Grande primeur en Amérique: Le Guide de l’Auto conduit la Tata Nano!
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Points faibles | n.d. |
Pune, Inde – Il y a de ces moments, dans une carrière, où l’on sait que l’on est en train de vivre quelque chose de rare et d’inestimable. Le 26 novembre dernier, premier anniversaire des attentats terroristes à Mumbai, restera gravé dans ma mémoire comme étant ma première rencontre avec la Tata Nano. Et si je ne me trompe pas, je suis la première journaliste automobile – et la seule, jusqu'à présent – de toute l’Amérique à avoir posé ses fesses dans celle qui se targue, à 2150$US, d’être la voiture la moins chère du monde.
Je me trouve en Inde pour des vacances, mais je ne peux manquer l’appel de la Nano : l’occasion est trop belle, d’autant que le géant Tata (qui fabrique des voitures, mais qui trempe aussi dans les aciéries, les communications et même… la vaisselle) m’a fort aimablement organisé le rendez-vous.
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Sur circuit fermé, heureusement…
Une Tata Indigo et son chauffeur passent donc me prendre à mon hôtel de Mumbai afin de me conduire à Pune (prononcez « Pou-né ») où se trouve l’une des trois usines automobiles de Tata – et la plus importante du groupe, avec ses 9000 acres.
Il est encore tôt le matin et Mumbai s’éveille à peine. Des familles dorment toujours sur le trottoir, là où elles ont passé la nuit, faute d’un domicile fixe. La circulation est fluide au centre de la ville, là où l’on a interdit les rickshaws, les vaches (!) et les touk-touks, ces espèces de taxis à trois roues et sans portières qui foisonnent en Inde.
Nous mettrons néanmoins plus de trois heures afin de parcourir les 170 kilomètres qui séparent Mumbai des installations de Tata à Pune, un complexe manufacturier aussi grand qu’une cité. En ce jour de tragédie nationale, les employés y ont congé et l’immensité de l’endroit n’a d’égal que son calme et son immobilité.
Mon contact chez Tata, M. Arup Mukherjee, trouve que ça tombe bien pour moi : j’aurai libre accès au circuit fermé et je pourrai profiter de tout le temps nécessaire afin d’apprivoiser la Nano. Je ne vous dis pas à quel point je suis soulagée de pouvoir conduire dans un environnement « contrôlé ». En effet, de jumeler la conduite à droite avec la circulation pare-chocs à pare-chocs qui sévit en Inde, où l’on fait abondamment usage du klaxon et où les tôles s’épargnent in extremis, ne m’aurait guère permis de vivre l’expérience de la petite Nano avec bonheur et sérénité…
Plus grande que la Smart
« Petite Nano »? Il faut le dire vite La voiture la moins chère du monde (100 000 roupies en version de base, soit à peu près 2150$US) n’est pas si petite que ça. De fait, elle mesure presque un demi mètre de plus que la Smart et, si elle est moins large (de six centimètres), elle est quand même 11 centimètres plus haute.
Si la Smart ne propose que deux portes et deux places, la Nano en offre quatre, de ces portières et de ces places. Au départ, j’étais sceptique, mais force est de constater que la Nano réussit le même exploit que la Smart : son espace intérieur est maximisé à un point tel qu’on est surpris du dégagement aux têtes et aux jambes. Quatre adultes tiennent confortablement à bord et même qu’un enfant pourrait très bien se glisser au centre de la banquette – il n’aura droit cependant à aucune ceinture de sécurité.
Évidemment, pour s’offrir à tout juste deux fois le prix des motocyclettes vendues en Inde, la Nano doit couper quelque part. D’abord, pas de direction assistée pour elle. En virage, il faut donc sortir un peu de son huile de bras pour obtenir la réaction attendue. Pas de volant ajustable non plus et les freins sont à tambours tant à l’avant qu’à l’arrière. Ça dérange le pied droit qui trouve que décidément, la manœuvre d’immobilisation n’est pas des plus directes. (Je ne sais pas pour vous, mais moi je suis trop jeune pour avoir connu ça, les véhicules sans freins à disque à l’avant…)
La suspension de la Nano est indépendante, mais elle repose sur de trop petites roues (des 12 pouces!) pour être la plus confortable qui soit. Par contre, la garde au sol (180mm) est suffisamment élevée pour offrir une belle position de commande et une excellente vision périphérique.
Aussi, l’empattement de 2,3 mètres est plus long d’un tiers de mètre que pour la Smart (encore elle…) et la tenue de route est somme assez toute stable. Sans doute que par grands vents, la Nano souffre des mêmes travers que toutes les autres voitures courtes et hautes sur pattes mais ce jour-là, c’est davantage le chaud soleil qui nous donnait des sueurs…
Le 0-100km/h… en 41 secondes!
Qui dit petit prix, dit évidemment petite puissance. C’est un moteur de deux (!) cylindres de 0,6 litre qui vient se glisser derrière la banquette arrière, pour produire en mode propulsion… tout juste 35 chevaux. Ce moteur à la sonorité de « mopette » est jumelé à une boîte manuelle dont les quatre rapports (et non cinq, notez bien) se passent un peu trop lâchement. À moins que ce ne soit la faute de ma main gauche, peu habituée à « shifter »…
La consommation en carburant de la Nano est aussi minime que le prix de la voiture : 4,2L/100km. C’est du 50 milles au gallon, ça. Tata soutient que les émissions polluantes sont 12% moindres que pour les « 2-wheelers » actuellement vendus en Inde. Le constructeur affirme également que la Nano respecte, voire dépasse les standards indiens en termes de tests de collision.
