Vous souvenez-vous de la… Pontiac GTO 2004?
En lançant une nouvelle génération de GTO 40 ans après l’originale, Pontiac espérait insuffler une énergie sportive dans une gamme qui en avait bien besoin. Mais les temps avaient changé.
Considérée mourante en 1956, la division de GM deviendra un mastodonte dans les années 60, dotée d’une belle aura de sportivité, notamment grâce à des modèles comme la GTO. Celle-ci, lancée en 1964, est le fruit d’un coup de génie de passionnés de performance, Bill Collins, Russ Gee et John DeLorean, en installant un gros bloc dans une intermédiaire. La catégorie des muscle cars était née. Tous les autres constructeurs suivront.
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Les ventes de GTO seront solides jusqu’en 1969. Toutefois, sous la pression de la concurrence, des normes de pollution et des tarifs d’assurance, elles baisseront jusqu’à la disparition du modèle en 1974 (qui était devenu cette année-là une compacte). Grâce au marketing aiguisé de Jim Wangers, la GTO était passée dans l’inconscient collectif. C’est pourquoi Pontiac jouera plusieurs fois au fil des années avec l’idée de la faire revenir dans sa gamme. La marque exposera, par exemple, un concept (pas très réussi) au Salon de Detroit 1999.
Maximum Bob
Au début des années 2000, on est loin de l’époque où le slogan américain de Pontiac était « We build excitment » (« Ça marche Pontiac! » au Québec). La fabrication des Firebird et Trans Am à l’usine de Boisbriand est arrêtée à la fin de 2002, la marque est plus occupée à vendre des Sunfire ou à mettre en marché l’Aztek… avec le résultat que l’on connaît. C’est justement le lancement raté de ce VUS qui amènera Rick Wagoner, PDG de General Motors, à proposer à Bob Lutz un poste à la tête du développement produit.
Cet ancien Marine a travaillé chez GM Europe, BMW, Ford et Chrysler. Typé comme flamboyant dans le milieu conservateur des cadres de l’automobile, il a toujours professé qu’une auto doit autant, sinon plus, parler à l’émotif qu’au rationnel pour emporter l’acte d’achat. En 2001, il est PDG d’Exide, un fabricant de batteries pris alors au beau milieu d’un scandale de fraude (orchestrée avant l’arrivée de Lutz en 1998). L’offre de Wagoner ne peut pas mieux tomber. Il entre chez GM le 1er septembre 2001.
La situation à l’interne est catastrophique. Lutz doit reprendre tous les processus et arrêter le développement de certains modèles (dont un destiné aux personnes âgées où tous les boutons avaient disparu et qui était entièrement commandé par la voix). Faire tourner un tel paquebot demandera des années mais il faut colmater des fuites rapidement. C’est pourquoi il lancera aussi quelques modèles un peu à la hâte, on pense notamment à la Saab 9-2X. Il a également besoin de ranimer la flamme de Pontiac. Et si la solution se trouvait à l’autre bout du monde?
La filière australienne
Holden est entrée dans le portefeuille de GM en 1931. Elle présentera la première auto australienne en 1948. À partir de là, la marque concevra des modèles offrant la double influence européenne et américaine. En 1978, elle dévoile la Commodore, directement dérivée de l’Opel Commodore européenne mais adaptée aux conditions routières australiennes et avec un berceau avant modifié pour accueillir un V8. Tandis qu’au cours des années 80/90, les divisions américaines passeront à la traction avant et recourront de moins au moins aux V8, les australiens restent fidèles aux gros blocs et à la propulsion pour leurs modèles pleine grandeur.
En 1997, Holden introduit la Commodore VT (les Australiens fonctionnent par type de série et non pas par millésime), basée sur le châssis de l’Opel Omega de deuxième génération (que nous connaîtrons chez nous sous le nom de Cadillac Catera) mais toujours avec un supplément d’espace pour accueillir des V8 de 5 ou 5,7 litres. L’auto existe sous forme de berline ou de familiale. Au Salon de l’auto de Sydney 1998, Holden présente un concept deux portes développé à l’interne, basé sur la VT, et simplement baptisé Coupe. Mais le public commence à l’appeler Monaro, un nom aussi évocateur en Australie que Camaro ou Mustang chez nous, et demande qu’il soit mis en production.
La Monaro a été introduite sur le marché australien en 1968. Pouvant être équipée de V8 américains, elle séduit les amateurs de performances, gagne le titre de « Voiture de l’année 1968 » du magazine Wheels et permet à Holden d’obtenir sa première victoire à la Bathurst 500, une course mythique, la même année… ainsi que l’année suivante. La deuxième génération arrivera en 1971 et perdurera jusqu’en 1977 (y compris sous forme de berline à partir de 1973).
En 2000, la Commodore VT est restylée et devient la VX. Holden en profite pour ajouter deux carrosseries : le Ute (un utilitaire combinant un avant de voiture et une boîte de pick-up, à la manière des Chevrolet El Camino et Ford Ranchero, jusque-là basé sur l’ancienne série VS de 1995) et le coupé Monaro en 2001. Juste au moment où Bob Lutz commence à se rendre en Australie…
La première GTO depuis 30 ans
En 2000, le magazine Car and Driver expliquait que la Commodore SS était probablement le meilleur véhicule que GM offrait… mais qu’il était réservé à la région Asie-Pacifique. Intéressé, Lutz voulut conduire une Monaro et constata que c’était effectivement une excellente auto : V8, propulsion, bonne tenue de route, bonne finition intérieure. « Pourquoi ne pas l’importer en Amérique du Nord? » demanda-t-il. D’autant qu’avec un taux de change favorable (à peu près 0,51/0,52 dollar américain pour un dollar australien en septembre/octobre 2001), il serait possible de la vendre aux alentours de 25 000 $ US, ce qui pourrait être une bonne affaire.
