Renault 4 Plein Air Terre des Hommes : on a conduit un morceau d'histoire!
Exposition estivale permanente faisant suite à l’inoubliable Expo 67, Terre des Hommes est inaugurée par Jean Drapeau le 17 mai 1968.
Deux jours auparavant, Renault présente officiellement un véhicule atypique, dont l’histoire va se mêler à celle des attractions qui peuplaient les îles Notre-Dame et Sainte-Hélène.
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Bien qu’elle ait été vendue chez nous, la Renault 4 n’a pas laissé un souvenir impérissable pour les Québécois. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, c’est tout le contraire! Voiture populaire qui fête ses 60 ans en 2021, elle conserve une place de choix dans l’imaginaire collectif, particulièrement en France. Qu’il s’agisse d’artisans, d’entreprises, de la poste, de la gendarmerie ou des pompiers, un grand nombre de corps de métiers ont fait appel à cette voiture au fil des années.
Mais aussi de nombreux particuliers qui ont utilisé la R4 pour sa praticité et sa polyvalence. Souvent surnommée abusivement « 4L », même si la voiture dont il est question n’arbore pas cette finition, l’auto a été produite de 1961 à 1992. Selon Renault, le décompte final s’élève à 8 135 424 unités!
Parmi tous les exemplaires construits, entre 553 et 663 voitures (les sources varient) ont été des Renault 4 Plein Air. Dans les années 60, plusieurs constructeurs développent des petits véhicules entièrement ouverts, que l’on appelle également « voitures de plage ». On peut penser notamment à la Mini Moke ou à la Citroën Méhari par exemple. Renault s’y lance en 1968, en même temps que Citroën, mais la faiblesse des ventes montre que cette R4 ouverte au grand air n’a pas rencontré le succès escompté.
De l’air!
Comme son nom l’indique, cette version Plein Air est basée sur la Renault 4. Si la partie avant demeure identique, le pare-brise abaissé, la découpe du toit, du hayon et des portes modifie profondément l’apparence de la voiture. Pour les jours de pluie, un toit souple repliable ainsi qu’une toile latérale agrémentée de plastique transparent (absente de notre modèle d’essai) permettent de se protéger des intempéries.
La modification des R4 n’était pas réalisée dans une usine Renault, mais chez Sinpar. Une entreprise qui était connue, entre autres, pour convertir des véhicules en les dotant d’un rouage 4x4, ce qui n’est pas le cas de la Plein Air qui demeure une traction.
On voit cette production conjointe aux deux plaques d’identification différentes apposées sous le capot, une pour Renault et une pour Sinpar.
Notre modèle d’essai portant le numéro 524, cette Renault 4 fait plutôt partie des dernières Plein Air produites. Si l’on en croit son certificat d’immatriculation québécois, cette voiture de Terre des Hommes est un modèle 1970, ce qui est logique puisque Renault a cessé la production la même année. De son côté, le constructeur français affirme avoir fourni une vingtaine de voitures à l’exposition, sans plus de précisions.
Précieusement gardée dans un entrepôt, la voiture que vous avez sous les yeux est la seule qui ait été conservée par la Société du parc Jean Drapeau. Affichant un peu plus de 15 000 km à l’odomètre, elle était utilisée pour transporter des gens ou du matériel lorsque Terre des Hommes était encore en activité. Restaurée il y a quelques années, elle n’a pratiquement pas été utilisée depuis sa remise à niveau.
Peu puissante, mais amusante
Après avoir replié rapidement le toit, on constate à quel point la sécurité était loin d’être une priorité à la fin des années 1960. Pas d’arceau de protection, pas de ceintures de sécurité et une petite chaîne en métal en guise de garde-fou latéral, mieux vaut ne pas croiser la route d’un Ford F-150 ou d’un Cadillac Escalade!
Le volant, à la jante très fine, est si grand que les mains et les cuisses se touchent à chaque manœuvre. Face au conducteur, un gros morceau de plastique beige fait office de tableau de bord. Ajoutez un compteur de vitesse, une jauge à essence, quatre voyants lumineux, un cendrier… et c’est à peu près tout. Il y a néanmoins une chaufferette, ainsi qu’un système de dégivrage qui se résume à deux rectangles de plastique à faire pivoter manuellement en direction du pare-brise.