À la question : « Combien de secondes pour le 0-100km/h? », on me répond… qu’on a plutôt calculé le 0-60km/h. J’ai vite compris pourquoi : même si la Nano est un poids-plume (à 600 kilos, elle pèse au minimum 150 kilos de moins que la Smart), il lui faut… 11 secondes pour atteindre les 60km/h.
Par la suite, les accélérations sont encore plus ardues : il faut une autre dizaine de secondes pour rejoindre les 80km/h. Et croyez-le ou non, la Nano a mis un grand total de 41 secondes avant que son aiguille ne frôle les 100km/h. Les dépassements énergiques, il faut complètement oublier ça.
Du reste, la Nano ne peut pas dépasser les 105km/h. Quand bien même elle l’aurait pu, elle n’aurait pas eu grand occasion de le faire : en Inde, rares sont les autoroutes dégagées où de telles vitesses de croisière peuvent être atteintes. Et de toute façon, il y a toujours une vache quelque part pour vous freiner l’élan…
C’est la Nano de luxe que l’on choisit
À première vue, les sièges avant sont confortables. Ils ont le mérite de s’avancer et de se reculer et leurs dossiers s’inclinent aussi. Notre version essayée, la « luxueuse » LX, était munie de la climatisation, des vitres électriques et du verrouillage central. Par contre, pas de système audio, de lecteur de disque et encore moins de clé intelligente pour elle.
Étonnamment, c’est cette version « haut de gamme » (et la teinte de carrosserie jaune serin!) qui est la plus populaire auprès des acheteurs. Il faut dire que la version de base est vraiment, vraiment démunie – imaginez, elle n’a ni chauffage, ni porte-gobelet, ni freins assistés…
À 140 000 roupies (3000$US), la variante toute équipée LX de la petite Nano reste quand même moins chère que tout autre véhicule vendu sur le marché indien, y compris la populaire (et plus petite!) Suzuki 800 (à partir de 250 000 roupies, celle-là). C’est indéniablement encourageant pour Tata, qui empoche ainsi davantage par unité vendue.
Déjà des améliorations en vue
D’ailleurs, voilà de quoi inciter à déjà améliorer certains aspects de sa Nano. Ainsi, le constructeur planifie l’ajout d’un second rétroviseur extérieur, côté passager. Il songe aussi à rendre amovible le hayon qui, pour l’heure, est fixe et nécessite le chargement du petit espace cargo par les portières arrière et en rabattant la banquette.
Certes, les matériaux de revêtement intérieur de la Nano sont bon marché, mais leur assemblage est réussi. La disposition des quelques commandes au tableau de bord est simpliste et l’instrumentation ne comporte que le cadran indiquant la vitesse et la jauge à essence (non, pas d’indicateur de révolutions et surtout pas d’ordinateur de bord), mais le tout est fonctionnel et présente un petit cachet à la Toyota – est-ce l’influence de ces bouches de ventilation rondes ou de ce « T » qui orne le centre du volant?
Le seul moment où l’on se sent (oh, si peu…) en présence d’une voiture cinq fois moins coûteuse que nos Chevrolet Aveo et Hyundai Accent, c’est lorsqu’on remarque ces fils et ces pièces de rattachement visibles au-dessus des trois pédales au plancher. Des pédales qui, au demeurant, seraient trop rapprochées pour nos pieds chaussés de bottes d’hiver. La batterie, bien apparente sous le siège du conducteur, vient faire sourire, aussi.
Ronde et rieuse
Visuellement, la petite bouille ronde et rieuse de la petite voiture (ne lui trouvez-vous pas une ressemblance de museau avec la Prius ?) est ce qu’a le mieux réussi l’équipe Nano. Le style est moderne et on aime cette ligne de démarcation dans le flanc arrière, rehaussée par une prise d’air – bien nécessaire, cette dernière, à en juger par la chaleur qui se dégageait du moteur, lors de notre essai…
Indéniablement, la Nano se démarque dans le paysage automobile indien qui, soulignons-le, est pas mal plus conservateur que l’américain. Le « fashion » automobile n’est pas à l’ordre du jour quand une trop grande majorité de sa population ne mange pas à sa faim…
Je ne suis pas une habituée des modèles automobiles indiens, mais en me basant sur mon expérience nord-américaine, ma plus grande surprise à l’égard de la Nano reste qu’on en soit arrivé, pour le prix, à produire quelque chose de complet qui sorte si sympathiquement de l’ordinaire. L’espace intérieur est impressionnant pour les petites dimensions et si le superflu n’est pas au rendez-vous, l’essentiel y est, lui.
Dans l’ensemble, la Nano réussit ce pour quoi elle est venue au monde : permettre à des familles avec peu de moyens financiers non seulement de se déplacer, mais de le faire en toute sécurité et à l’abri des intempéries.
Et c’était le but visé par le grand patron Tata (voir notre autre texte: Tata Nano: le miracle indien ou l'art de faire du "deux en un" publié la semaine prochaine)…