Porsche 911 Turbo 2010, un fauve remarquablement civilisé
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Le lancement d’une nouvelle 911 Turbo c’est toujours un événement, depuis le dévoilement de la toute première au Mondial de Paris en 1974. Ce nouveau modèle 2010 marque d’ailleurs la 7e génération de la 911 Turbo. Mais puisque la coque et les dimensions de base de cette nouvelle venue n’ont pas changé, Porsche ne lui a pas attribué de nouveau code, la présentant plutôt comme la deuxième génération du type 997 qui a fait ses débuts en 2006.
Il est vrai que de l’extérieur, les différences sont tellement minimes qu’on a peine à différencier le modèle 2010 du précédent, qu’il s’agisse du Coupé ou du Cabriolet qui seront offerts simultanément. Des phares de jour à diodes (DEL) remplacent les phares d’appoint conventionnels et les lamelles horizontales des prises d’air latérales à l’avant sont maintenant de couleur ‘titane’. La nouvelle Turbo profite également, pour la première fois, de phares au xénon qui pivotent jusqu’à 15 degrés vers l’intérieur d’un virage. Et à l’arrière on retrouve l’aileron typique des Turbo mais aussi de nouveaux feux à DEL et des embouts d’échappement plus gros.
Les retouches sont également rares et légères à l’intérieur. La plus importante est certainement la disponibilité d’un nouveau volant Sport optionnel qu’on peut équiper de grandes manettes d’aluminium installées derrière la jante. Elles remplacent les boutons qui sont montés sur le volant de série pour passer les rapports du bout des doigts quand on opte pour la boîte automatique.
Premier moteur tout neuf en 35 ans
Dans le cas de la nouvelle 911 Turbo, il s’agit désormais d’une version renforcée de la boîte PDK à 7 rapports et double embrayage automatisé apparue l’an dernier sur les autres versions de la 911. Cette première grande nouveauté mécanique est plus efficace et plus légère que l’ancienne Tiptronic S. Également plus compacte, elle a permis aux ingénieurs de doter la Turbo d’un berceau de suspension arrière en aluminium plus léger. Porsche s’attend à ce qu’environ 80 % des Turbo soient vendues avec la boîte PDK et le reste avec la boîte manuelle à 6 rapports de série qui a été renforcée elle aussi.
Toutefois, le changement le plus important sur cette nouvelle 911 Turbo est assurément son premier moteur entièrement nouveau en 35 ans. Il s’agit toujours d’un six cylindres à plat, bien entendu, mais sa cylindrée passe de 3,6 à 3,8 litres et il profite pour la première fois d’une alimentation par injection directe et de la lubrification par carter sec avec pompe intégrée, sans réservoir séparé. Les turbocompresseurs à géométrie variable, apparus sur la première Turbo de type 997, reçoivent une turbine d’impulsion plus grande. Tout ça a permis de réduire la consommation de la Turbo de 16 % avec la boîte PDK et ses émissions de gaz carbonique de 18 % avec la PDK et de 11 % avec la manuelle.
La puissance de ce moteur à la fois plus compact et plus léger passe de 480 à 500 chevaux à 6 000 tr/min et son couple maxi est 479 lb-pi de 1 900 à 5 000 tr/min, soit 22 lb/pi de mieux. Le couple grimpe également à 516 lb-pi de 2 100 à 4 000 tr/min pendant dix secondes en pleine accélération, une des facettes groupe Sport Chrono Turbo qui est heureusement inclus de série chez nous. Ce mode ‘surpression’ peut se répéter à volonté en levant le pied droit et en l’enfonçant à nouveau.
Performances stupéfiantes, vérifiées
Ces gains sont modestes sur papier mais leur effet est spectaculaire quand on les combine à la boîte PDK et à son mode ‘départ-canon’ (ou launch control), une autre nouveauté. Le mode d’emploi est archi-simple, contrairement à certaines rivales. Il suffit de pousser sur le bouton Sport Plus, de placer le pied gauche sur la pédale de frein et d’enfoncer l’accélérateur au plancher. Le régime bondit instantanément à 5 000 tr/min et aussitôt que les mots Launch Control s’allument sur le volant, on relâche le frein et la Turbo s’élance avec juste ce qu’il faut de patinage des pneus et des disques d’embrayage, sous le contrôle serré des ordinateurs de bord.
Des chiffres? Lors du lancement de la 911 Turbo, j’ai mesuré l’accélération avec mon appareil VBox sur la ligne droite du circuit d’Estoril au Portugal. Mon seul essai, à bord d’une Turbo coupé, a produit un chrono 0-100 km/h de 3,32 secondes. Le quart-de-mille a défilé en 11,28 secondes avec une pointe de 204,1 km/h. C’est nettement mieux que la plus rapide jusqu’à ce jour dans ma collection, une 911 Turbo 2007 à boîte manuelle qui avait inscrit des chronos de 3,55 secondes et 11,75 secondes et une pointe de 199,9 km/h dans les mêmes tests.
Le groupe Sport Chrono se nomme ainsi à cause du chronomètre analogique joli et complètement inutile qui l’accompagne sur le tableau de bord mais comporte aussi une version des supports de moteur à ‘fermeté variable’ d’abord apparus sur la nouvelle 911 GT3. Grâce à un fluide saturé de particules métalliques dont on fait varier la viscosité par un champ magnétique, les supports sont souples pour plus de confort et de douceur à vitesse constante et plus raides pour favoriser le contrôle et la stabilité en courbe rapide et en freinage intense.
