Infiniti : une relance qui prend du temps
Au Canada, quelque 37 concessions Infiniti se partageaient en 2020 la vente 5 783 véhicules neufs, pour une moyenne de 156 véhicules par concession. Puis, pour les six premiers mois de 2021, 3 191 unités, pour une moyenne de 86 par concession. Des chiffres pour le moins alarmants, et qui effraient certainement les propriétaires de ces commerces où on peut trop souvent entendre une mouche voler.
À la suite d’une entrevue accordée à Automotive News par Steve Rhind, président d’Infiniti Canada, on apprenait cette semaine que certains propriétaires de concessionnaires pourraient jumeler leurs activités avec celles d’une concession Nissan. À la condition bien sûr que ledit propriétaire ait également dans son portfolio une telle bannière. Or, une certaine désinformation tirée de cette entrevue aurait ensuite circulé, laissant présager qu’on autoriserait l’élimination des concessions Infiniti pour simplement déposer des véhicules de cette marque chez Nissan. « Un énoncé totalement faux » nous mentionnait Didier Marsaud, directeur des relations publiques de la marque, qui a tenu à faire le point à ce sujet.
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En réalité, déjà près de 25% des concessionnaires canadiens d’Infiniti sont actuellement jumelées à des concessions Nissan, avec lesquelles on partage les départements de pièces, de service et parfois, de carrosserie. Or, il n’existe aucune salle d’exposition jumelée comme on peut par exemple retrouver chez Chevrolet/Cadillac ou Ford/Lincoln. Infiniti souhaite conserver une image bien distincte de celle de Nissan, ce pour quoi un mur non vitré divisant les deux salles d’exposition demeure obligatoire. Autrement dit, pas question de pouvoir circuler dans une aire où se mélangent les produits des deux marques.
M. Rhind aurait donc suggéré aux propriétaires de concessions Nissan et Infiniti la possibilité de jumeler dans une même bâtisse, bien que scindée, les ventes de ces deux marques. Cela permet bien sûr de diminuer considérablement les coûts d’exploitation d’un commerce qui n’aurait plus à supporter l’hypothèque ou la location de bâtisses distinctes, afin que ceux-ci puissent retrouver une certaine rentabilité.
On ajoute également que depuis le début de la COVID-19, la façon de vendre des véhicules Infiniti a considérablement changé. On propose désormais et plus que jamais un service à domicile, autant pour les ventes que pour l’entretien, diminuant ainsi le trafic physique à l’intérieur des concessions. Une autre raison pour laquelle la division canadienne du constructeur suggère l’adoption d’une salle d’exposition jumelée, devant toutefois se conformer à l’image de marque.
Où s’en va Infiniti?
Deux raisons expliquent le piètre succès d’Infiniti au cours des dernières années. D’abord, l’image de marque sur laquelle les stratèges n’ont que trop peu travaillé, mais aussi les produits, qui n’ont pas su évoluer dans la bonne direction. Par exemple, le QX50 transformé en un VUS compact plus luxueux, mais loin d’être aussi enivrant que ses proches rivaux (Audi Q5, Acura RDX), ou encore la gamme Q50/Q60, depuis trop longtemps inchangée, et aujourd’hui affectée par très forte dépréciation.
À titre de comparaison, Infiniti écoulait sept fois moins de véhicules en 2020 que Mercedes-Benz, cinq fois moins qu’Audi et BMW, trois fois moins qu’Acura et deux fois moins que Cadillac. Il faut également se rappeler qu’Infiniti a aussi dû déclarer forfait, quittant récemment le marché européen, parce que cette clientèle ne voyait pas l’intérêt de se procurer des véhicules Nissan à peine retravaillés (Q50 vs Nissan Skyline).
D’ici quelques mois, Infiniti débarquera heureusement avec une nouvelle génération de son QX60 qui devrait selon toute vraisemblance permettre à la marque de pratiquement doubler son volume de vente. Un produit bien ciblé, bien sûr dérivé du Nissan Pathfinder, mais arborant une ligne lui étant bien distincte. Maintenant, est-ce que la clientèle se le procurera y voyant une excellente valeur, ou en raison de l’expérience que leur propose la marque? Parce qu’on le sait, dans le monde du luxe, le produit ne fait pas foi de tout. Il faut aussi que l’expérience globale soit distinctive et surtout plus impressionnante que celle qu’on pourrait vivre du côté de Nissan. Et il est là, le gros problème d’Infiniti.
Travailler sur les produits est donc nécessaire, mais redorer le blason d’une marque qui pour l’acheteur moyen n’a pas plus de signification que Buick ou Chrysler l’est encore plus. Cette tâche doit bien sûr s’accomplir en concession, mais d’abord du côté du bureau national qui pendant trop longtemps, engorgeait les cours des concessionnaires avec un trop grand nombre d’unités. Ces derniers étaient donc conséquemment forcés de faire du volume en proposant de gros rabais, affectant ainsi l’image de prestige qu’on aurait voulu y associer.
Il sera donc intéressant d’observer les stratégies de marketing de cette division de luxe de Nissan, qui doit désormais redoubler d’efforts pour ne pas se faire damer le pion par de nouvelles marques comme Genesis. Sans quoi, on pourrait se retrouver dans une situation similaire à celle de Jaguar, ce qu’on ne souhaite certainement pas…