Tata Nano: le miracle indien ou l’art de faire du « deux en un »
Pune, Inde – La circulation indienne regorge de motocyclettes qui transportent des familles entières. Le père assis devant, un enfant derrière lui, la mère en amazone avec le p’tit dernier dans les bras… C’est peu sûr, peu confortable – et c’est pire encore quand, durant la moisson, le soleil cède la place à des trombes d’eau.
C’est pour eux que le grand patron de Tata, Ratan N. Tata, a voulu créer un moyen de transport personnel qui soit efficace, sécuritaire et abordable. Abhay Deshpande, que nous avons rencontré à Pune et qui est à la tête de l’Intégration automobile de l’équipe Nano, se rappelle comme si c’était hier de ce jour de 2003 où M. Tata a convoqué ses ingénieurs automobiles.
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Le « Boss » avait alors surpris tout le monde en exposant son intention de fabriquer une voiture qui puisse se vendre à… 100 000 roupies (2275$ canadiens). « Impossible », ont rigolé les employés, sûrs qu’il s’agissait d’une bonne blague.
Mais M. Tata était des plus sérieux. Les esprits se sont donc mis au travail et petit à petit, une ébauche de voiture a vu le jour.
Avec ou sans portières?
Bien sûr, il a fallu faire des choix : avec ou sans portières? Des panneaux extérieurs d’acier ou de plastique? À traction ou à propulsion? Moteur à essence ou diesel?
Les réponses sont tombées : il faut des portières (après tout, on ne veut pas fabriquer un « touk-touk »!), le plastique coûte trop cher, la propulsion permet de maximiser l’espace intérieur et les motorisations à essence sont plus économiques à fabriquer que celles diesel. Bien sûr, on oublie au passage tout ce qui s’appelle système de stabilité, clé intelligente et performance.
Les ingénieurs se sont ensuite évertués à faire du « deux en un », de façon à réduire le nombre de pièces nécessaires sur la chaîne de montage – jusqu’à 20% par rapport aux autres petites voitures économiques.
Ainsi, sur la Nano, une seule unité sert à la fois de pompe à l’eau et de pompe à l’huile. Aussi, le pare-brise n’est nettoyé que par un seul essuie-glace. Et la traverse qui assure la rigidité latérale de la caisse sert doublement, puisqu’elle accueille l’ancrage des sièges avant.
De même, le remplissage de carburant s’effectue sous le capot avant; on épargne ainsi un trou dans la carrosserie et le bouchon qui, ici, se doit d’être verrouillé. Sur le modèle de base, un seul levier combine les clignotants et l’activation de l’essuie-glace. Oh, et les roues tiennent avec trois boulons, non pas quatre ou cinq : de quoi sauver 1,50$ par Nano ou, dans une plus large perspective, 150 000$ en cette première année de production.
« Autrement dit, résume M. Deshpande, il nous a fallu tout réinventer. »
Pas demain la veille
Vous savez quoi? M’est avis que les GM, Toyota, Ford et autres grands constructeurs automobiles de ce monde espèrent maintenant secrètement que Tata se plante, avec sa Nano. Sinon, ça voudra dire qu’il leur faudra, eux aussi, en arriver à produire des petites voitures pas mal moins chères.
Pour l’heure, la Nano fait tout un tabac, en Inde. Les premières voitures ont été livrées en juillet dernier et sa production annuelle limitée, du moins pour l’instant, à 100 000 unités est déjà réservée pour… les deux prochaines années.
Alors, même si vous en rêvez, de la Nano, n’attendez pas qu’elle débarque de sitôt en Amérique. Elle est bien trop occupée à combler les besoins de sa propre nation…