Une attention égale au comportement
Pour freiner, la 911 Turbo compte sur quatre disques de 350 mm pincés par des étriers à six pistons à l’avant et quatre à l’arrière. Les rotors des freins en céramique optionnels font 380 mm de diamètre à l’avant et 350 mm à l’arrière et ils pèsent environ 18 kg de moins en tout. Les roues de série sont des jantes d’alliage à deux tons de 19 pouces. On peut aussi opter pour des jantes de même diamètre, inspirées de celles des barquettes de course RS Spyder et d’ailleurs fixées par un seul gros écrou central.
En plus de versions mises à jour de l’antipatinage PTM et de l’antidérapage PSM la nouvelle Turbo peut être équipée du système PTV, pour Porsche Torque Vectoring. Ce système électronique applique le frein sur la roue intérieure arrière pour forcer un transfert de couple vers la roue extérieure et censément réduire le sous-virage. L’ingénieur Markus Hofbauer raconte que Porsche a développé un système de transfert de couple mécanique comme celui qu’utilisent certaines rivales mais qu’il s’est révélé trop lourd et encombrant pour la 911. La nouvelle Turbo à boîte PDK est d’ailleurs plus légère que l’ancienne Tiptronic S de 25 kg.
En plus de tests d’accélération époustouflants, nous avons pu conduire la nouvelle Turbo sur les routes portugaises et boucler quelques dizaines de tours ‘interrompus’ du circuit Estoril, amputé de sa longue ligne droite. Sur la route, la nouvelle Turbo est plus raffinée, équilibrée et souple que jamais. Porsche est le maître incontesté de la direction et celle de la Turbo est tout à fait digne de cette réputation, affichant une finesse et des qualités tactiles sans reproche. Quel délice. Bien aimé aussi les sièges sport ultralégers dont la coque est en fibre de carbone. Il n’est pas tellement facile de s’y glisser ou de s’en extraire, avec leurs flancs escarpés, mais ils offrent un maintien fantastique et sont d’un confort très correct pour le genre.
Le roulement de la Turbo nouvelle est toujours relativement ferme mais impeccablement maîtrisé, quelle que soit la chaussée. L’ingénieur Hofbauer souligne modestement l’apport des plus récents pneus Bridgestone. Il confirme toutefois aussitôt que son équipe a trimé dur pour adoucir le roulement après avoir changé les quatre amortisseurs et raffermi les ressorts à l’arrière. Les supports de moteur à fermeté variable ont certes aussi leur part de mérite. Malgré ses performances hallucinantes, la 911 Turbo est parfaitement à l’aise, agréable et docile sur la route, aussi étroite, sinueuse et tortueuse qu’elle soit. Elle demeure remarquablement compacte et offre une visibilité incomparable en version coupé. Aucune autre sportive ou exotique ne fait mieux.
Moins convaincante sur le circuit d’Estoril
Sur le circuit d’Estoril, nous avons d’abord bouclé quelques tours de familiarisation au volant d’une Cabriolet dont la boîte manuelle précise, robuste et rapide continuera de plaire aux puristes. Chaque journaliste a ensuite eu droit, comme passager, à deux tours rapides offerts par les pilotes d’usine Emmanuel Collard et Romain Dumas. Ce dernier a placé la Turbo sur de grandes dérives façon drifting qui semblaient faciles à maintenir, possiblement grâce aux retouches apportées au rouage intégral du nouveau modèle pour favoriser des transferts de couple plus progressifs. Il devait toutefois ‘lancer’ le coupé énergiquement pour le faire pivoter en entrée de virage, comme en rallye. Collard et Dumas avaient d’ailleurs profité des conseils du légendaire Walter Röhrl, double Champion du monde des rallyes et pilote d’essai attitré pour Porsche, qui était à Estoril pour piloter quelques Porsche historiques.
Nous avons par la suite enfilé quelques dizaines de tours, toujours à la queue-leu-leu derrière un instructeur et toujours avec l’antidérapage PSM en fonction. J’en conclus que la nouvelle 911 Turbo est incontestablement rapide sur un circuit, avec toute cette puissance d’accélération et de freinage, mais pas tellement agile et joueuse. Du moins pas avec le PSM, même s’il autorise un peu plus de dérive qu’auparavant. Son sous-virage à la limite s’accentue si on met les gaz et le système ‘Porsche Vectoring System’ ne semble pas y faire grand-chose dans de telles conditions.
Pour rouler sur un circuit, les mordus font sans doute mieux de se tourner vers la nouvelle GT3 ou même la GT3 RS dont le prix de base est quasi-identique à celui de la Turbo. Cette dernière est plutôt impériale dans le rôle de la grande sportive aux performances d’exception qui se double d’une grand-tourisme hors-pair, pourvu qu’on ait l’habitude de voyager assez léger côté bagage. La Audi R8 occupait le sommet de cette liste dans mon esprit depuis un moment mais avec les chiffres et les impressions que je ramène de ce bref lancement portugais, ce grand classique qu’est la 911 Turbo la tasse gentiment du coude pour partager le même espace. Un duel fascinant en perspective.