est à ses premiers pas dans la commercialisation de sa nouvelle camionnette. Une commercialisation qui débute en Ohio, au Michigan et en Californie, les trois premiers marchés visés par l’entreprise.
C’est dans le contexte des essais du NACTOY, événement annuel ayant lieu à Ann Arbor non loin de Detroit, que j’ai pu découvrir et mettre à l’essai l’Endurance. Une camionnette à cabine double et caisse de 5,5 pieds, dont la particularité est d’être dotée de quatre moteurs-roues et d’une batterie de 109 kWh. Son format se compare directement à celui d’un F-150, et son poids avoisine aussi celui du Lightning Pro, affichant une masse nette de 6 450 lb (2 925 kg). Selon le constructeur, l’autonomie serait de 200 miles (320 km) alors que l’Endurance pourrait remorquer des masses atteignant 8 000 lb (3 630 kg).
Ainsi, au chapitre des chiffres, elle se compare tout à fait au F-150 Lightning à petite batterie, spécialement à la version Pro dont la vocation est plus utilitaire. Il faut dire que l’objectif de Lordstown est justement de cibler les firmes en quête de véhicules-outils.
D’ailleurs, il est impossible pour un particulier de mettre la main sur une de ces camionnettes, seulement offertes en blanc pour l’instant, et sans possibilité de lui ajouter des options. Selon les dires d’Edward Hightower, le président de la compagnie venu pour discuter avec les journalistes, le potentiel commercial avec les entreprises est immense puisque personne ne se spécialise encore uniquement dans ce créneau.
Lors de mon essai du véhicule, l’ingénieur responsable du développement technique, Chi Yip, m’a confié que l’on travaille aussi à l’élaboration d’une camionnette à cabine simple et à deux roues motrices, d’un VUS et même d’un fourgon commercial qui pourrait rivaliser avec l’E-Transit de Ford.
Une cinquantaine de kilomètres…
Au premier coup d’œil, la camionnette ressemble à s’y méprendre à une Chevrolet de plus vieille génération. Les lignes sont très angulaires, classiques, mais caractérisées par l’intégration de moulures plus ou moins esthétiques et de feux à DEL horizontaux. Comme avec le F-150 Lightning s’y trouve un coffre avant, ici d’un volume de 340 litres, de même qu’une cabine pouvant accueillir cinq occupants avec tout l’espace nécessaire.
Évidemment, le poste de conduite n’impressionne guère. Les fonctions des écrans sont relativement limitées, alors que la définition graphique déçoit sérieusement. Cela dit, le propriétaire d’une entreprise peut - via une application - gérer son ou ses véhicules en les géolocalisant, ce qui signifie obtenir de l’information sur la charge restante et même limiter leur vitesse maximale. Des mises à jour par nuage du système d’exploitation peuvent être effectuées, au besoin.
J’aurai pu conduire la camionnette sur un trajet d’environ 50 kilomètres. Juste assez pour constater que celle-ci est véritablement conçue dans l’optique d’un outil de travail, et non pour offrir quelconque luxe ou confort. Rapidement, on réalise qu’elle est bruyante.
Agaçante à l’oreille en raison d’une mauvaise insonorisation, mais aussi parce que plusieurs sons curieux émanent des onduleurs électriques et des moteurs. Puis, passé le cap des 100 km/h, on ressent une vibration mécanique illustrant le manque de raffinement du produit. Voilà sans doute pourquoi l’entreprise avait volontairement limité la vitesse maximale à 75 mph dans le cadre de ces essais.
Dotée d’une suspension arrière à lames et d’un pont rigide traditionnel, elle n’a pas non plus la même maniabilité que le F-150 Lightning, beaucoup plus convivial et raffiné en matière de conduite. Cela dit, l’Endurance semble solide et bien construite. Les bruits de caisse brillent par leur absence si bien qu’il s’en dégage une impression de robustesse fort rassurante.
L’habitacle héberge une sellerie en tissu certes bon marché à l’œil, mais conçue pour être résistante à long terme. Pareil du côté des plastiques de finition et de la console centrale, massive et visiblement très solide. En fait, les seuls éléments qui ont l’air moins robustes sont les commutateurs et leviers fixés à la colonne de direction, provenant ironiquement du catalogue de GM.
Lordstown au Canada?
Réponse : pas de sitôt. En fait, Lordstown ne semblait même pas savoir qu’au nord de la frontière américaine existe un pays qui apprécie particulièrement les véhicules électriques. Clairement, l’objectif est d’abord de conquérir le marché des trois premiers États américains (Ohio, Michigan et Californie), pour ensuite élargir le spectre dans d’autres endroits aux États-Unis. Pour l’heure, c’est tout ce que l’on est capable de confirmer, le Canada ne faisant pas partie des plans officiels de Lordstown.
Remarquez, avec un prix de 63 900 $ US (contre 53 900 $ US pour un F-150 Lightning Pro 2023), on peut comprendre que Lordstown ne soit guère intéressé à vendre de ce côté-ci de la frontière. D’ailleurs, entre vous et moi, il faudra que le produit fasse ses preuves avant que l’on élargisse son marché, qui demeure très embryonnaire pour le moment.
Les stratèges de la marque expliquaient justement qu’une première série de 500 camions est prévue et qu’ensuite, la fabrication serait lancée en fonction de la demande. Ainsi, et bien que Lordstown affirme pouvoir fabriquer autant d’unités qu’il le souhaite, il faudra qu’il y ait une réelle pénurie chez Ford pour que des entreprises se dirigent vers ce produit, qui devra aussi rivaliser d’ici peu avec la Chevrolet Silverado EV Work Truck.
Alors, l’Endurance représente-t-elle une sérieuse menace pour le F-150 Lightning Pro? Absolument pas. Il sera intéressant de suivre l’évolution de cette entreprise qui semble très sérieuse et qui pourrait se tailler une place dans ce créneau bien particulier où la demande est manifestement très forte.