Après avoir tiré sur la commande de l’étrangleur (aussi appelé le choke), le moteur démarre d’un tour de clé et se stabilise rapidement sur son régime de ralenti. L’échappement latéral, débouchant côté gauche, permet aux occupants de respirer les vapeurs d’essence à pleins poumons. Les systèmes de dépollution n’existaient pas encore et cela se sent!
La boîte manuelle, aux rapports inversés, demande un peu d’habitude. La commande, disposée à droite du volant, se manie différemment d’un levier logé sur le plancher. Pour passer la première, il faut tirer vers soi, pousser vers le tableau de bord pour la seconde et ainsi de suite jusqu’à la quatrième. Pour revenir au neutre, une marque circulaire usinée dans le levier permet de se repérer et d’éviter les calages intempestifs.
Première engagée, la R4 décolle en douceur, l’embrayage comme l’accélérateur faisant preuve d’une bonne progressivité. Les rapports passent facilement tandis que la vitesse grimpe lentement. Avec deux passagers à bord, la Plein Air n’a aucune peine à atteindre les 50 km/h. Mais il est peu probable qu’elle soit capable de dépasser les 100 km/h… Nous ne l’avons pas encore évoqué, mais le capot abrite un tout petit moteur. Il s’agit d’un 4 cylindres atmosphérique de 845 cc développant 30 chevaux et 43 lb-pi. Heureusement que le poids contenu de la voiture (un peu plus de 600 kg) l’aide un peu.
Délicieusement dépassée
Dotée d’une direction à crémaillère non assistée, la Renault 4 ne fait pas souffrir les avant-bras grâce à son poids contenu et ses petits pneus (135 mm de large). En revanche, son diamètre de braquage est étonnamment long pour un véhicule de cette taille. Dire que le train avant brille par sa précision serait mentir, mais c’est tout de même bien mieux qu’une grosse américaine vendue dans les années 60. On ne peut pas en dire autant du freinage, dont les quatre tambours ralentissent la voiture plus qu’autre chose. Il faut aussi veiller à ne pas accrocher l’accélérateur quand on freine, les deux pédales étant particulièrement rapprochées.
De leur côté, l’épaisse banquette ainsi que les suspensions (indépendantes s’il vous plaît!) travaillent de concert pour ménager un bon confort aux occupants. Les routes du parc Jean Drapeau sont globalement bien revêtues, mais les quelques creux et bosses abordés avec la voiture ne laissent planer aucun doute concernant la douceur de roulement que procure la R4.
Grâce à l’absence de portières et de toit, la visibilité est panoramique. Cette carrosserie totalement ouverte devait aussi être très pratique pour transporter des personnes ou du matériel entre les pavillons de Terre des Hommes. Si le pare-brise ne diminuait pas la visibilité des conducteurs mesurant entre 5,8 et 6 pieds, ce serait parfait! Par ailleurs, la voiture devait être plaisante durant les mois d’été, avec l’air ambiant apportant de la fraîcheur. Avec 6° et un ciel voilé le jour de notre essai, c’est plutôt une meilleure chaufferette (à l’efficacité toute relative) que nous aurions aimé avoir!
Lancés pour quelques tours du circuit Gilles Villeneuve, nous n’avons pas arrêté de sourire au volant de cette voiture devenue anachronique dans la circulation actuelle. Grâce à sa conduite amusante et délicieusement datée bien sûr, mais aussi par l’émotion procurée par la conduite de ce morceau d’histoire, en empruntant les mêmes routes qu’elle arpentait sans relâche 50 ans plus tôt.
Un grand merci à Daniel Durocher, Kaven Gauthier, Jean-Sébastien Bisson ainsi qu’à toute l’équipe du parc Jean Drapeau pour leur aide précieuse dans la réalisation de cet essai routier pas comme les autres.