Toyota 4Runner 210, quand les nuages cachent le sommet de la montagne
Alors que toute l’industrie automobile propose des véhicules de plus en plus légers, conviviaux et politiquement corrects, voilà que Toyota, pourtant rompu aux dictats du bien-paraître, nous arrive avec un 4Runner 2010 plus long, plus large et, surtout, plus lourd. Et alors que la tendance veut des VUS plus urbains, le camion de Toyota rehausse ses capacités hors route. Décidément…
La semaine dernière, Toyota avait convié plusieurs journalistes en Ontario pour la présentation de ses camions 2010. Mais comme toute l’attention a été portée vers le 4Runner, puisque le très gros utilitaire Sequoia, le caricatural et sympathique FJ Cruiser et les camionnettes Tacoma et Tundra ne connaissent que des changements plus ou moins mineurs, la plupart ayant trait à leurs mécaniques. Il en va tout autrement du 4Runner qui, bien qu’il conserve la même plate-forme qu’auparavant affiche une toute nouvelle robe et un nouveau moteur.
Pour 2010, le 4Runner arbore donc de nouvelles lignes, plus au goût du jour, remplaçant celles qui dataient de 2003, aussi bien dire du pléistocène. Les ailes sont désormais bien galbées, les phares et les feux arrière plus imposants. Bien entendu, les parties avant et arrière ont été entièrement revues. Mais le dynamisme nouveau provient surtout du pare-brise, moins incliné qu’avant et de la vitre du hayon, plus inclinée qu’avant. Toyota en a aussi profité pour repenser le tableau de bord, ce qui n’était pas un luxe! Tous les boutons, la plupart surdimensionnés, tombent sous la main et la visibilité tout le tour est correcte, pour un VUS intermédiaire, s’entend.
SR5, Trail et Limited
Le 4Runner se décline en trois versions : SR5, Trail et Limited. Cette dernière se veut, comme son nom l’indique, la plus luxueuse : système audio JBL, jauges rétroéclairées Optitron (partagées avec la Trail), sièges de cuir, troisième rangée de sièges (difficile d’accès et peu confortable, en passant) et climatiseur deux zones. La version Trail se distingue par son plateau de chargement qui peut soutenir jusqu’à 200 kilos. Toutes les variantes arrivent d’office avec huit coussins gonflables et le mode Party. Ce mode ne permet pas au conducteur de conduire avec une bière entre les jambes… Il s’agit plutôt d’haut-parleurs placés dans le hayon qui, une fois relevé, devient une petite discothèque.
Ouste le V8!
Côté mécanique, on a laissé tomber le V8 de 4,7 litres et le V6 de 4,0 litres passe à 270 chevaux et 278 livres-pied de couple. La transmission est une automatique à cinq rapports, ce qui détonne un peu dans un monde où les boîtes de vitesses affichent la plupart du temps six rapports, quelquefois sept. Même si je n’ai pas pu effectuer le traditionnel 0-100, je l’estime dans les 8,0 secondes, ce qui est très bien. Mais j’aurais été curieux de tirer une remorque (maximum 5 000 livres ou 2 268 kilos). J’ai bien l’impression que ce moteur aurait manqué un peu de jus. Peut-être qu’un rapport supplémentaire permettrait de mieux tirer profit du couple… D’un autre côté, comme on dit le dicton, rien ne remplace les pouces cubes!
Sur la route, on n’a pas vraiment l’impression de conduire un véhicule doté d’un châssis de camion. Le confort est relevé et les suspensions plutôt dures du modèle précédent sont maintenant plus conviviales. À l’avant, on retrouve une suspension indépendante à double bras triangulés, tandis qu’à l’arrière, il y a un essieu rigide avec barre Panhard et ressorts hélicoïdaux. Aux deux extrémités, les ingénieurs ont installé des barres stabilisatrices. Malgré tout, un changement de voie rapide amène un bon roulis. Heureusement, la direction répond généralement assez bien aux demandes même si elle transmet peu d’émotions. La transmission effectue ses changements de rapports au bon moment et permet au V6 de ne tourner qu’à 1800 tours/minute à 100 km/h et à 2 500 à 120.