Il faut comprendre qu’à l’époque, GM n’est pas tant une corporation intégrée que l’assemblage de plusieurs régions plus ou moins autonomes. Commence alors un va-et-vient entre les régions Amérique et Asie-Pacifique pour savoir qui payera pour le projet. Et puis, il y a aussi la question de l’adaptation aux normes américaines, ainsi qu’aux goûts des consommateurs étatsuniens.
Ce qui pourrait paraître comme une simple Monaro avec une calandre Pontiac a en fait demandé la conception de 475 pièces spécifiques : en plus de la conversion volant à gauche, le réservoir d’essence est déplacé de sous le coffre vers l’arrière de la banquette pour une meilleure résistance aux impacts (réduisant significativement le volume du coffre), l’ABS et le contrôle de traction sont installés de série (pas d’ESP par contre), le système de climatisation et les joints de porte sont améliorés, les sièges sont redessinés et les cadrans sont assortis à la carrosserie.
La GTO 2004 est présentée à la presse au Salon de l’auto de Los Angeles en janvier 2003 et arrivera en décembre 2003 dans les concessions… américaines seulement, car elle ne sera pas proposée au Canada. Elle offre un V8 LS1 de 5,7 litres développant 350 chevaux couplé à une boîte automatique 4L60E à 4 rapports, la boîte manuelle 6 rapports Tremec T56 étant une option (plus de 60% des acheteurs de GTO l’auraient choisie).
Elle est disponible en sept couleurs et vient de série avec climatisation, système audio Blaupunkt de 200 watts avec changeur de disques, échappement à double sortie, différentiel à glissement limité, aileron arrière, ordinateur de bord et des roues en 245/45ZR-17 (pas de système de navigation, même en option). Côté performances, le 0 à 60 mph est réalisé en 5,3 s, le quart de mille en 13,8 s (boîte manuelle) et l’auto prend jusqu’à 0,86 g d’accélération latérale. Tout est là pour séduire les amateurs! Sauf que…
Plus ça change…
Le projet a pris plus de temps que prévu et le taux de change a considérablement augmenté (0,71 dollar américain pour un dollar australien en novembre 2003), faisant passer le prix à 33 000 dollars US, la GTO changeant alors de catégorie. Ensuite, il y a l’esthétique… un peu ordinaire pour un muscle car. Les puristes lui reprochent de ne pas avoir d’entrée d’air sur le capot et une allure de voiture de location. La capacité de l’usine d’Elizabeth est de 18 000 GTO par année mais la production n’atteindra que 15 740 unités pour le millésime 2004. Et encore, les ventes seront stimulées grâce à des rabais appliqués à peine quelques semaines après l’introduction du modèle. Les 794 derniers exemplaires sont des éditions « 40e anniversaire » (code W40), tous en rouge Pulse, avec cadrans gris et sièges anthracite.
Pour 2005, la GTO reçoit des évolutions importantes : le LS1 est remplacé par le LS2 de 6 litres développant 400 chevaux, deux entrées d’air sont ajoutées sur le capot (équipement pouvant être supprimé sur demande), les freins sont améliorés, l’échappement a une sortie de chaque côté, les feux arrière sont revus et la gamme des couleurs est modifiée. Les performances montent d’un cran : 0 à 60 mph en 4,7 s, le quart de mille en 13 s (boîte automatique). Malgré tout cela, la production descend à 11 069 exemplaires.
Logiquement, le millésime 2006 ne connaît que des changements limités, notamment au niveau des couleurs. En février 2006, Pontiac annonce que l’importation des GTO cessera en septembre de la même année. Ce qui entraîne un léger rebond de la production : 13 948 exemplaires. La dernière et 40 757e GTO sort de l’usine d’Elizabeth, proche d’Adélaïde, le 14 juin 2006, signifiant aussi la fin de l’assemblage de la Monaro.
Échec? Pas échec?
Dès le départ, la GTO devait être produite seulement trois ans. En effet, une nouvelle Commodore, la VE, est programmée pour 2006. Elle repose sur la plate-forme Zeta, conçue en Australie. Nous avons connu ce modèle ici sous le nom de Pontiac G8 (sans oublier le Ute G8 Sport Truck que nous aurions eu si Pontiac n’avait pas disparu en 2010). Mais si la GTO 2004-06 avait trouvé sa place sur le marché, il ne fait que peu de doute qu’une nouvelle génération de Monaro/GTO aurait pu être développée. D’autant plus que Holden a montré un concept de coupé sur base VE, le Coupe 60 (pour les 60 ans du premier modèle 100% maison), au Salon de Melbourne 2008. Ce qui n’a pas dû aider non plus le cas de la GTO, c’était la cinquième génération de Camaro qui était déjà dans les cartons. Et celle-ci reposera justement sur la plate-forme Zeta. La filière australienne tenait (encore) le coup!
Aparté : La GTO ultime
Au Woodward Dream Cruise de 2004, Pontiac dévoilait un concept réalisé sur la base du volontariat par une équipe de jeunes ingénieurs motivés. Son nom : GTO Ram Air 6, en hommage aux moteurs Ram Air des GTO des années 1967 à 1970.
Sous la robe Orbit Orange, clin d’œil à la GTO Judge 1970, se cache un V8 LS2 réalésé à 389 pc (soit 6,4 litres, la cylindrée exacte des GTO de 1964 à 1966). Il développe 575 chevaux et est couplé à une boîte manuelle à 6 rapports. Les ailes sont élargies pour accueillir des roues de 20 pouces et reçoivent des entrées d’air fonctionnelles à l’arrière pour refroidir les freins. Il restera malheureusement un prototype sans suite…