Le dernier chapitre de la voiture sous-compacte
L’Asie, l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Europe sont encore friands de voitures sous-compactes. Parce qu’elles sont pratiques, accessibles, frugales et donc peu taxées, et parce qu’elles se faufilent plus facilement dans les grands centres. Or, les Nord-Américains sont aujourd’hui l’exception. Ceux-ci la délaissent massivement en raison d’un contexte économique et environnemental différent.
Il n’y a donc chez nous aucun avantage fiscal de se procurer un véhicule que ne consomme que 6 L/100 km, par rapport à un autre qui en consommerait le double. Puis, parce que les nord-américains ont toujours eu l’impression que bigger is better, les plus petites ont de moins en moins la cote.
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Soulignons également le désintérêt des constructeurs à offrir chez nous des voitures à bas prix, dans la mesure où la facilité de financement sur notre marché ainsi que la profitabilité difficile sur les petits véhicules les incitent à constamment niveler vers le haut. Ne soyez donc pas étonnés si les Dodge Dart, Chevrolet Sonic, Ford Fiesta et Fiat 500 sont toutes disparues, ne laissant comme seule survivante nord-américaine la Chevrolet Spark, dont l’avenir est incertain.
Quatre survivantes
En plus de la Spark, on ne compte que trois autres sous-compactes survivantes disponibles au Canada en 2021 : la Kia Rio, la Mitsubishi Mirage et la Nissan Versa.
Toutes des voitures vendues au compte-gouttes et qui vivent clairement sur du temps emprunté. Dommage, puisque ce genre de voitures peut convenir aux besoins de beaucoup d’automobilistes et de petites entreprises. Hélas, il n’est pas si loin le jour où les rôtisseries livreront leur poulet en Nissan Kicks !
Maintenant, est-ce que la clientèle se désintéresse vraiment de la voiture sous-compacte ou est-ce que l’industrie fait exprès pour s’en défaire? Certes, peu de gens sont attirés par une vieillissante Mitsubishi Mirage qui n’est aucunement compétitive. Or, la Kia Rio et même la Chevrolet Spark sont pour moi des voitures convaincantes qui ont encore leur place sur le marché.
Quelques chiffres
Le problème, c’est qu’on décourage massivement la location des voitures par peur de les voir revenir. Par peur que ces voitures soient un jour difficiles à revendre à prix intéressant. De ce fait, on abaisse les valeurs résiduelles, faisant ainsi grimper le paiement mensuel au niveau de celui d’une voiture de taille supérieure. Par exemple, vous débourserez ce mois-ci exactement le même montant, au dollar près, pour une Nissan Versa S 2021 que pour une Sentra S 2021. Même constructeur, même mensualité de location, pour une voiture pourtant vendue à 2 800 $ de plus. Inutile de vous dire qu’à prix égal, personne ne repartira en Versa…
À quelques dollars près, le même problème se produit chez Kia, qui vous propose une Rio à hayon pour environ 25 $ de moins mensuellement que pour une Forte. Maintenant, parce que la distinction entre les deux produits est plus grande, la Rio a ici plus de chances de succès. Et bien sûr, il s’agit de la sous-compacte la plus populaire du marché, bien que cela ne signifie aujourd’hui plus grand-chose.
Quant à la Mitsubishi Mirage, sachez qu’une version de base à boîte manuelle, dépourvue de verrouillage électrique, de vitres électriques arrière et chaussée de minuscules pneus de 14 pouces vous coûtera en location sur quatre ans, le même montant mensuel qu’une Nissan Sentra. Une somme de 230 $ plus taxes, pour un véhicule coûtant ironiquement 5 500 $ de plus. Tout cela, parce que la valeur résiduelle de la Mitsubishi est 10% plus basse en proportion que celle de la Sentra.
Maintenant, est-ce la Sentra constitue une aubaine ou est-ce la Mirage qui est trop chère. On pourrait sans doute affirmer que ces deux réponses sont valables.
Or, l’erreur réside selon moi dans une dépréciation anticipée trop fortement prononcée des voitures sous-compactes. À preuve, il suffit de constater le prix actuel d’une Hyundai Accent ou d’une Toyota Yaris âgées de trois ou quatre ans. Des sommes à peine plus basses que le prix initial demandé lorsque celles-ci étaient neuves.
Cependant, parce qu’il n’y a chez nous plus d’argent à faire avec ce genre de véhicule, les constructeurs comme l’industrie responsable d’établir les valeurs amplifient volontairement leur dépréciation. Une façon subtile de les rendre inintéressantes, afin de les anéantir définitivement.