Peut-on consulter un téléphone cellulaire au volant si on ne l'a pas en main?
Est-ce que consulter le GPS d’un téléphone cellulaire alors que celui-ci est tenu en main par un passager peut être considéré comme une distraction au volant? Auriez-vous la même opinion si le conducteur avait une conversation téléphonique alors que le téléphone cellulaire est tenu en main par le même passager?
À cet effet, une décision récente est venue clarifier ce type de situation dans l’affaire « DPCP c. Picard 2020, QCCQ, 8409 », en date du 10 décembre 2020.
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Dans cette affaire, les policiers interceptent le véhicule de monsieur Picard pour lui remettre une contravention de cellulaire au volant. Ce dernier était accompagné de sa conjointe, passagère.
En poursuite, la police prétend que le défendeur tenait en main son cellulaire, et l’utilisait en mode mains libres. Le policier prétend que l’appel se poursuit au moment de l’interception.
En défense, monsieur Picard prétend plutôt que c’est sa passagère qui tenait le téléphone en main, car cette dernière décide d’appeler le répartiteur à leur travail, pour obtenir des indications sur l’adresse qu’ils cherchent. De manière simultanée, la passagère utilise un signal GPS pour montrer au conducteur le chemin à emprunter.
Le défendeur nie avoir tenu en main le téléphone cellulaire, mais admet l’usage fait par la passagère.
Il s’agit donc de deux versions contradictoires entre la police et le défendeur.
Tout d’abord, pour votre bonne compréhension, voici un rappel de l’article de loi en question :
« Art. 443.1 Il est interdit à tout conducteur d’un véhicule routier et à tout cycliste de faire usage d’un téléphone cellulaire ou de tout autre appareil portatif conçu pour transmettre ou recevoir des informations ou pour être utilisé à des fins de divertissement, ou de faire usage d’un écran d’affichage, sauf dans les cas suivants :
1° le conducteur du véhicule routier utilise un dispositif mains libres;
2° le conducteur du véhicule routier ou le cycliste consulte l’information affichée sur un écran d’affichage, y compris celui d’un appareil portatif, ou actionne une commande de l’écran alors que celui-ci satisfait à l’ensemble des conditions suivantes :
a) il affiche uniquement des informations pertinentes pour la conduite du véhicule ou liées au fonctionnement de ses équipements usuels;
b) il est intégré au véhicule ou installé sur un support, amovible ou non, fixé sur le véhicule;
c) il est placé de façon à ne pas obstruer la vue du conducteur du véhicule routier ou du cycliste, nuire à ses manœuvres, empêcher le fonctionnement d’un équipement ou en réduire l’efficacité et de manière à ne pas constituer un risque de lésion en cas d’accident;
d) il est positionné et conçu de façon à ce que le conducteur du véhicule routier ou le cycliste puisse le faire fonctionner et le consulter aisément.
Pour l’application du premier alinéa, le conducteur du véhicule routier ou le cycliste qui tient en main, ou de toute autre manière, un appareil portatif est présumé en faire usage.
Le gouvernement peut, par règlement, préciser les modalités d’application du présent article, notamment définir le sens de certaines expressions. Il peut également prévoir d’autres exceptions aux interdictions qui y sont prévues ainsi que d’autres normes applicables aux écrans d’affichage. »
Donc, suite à la preuve présentée par la poursuite, et le témoignage du défendeur, le tribunal, pour trancher, a dû répondre à 3 questions en litige :
Source : « DPCP c. Picard, 2020, QCCQ, 8409, par. 7 » :
- Est-ce qu’un conducteur a des obligations au Code de la sécurité routière concernant les distractions au volant, alors qu’un passager tient en main le téléphone cellulaire sur la fonction « haut-parleur » lors d’une conversation téléphonique?
- Est-ce qu’un conducteur a des obligations au Code de la sécurité routière concernant les distractions au volant, alors qu’un passager tient en main le téléphone cellulaire lors de l’utilisation d’un GPS ou d’une fonction de géolocalisation?
- Est-ce que la défense soulève un doute raisonnable relativement à un élément essentiel de l’infraction dans le contexte d’une utilisation d’un téléphone cellulaire opéré et tenu en main par un passager au bénéfice d’un conducteur? »
Pour réussir à trancher, le juge a dû se poser, entre autres, les questions suivantes : qui tenait en main l’appareil? Qui manipulait les fonctions cellulaires? Les limitations d’usages s’adressent-elles uniquement au conducteur ou incluent-elles le passager? Qui parlait au téléphone? Le dispositif mains libres, tel que décrit dans la loi, inclut-il la fonction « haut-parleur »?
Il ressort de la version du défendeur, retenue par la Cour, que le téléphone était tenu en main par la passagère, que c’est elle qui parlait au répartiteur, et que c’est elle qui en manipulait les fonctions « haut-parleur » et « GPS ». Il est également clair, à la lecture de l’article 443.1 du Code de la sécurité routière, que ledit article s’adresse au conducteur d’un véhicule routier ou d’un cycliste, et non à un passager. Il est aussi clair que le dispositif « mains libres » inclut la fonction « haut-parleur ».
Dans ce contexte, le tribunal a conclu que la réponse aux deux premières questions en litige était « non ». Et en répondant ainsi, il tranchait aussi le sort de la troisième question, un doute raisonnable ayant été levé!
Conclusion
Il existe encore plusieurs situations potentielles susceptibles de faire l’objet de décisions devant les tribunaux en ce qui a trait aux infractions de distractions au volant.
En tant qu’automobiliste, vous devez mettre toutes les chances de votre côté en évitant les situations ambiguës, quant à l’utilisation de la technologie dans vos véhicules respectifs. Vous devez entrer une adresse dans le GPS avant de partir, pour ainsi éviter de toucher inutilement à votre écran, et créer de la confusion. Vous devez également mettre votre cellulaire sur un support fixe dans votre voiture, de manière à ce que vous puissiez le voir sans affecter votre vision en conduite.
Je vous suggère de bien lire l’article 443.1 ci-haut, pour être certain de respecter la loi, et ainsi éviter de vous retrouver devant les tribunaux. Concentrez-vous sur votre conduite automobile, tout en utilisant à bon escient la technologie offerte dans vos véhicules.
Soyez prudent sur les routes et en cas de besoin, n’hésitez pas à me consulter pour tous problèmes relatifs au Code de la sécurité routière ou au Code criminel.
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Pour toutes questions, n’hésitez pas à consulter notre expert Me Éric Lamontagne au 514 578-2982 ou via le site web Contraventionexperts.ca.