Électromobiliste... ou anxiomobiliste
Avec l’hiver maintenant bien installé, l’autonomie des voitures électriques en prend pour son rhume. Une Volkswagen e-Golf habituellement capable de parcourir 200 kilomètres sur une seule charge voit par exemple son autonomie baisser à environ 130 kilomètres, alors qu’une Chevrolet Bolt EV passe grosso modo de 400 à 250.
Évidemment, la plupart des gens qui ont choisi de faire le saut vers l’électromobilité l’ont appris à leurs dépens. Surtout s’ils ont fait l’achat de leur voiture durant la saison chaude, pour ensuite réaliser que leurs habitudes de recharge ou même, de déplacement, devaient être modifiées.
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Rien d’alarmant, sauf si bien sûr, l’autonomie réduite ne convient plus à vos besoins. Cela dit, parce que les voitures sont à ce chapitre de plus en plus performantes, et que les acheteurs sont aujourd’hui mieux renseignés lorsqu’ils choisissent de faire le saut, les mauvaises surprises ne surviennent que rarement.
Tous vous le diront : pour posséder, rentabiliser et bien exploiter une voiture électrique, il est primordial d’avoir une borne de recharge à domicile. Sans quoi, la gestion de recharge est non seulement complexe, mais aussi coûteuse, puisque les frais associés à la recharge sur des bornes publiques sont nettement plus élevés. Voilà d’ailleurs pourquoi il est important de briser le mythe voulant qu’une voiture électrique soit d’abord considérée comme citadine, puisque rares sont les gens qui, en ville et dans un contexte de vie en appartement ou en condo, peuvent installer une borne personnelle.
Ayant installé une borne de recharge à domicile, je suis à même de pouvoir tester et mettre à l’essai une panoplie de véhicules électriques chaque année. Cela me rappelle d’ailleurs qu’il me faut remonter près de dix ans en arrière pour me remémorer l’essai de la première voiture électrique commercialisée chez nous, la Nissan Leaf.
De Nissan à Tesla
Il y a quelques semaines, on me confiait l’essai d’une Tesla Model S. Une voiture qui roule sa bosse depuis déjà plusieurs années, mais qui a vu ses performances comme son autonomie grimper sans cesse au fil du temps.
Cette année, Tesla annonce avec son Model Long Range une autonomie de 647 kilomètres. Un chiffre certes optimiste, mais tout de même très loin de ce que proposait la première Nissan Leaf (autour de 110 km).
Après une journée d’essai, et parce que la voiture n’était pas pleinement chargée lors de la prise de possession, je me suis retrouvé à la maison avec une autonomie restante d’à peine 81 kilomètres. Or, c’est en tentant une recharge à domicile qu’un problème est survenu. En effet, on ne m’avait pas fourni l’adaptateur me permettant de recharger la voiture chez moi ou sur une borne publique, la prise de Tesla étant unique à ce modèle. Comme seule solution, il me restait donc la possibilité d’une interminable recharge sur le 120 V ou sur une borne Supercharger de Tesla, la plus proche de chez moi se situant à quelque 21 kilomètres!
Me remémorant toutefois qu’il me fallait le lendemain me rendre par affaire au mont Saint-Bruno (situé à 59 kilomètres de mon domicile), je me suis dit que je pourrais ensuite faire un détour par le quartier DIX30 où se trouve une douzaine de bornes de recharge Tesla. J’ai donc branché la voiture toute la nuit sur le 120 V avant de partir à l’aube. À mon départ, j’avais gagné 40 kilomètres, pour une très confortable autonomie totale affichée de 121 kilomètres.
Le froid se met de la partie
Hélas, j’avais omis dans mon calcul de considérer la température extérieure qui, au petit matin, était de -12 degrés. Cela a eu pour effet de faire rapidement chuter l’autonomie : rendu au mont Saint-Bruno, il ne me restait plus que 22 kilomètres. En effectuant le calcul, j’ai pu constater que les bornes de Tesla étaient situées à 18 kilomètres. Et bien sûr, au cours de mon trajet, la voiture elle-même m’avait indiqué son désir d’alimentation, me proposant un itinéraire pour me rendre directement à cette même station de recharge.
Inquiet, pour ne pas dire nerveux, j’allais donc tenter le coup. Celui de me rendre à la station, parce que je n’avais de toute façon pas d’autre choix. Je me remémorais alors ce type, non loin de chez moi qui, quelques semaines auparavant, avait dû appeler la remorqueuse parce qu’il avait très légèrement surestimé les capacités de son nouveau Audi e-tron flambant neuf ! Il ne lui manquait que 3 kilomètres pour atteindre la maison, ce qui lui a valu l’attente du service d’assistance routière.
Au départ du mont Saint-Bruno, la Model S me suggère d’emblée de rouler à une vitesse inférieure à 80 km/h, sans quoi je pourrais tomber en panne.
Or, il me faut emprunter l’autoroute 30, qui constitue le chemin le plus rapide. Je roulerai donc au maximum à 91-92 km/h, optimisant la puissance dans chaque exercice, comme si un œuf se trouvait sous la pédale. Mais voilà, rendu à 2 kilomètres de la destination, il ne me restait plus qu’un seul kilomètre d’autonomie. Et à l’écran, un vide complet sur le graphique illustrant la batterie. Pire encore, à 600 mètres de la destination, la voiture m’indique qu’il me faut recharger pour m’y rendre! « Ça y est, je suis foutu », me suis-je dit. Mais il me fallait néanmoins tenter ma chance.
J’ai pu finalement me rendre sur place, et recharger la voiture à partir de zéro. Parce qu’en effet, le compteur indiquait un gros 0 comme autonomie restante.
Nerveux, vous dites? Oui, je l’étais. Mais bien heureux de savoir qu’à peine une heure plus tard, je pourrais repartir avec une batterie pleine, pour une autonomie réelle d’au moins 350-400 kilomètres.
Cela dit, l’électromobiliste que j’étais s’était momentanément transformé en anxiomobiliste…