Forte hausse de l'inflation: avoir une auto est en train de devenir un luxe
Par Hélène Schaff
L’indice des prix à la consommation a bondi de 8,1%, en juin, au pays. C’est la plus forte hausse du coût de la vie depuis janvier 1983. En ce qui a trait aux coûts automobiles, le portrait est encore moins réjouissant.
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« C’est une rude épreuve pour les consommateurs qui doivent payer beaucoup plus cher pour un véhicule et pour le carburant », résume George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes (APA).
Alors que l’inflation a atteint 8,0% au Québec, le mois dernier, le ministre des Finances, Eric Girard, « constate que l’inflation est élevée au Québec [...] et comprend que la hausse des prix affecte les Québécois dans leur quotidien. »
Le carburant grand coupable
Cette hausse exceptionnelle est en grande partie due à la hausse du coût de l’essence. Il fallait débourser 54,6% de plus pour le carburant, en juin, au Canada, comparativement à l’an passé, rendant la facture automobile bien plus salée.
Outre l’essence, il en coûte plus cher pour une voiture d’occasion comme pour une voiture neuve. L’inflation sur l’achat d’un véhicule s’élève à 8,2% en juin, un effet de prix « qu’on n’aurait jamais cru possible », commente M. Iny.
Le directeur de l’APA a bon espoir que le prix des véhicules usagés repartira à la baisse à l’hiver prochain, mais il prévient que « pour les automobiles neuves, on peut s’attendre à de fortes hausses en 2023 ».
L’entretien et les réparations sont eux aussi en forte hausse : 6,1%. Une tendance qui pourrait s’avérer durable.
« L’entretien va augmenter parce qu’il y a une carence énorme de personnel qualifié, explique George Iny, et il y a une pénurie très grave de pièces d’auto ».
Comportement contradictoire
Malgré des coûts bien plus élevés, le patron de l’APA observe une «certaine contradiction» sur les véhicules achetés par les Québécois.
Avec le prix de l’essence en hausse, « on aurait cru que les gens prendraient le virage vers de plus petites autos, mais pour le moment, ça ne semble pas être le cas ».
LE COVOITURAGE COMME SOLUTION POUR RÉDUIRE LA FACTURE
Des collègues, travailleurs de la construction, font du covoiturage et des heures supplémentaires pour faire face à l’inflation des coûts automobiles.
« On travaille dans la construction, on se promène de chantier en chantier, on prend tout le temps notre auto à tous les jours. Alors le coût de l’essence fait qu’il nous en reste moins dans les poches », répond Léo Beauchemin, menuisier, quand on le questionne sur l’augmentation des prix de l’essence.
Le travailleur est assis dans son auto, en pause, dans une station-service de la Rive-Sud de Montréal, avec ses deux collègues. C’est qu’ils ont choisi de faire du covoiturage pour économiser sur les coûts de leurs déplacements automobiles.
Limiter l’usure aussi
« Avec l’inflation, on fait plus de covoiturage, explique Léo. On n’habite pas à la même place, mais on s’arrange. On va se stationner à un endroit à mi-chemin et on fait la route ensemble pour économiser sur le coût de l’essence et sur la durabilité de l’auto, parce qu’il y a l’usure du véhicule aussi. »
Prévoient-ils l’achat d’une nouvelle auto au vu des prix actuels? Cette fois, c’est Pascal Gauthier, assis à la droite de Léo, qui lance : « Moi, j’ai un pick-up en commande ». C’est un véhicule à forte consommation de carburant, mais le cimentier estime en avoir besoin pour la chasse. Comme beaucoup d’autres, il attend encore sa nouvelle auto. Et si elle n’entre pas en production très bientôt, la facture va monter.
« Rendu en août, je passe aux prix de 2023, explique le travailleur de la construction. C’est une augmentation de 5000 $, je pense. Ils ne peuvent pas garantir le prix à la commande.» Il garde pourtant le sourire. Pour compenser les augmentations, ses collègues et lui feront «plus d’overtime ».
DES COÛTS QUI EXPLOSENT
Plus 61,9% pour l’essence
L’augmentation du prix de l’essence au Québec, en juin, est pour le moins significative : 61,9%. Hier, le prix à la pompe affichait 1,91 $ à Montréal. On observe un léger recul en juillet, alors que les prix dépassaient 2 $ le litre en juin.
Neuf ou d’occasion, c’est plus cher
L’inflation pour l’achat de véhicules dépasse les 8% sur un an au pays. L’effet de la pandémie, les pénuries de puces à semi-conducteur et l’augmentation du coût du matériel de production sont en cause.
Dans le marché de l’occasion, Le Journal rapportait une hausse de 25% des prix en mai dernier. La tendance à la hausse se poursuit : plus 1,5% de mai à juin selon Statistique Canada.
Les prix du neuf suivent la même courbe : 1,6% d’augmentation de mai à juin.
La bataille pour des mécaniciens fait grimper les coûts d’entretien
Déjà en augmentation avec 6,1% d’inflation en juin, on s’attend à une hausse continue du prix des pièces, de l’entretien et des réparations automobiles.
Selon George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes, le prix horaire d’un mécanicien est actuellement de « 125 $ et plus » chez un concessionnaire, un tarif qui devrait continuer à augmenter alors que de jeunes mécaniciens qualifiés manquent à l’appel.
« C’est une vraie bataille pour obtenir des mécaniciens », explique Alain Blondeau, propriétaire du garage Sonic à Saint-Lambert. L’entrepreneur est parfois obligé d’offrir 8 $ à 10 $ de plus pour attirer des travailleurs. Il indique qu’il a dû augmenter ses prix : +30% pour les pneus, +20% pour les filtres et l’huile, et 10% à 20% de hausse tarifaire pour le changement des freins.
La fin du répit pour les assurances?
Après des hausses marquées de primes d’assurance auto depuis 2015, la baisse de la fréquence des sinistres pendant la pandémie entraîne une stabilisation des prix en 2022. Les dernières données du Groupement des assureurs automobiles indiquent une prime moyenne à 775 $ en 2021. Affaire à suivre, cependant : le coût des assurances pourrait bientôt augmenter, pour suivre les hausses en matière de réparation des véhicules accidentés.