Carlos Tavares critique « le dogme du véhicule électrique pour tous »
« On ne peut pas rester sur le dogme du véhicule électrique pour tous, parce qu’il est trop cher », a lancé lundi Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, le groupe issu de la fusion de Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler, mettant en cause une transition énergétique trop rapide en Europe.
« La décision dogmatique qui a été prise de ne vendre que des électriques en 2035 (dans l'UE) a des conséquences sociales pas gérables », a estimé le dirigeant du groupe aux 14 marques lors d'un entretien avec la presse.
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« Cette couche de dogme doit maintenant être complétée par une couche de pragmatisme », qui implique notamment de continuer à subventionner les ventes d'hybrides, a indiqué M. Tavares.
Stellantis s'est pourtant engagé à fond dans l'électrification de ses gammes, avec la Peugeot e208 et la Fiat 500 en tête de gondole. Il veut diviser ses émissions de carbone par deux d'ici à 2030 par rapport à celles de 2021 et les abaisser de 90% d'ici à 2038.
Mais proposer des voitures à moins de 20 000 euros - hors bonus - (environ 27 010 $) dans les trois à cinq prochaines années est improbable « et elles ne seront certainement pas fabriquées en France! » a lancé Carlos Tavares.
Si Renault promet une nouvelle R5 « made in France » et abordable, sans précisions, les Peugeot 308 et 3008 électriques qui vont être produites en France promettent en effet d'être bien au-dessus des 20 000 euros.
Dans ce cas, « comment protéger la liberté de mouvement des classes moyennes qui ne vont pas pouvoir accéder à l’achat d’un véhicule électrique? Dire à la classe moyenne "restez chez vous", ce n’est pas gérable politiquement », a lancé M. Tavares, peu après avoir reçu Emmanuel Macron sur au kiosque de Peugeot.
« Il faut offrir une solution de transition », pour que les classes moyennes continuent à remplacer leurs vieilles voitures par des voitures hybrides, moins polluantes, mais pas encore électriques, a argumenté M. Tavares.
Le rival chinois
Le « leasing social » pour les voitures électriques que le gouvernement veut mettre en place fin 2023 est également « une mesure intelligente », même s'il devrait plutôt atteindre 120 à 150 euros par mois au lieu des 100 annoncés, selon M. Tavares.
Si les tarifs des voitures électriques ne baissent pas, « la vraie concurrence va venir des Chinois », qui ont un coup d'avance sur la voiture électrique, et qui sont nombreux au Mondial de l'automobile, a prévenu M. Tavares.
« Les taxes à l’importation des véhicules en provenance de Chine devraient être symétriques à celles qui sont appliquées aux véhicules occidentaux en Chine », a-t-il ajouté, alors qu'il renégocie actuellement sa présence industrielle en République populaire.
À la création de Stellantis en 2020, Peugeot-Citroën a fusionné avec Fiat-Chrysler pour « changer de ligue », a-t-il rappelé: « ça nous donne plus de moyens pour faire face aux enjeux de l’avenir, notamment pour résister à la croissance chinoise ».
Revenant sur les tensions avec la Chine et la Russie, M. Tavares a prévenu que si le monde se fragmentait en « bulles », le prix des véhicules risquait de monter. La hausse des coûts des matières premières risque aussi de mettre des groupes automobiles en danger. « On verra bien qui survivra à la période 2020-2030 », a lancé M. Tavares.
Renault n'est « pas dans la même ligue » et s'est allié à un groupe chinois, AESC Envision, pour fabriquer ses batteries, a-t-il souligné.
Contrairement à Renault aussi, Stellantis n'envisage pas de séparer ses activités thermique et électrique. « On ne va pas couper l’entreprise en morceaux, décider qu’une partie est obsolète pour mieux courir avec l’autre ».