La version Limited a droit au système X-REAS, un système d’amortissement relatif croisé qui réduit le roulis et le tangage et améliore la stabilité à vitesse de croisière. Cette suspension se distingue physiquement par ses amortisseurs rouges. Notons que le Limited roule sur des pneus de 20 pouces, aussi impressionnants que coûteux à remplacer. Les versions Trail et SR5 sont chaussées de pneus de 17 pouces.
Dans la boue et les roches
Lors de notre journée d’essai, Toyota avait prévu une sortie hors-route avec des FJ Cruiser et des 4Runner. Bien que le trajet choisi n’ait pas été extrêmement sévère, il permettait quand même de bien juger des capacités desdits véhicules. Capacités qui dépassent, et de loin, les besoins de 95% de la population. D’ailleurs, selon un ingénieur de Toyota, les propriétaires de 4Runner neufs ne les utilisent jamais dans de telles conditions. Cependant, il n’est pas rare de voir ces véhicules dans les « trails » lorsqu’ils sont âgés d’une dizaine d’années. Ce discours rejoint en tout point celui tenu, il y a quelques semaines, par un ingénieur de Land Rover cette fois.
Les différentes versions du Toyota 4Runner ne sont pas égales devant une montagne à franchir même si chacune présente des plaques de protection. La variante SR5 reçoit un rouage quatre roues motrices temporaire. En conduite normale, seules les roues arrière entraînent le véhicule. Il est possible, lorsque les conditions l’exigent, de rouler en mode H4 (quatre roues motrices) et L4 (quatre roues motrices en terrain difficile). Le modèle Limited jouit lui aussi d’un rouage à quatre roues motrices temporaires mais il est plus sophistiqué avec son différentiel Torsen.
La version Trail porte bien son nom!
Mais c’est surtout la version Trail, qui, comme son nom l’indique si bien, se régale devant un beau gros trou de bouette! Outre son rouage 4x4 à prise permanente et son différentiel arrière verrouillable, le 4Runner Trail jouit de plusieurs caractéristiques électroniques et mécaniques qui permettent d’impressionnantes virées dans les bois. Il y a tout d’abord le KDSS, un système de suspension cinétique dynamique (ouf!) qui ajuste les barres stabilisatrices en fonction d’une conduite en hors route. On note aussi la présence, au plafonnier, de deux gros boutons. Le régulateur de vitesse lente, à gauche, permet de grimper ou de descendre des pentes sans avoir à appuyer sur l’accélérateur ou le frein. En se servant du contrôle de la stabilité et des freins ABS, cet ingénieux système s’occupe de tout! Il faut juste que le conducteur ait le réflexe de ne pas toucher aux pédales! Juste à côté, il y a le bouton « Multi Terrain » qui ajuste tous les systèmes électroniques en fonction du niveau de terrain choisi (boue, sable, roches éparses (lousses en bon français), racines ou grosses roches. Ces deux boutons reprennent, en bonne partie, ce que Land Rover offre pour ses LR4 et Range Rover.
Bref, si nos véhicules avaient été équipés de pneus destinés à la conduite en hors route plutôt que de Yokohama Geolander visiblement allergiques à la boue, nous aurions pu nous amuser encore davantage. J’amène un autre bémol concernant l’emplacement des deux boutons rotatifs placés sur le pavillon (régulateur de vitesse lente et le Multi Terrain). Pour actionner ces boutons, il faut lever les yeux et la main droite vers le plafond, ce qui n’est pas très ergonomique. Surtout que quand on est rendu à les utiliser, c’est généralement parce que la situation s’en vient très corsée et que toute l’attention doit être portée sur la route ou plutôt sur l’absence de route.
Oui, mais…
Oui, le 4Runner 2010 est plus capable en hors route que jamais. Sa conduite sur la route est plus agréable qu’avant et son niveau de raffinement est à des lieux des premières générations. Mais se vendra-t-il? Alors qu’on peut toujours trouver une véritable utilité à l’immense Sequoia, le 4Runner laisse un peu plus perplexe. Certes, avec cette nouvelle mouture, il est devenu beaucoup plus intéressant que le Nissan Pathfinder mais le Ford Explorer demeure en avant à bien des points de vue. Heureusement pour lui, la seule mention du nom Toyota rehausse la valeur de revente!