Le Canada boudé par les constructeurs automobiles?
Depuis déjà plus d’un an, les constructeurs automobiles nous donnent mille et une raisons pour expliquer les longs délais de livraison occasionné par la pénurie de véhicules. Bien sûr, la COVID-19 occupe le premier rang, mais la pénurie de semi-conducteurs, les problèmes de transport et le manque de main-d’œuvre font aussi partie du lot.
Aujourd’hui, des concessionnaires choisissent de ne plus prendre de commandes pour certains de leurs modèles. Une situation particulièrement complexe pour certains travailleurs qui doivent par exemple se procurer des fourgons et des camionnettes, et qui se font littéralement fermer la porte au nez. Naturellement, les concessionnaires ne sont pas plus heureux de ce contexte, et crient leur insatisfaction auprès du fabricant.
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Chez ces derniers, la réponse est hélas souvent la même. Difficile de livrer des véhicules qui n’existent pas. Or, s’ils se font aujourd’hui si rares, comment se fait-il que l’on ait malgré tout réussi à vendre en 2021 pas moins de 16,5 millions de véhicules à l’échelle nord-américaine? Un chiffre à peine 12% plus bas qu’en 2019, dernière année « normale » avant l’arrivée de la pandémie.
Les États-Unis avant le Canada
Il faut comprendre qu’aux États-Unis, les ventes furent en baisse de 11%, contrairement à 16% du côté canadien. Un premier signe qui prouve que les constructeurs préfèrent d’abord fournir le marché américain, évidemment plus lucratif. On constate aussi une redistribution du type de véhicule entre le Canada et les États-Unis, bien que la demande ne soit guère différente. Par exemple, votre concessionnaire Honda peut sans problème vous livrer la Civic de votre choix dans un délai jugé plus que raisonnable, mais ne pourra faire pareil avec un Pilot ou un Ridgeline.
Pourquoi? Parce que la demande pour une Civic au Canada proportionnellement plus élevée que du côté des États-Unis. Or, bonne chance pour mettre la main sur un Kia Telluride, un Ford Bronco ou sur la récente Chevrolet Corvette, des modèles que s’arrachent littéralement les Américains.
À elles seules, les ventes de Corvette sur le marché américain passaient en 2021 le cap des 33 000 unités, une hausse de 36% par rapport à 2020. Et pour cette même période, on observe une hausse de 25% au Canada, alors que les listes d’attente ne cessent de s’allonger.
Il est évident que les constructeurs préfèrent de plus en plus vendre des véhicules sur le marché américain au détriment du nôtre. Parce que c’est plus payant et parce que pour certains, le Canada n’est qu’un 51e État avec lequel il faut malheureusement composer... Ne soyez donc pas étonné par l’arrivée tardive des camionnettes Rivian R1T, Ford F-150 Lightning et GMC Hummer EV au pays. Des véhicules également très convoités chez nous, mais qui arriveront dans certains cas un an plus tard qu’aux États-Unis.
Coup d’œil sur la Californie
Me trouvant en Californie la semaine dernière, j’ai vu que ces véhicules soi-disant si rares chez nous envahissaient le paysage automobile américain! Par exemple, les Ford Maverick, les Bronco, les Camaro et Corvette, les Hyundai Palisade (ça, il y en a partout!). Des modèles en demande au Québecm mais que l’on préfère visiblement vendre au sud de nos frontières.
Quant aux véhicules électriques, plus rares en proportion par rapport à notre marché, ils sont difficiles d’accès chez nous en raison d’un avantage et d’une obligation des constructeurs à les vendre sur d’autres marchés. Notamment, les pays d’Europe, où les lois forcent la vente de ce type de modèles, avec lesquels on fait là-bas plus de profit qu’au Canada.
Conclusion, notre pays n’est pas l’endroit de prédilection pour les constructeurs automobiles. Parce que la profitabilité est moindre et parce que les lois, qui ne sont pour l’heure que trop peu sévères, permettent de vendre à peu près n’importe quoi. En espérant bien sûr que les règles sur les véhicules électriques - lesquelles s’intensifieront dans les prochaines années - n’auront pas pour effet de dissuader les manufacturiers de vendre des véhicules ici au lieu de bonifier l’offre de modèles électriques. Car rappelons-le, le Canada exigera que 20% des véhicules vendus sur son territoire soient électriques, et ce, dès 2026.