Le monde de Volkswagen - La manufacture en verre de Dresde

Parfois on peut se demander ce qu'il y avait dans l'eau, ou dans l'air  de la ville allemande de Wolfsburg entre les années 1995 et 2000 alors que de toutes sortes de projets ont émanés de la direction du numéro un européen. Après avoir établi et développé le concept de la ville de l'automobile, Autostadt, le grand patron de la société à l'époque, le Dr Ferdinand Piech, a eu une autre idée hors du commun. En effet, puisque des compagnies comme Mercedes-Benz, autrefois spécialisée dans les grosses berlines de luxe, venaient dorénavant jouer dans les plates-bandes de Volkswagen avec des voitures compactes et des sous compactes, le Dr. Piech a alors décidé que le temps était venu pour Volkswagen de produire une voiture de grand luxe. Le projet de la Phaéton était amorcé. Mais ce projet était plus qu'une berline de grand luxe, c'était également un projet pour construire une usine hors du commun pour assembler une voiture hors normes, du moins selon la volonté du Dr Piech.

Il est généralement facile pour tout grand constructeur mondial de développer une voiture de nos jours. Avec la compétence des ingénieurs, la puissance des ordinateurs modernes et le raffinement des fournisseurs, tout constructeur est en mesure de produire quelque chose de bien. Et compte tenu du nombre  d'ingénieurs à la disposition du grand patron, développer une Phaeton n'était pas un grand problème. C'était davantage un coup d'éclat puisque le constructeur de la voiture du peuple se tournait vers les riches avec une voiture d'exception.
Qui dit exception, dit hors de l'ordinaire et il fallait naturellement que l'usine servant à produire cette berline soit vraiment unique en son genre. Si on a choisi Dresde, c'est simplement parce que cette ville était déjà bien implantée dans l'infrastructure de Volkswagen et que plusieurs fournisseurs de qualité étaient en  sa périphérie. Mais je suis persuadé que c'était un symbole du retour en force de l'Allemagne. Si vous n'êtes pas férus d'histoire, sachez que cette ville, autrefois appelé la Florence de l'Allemagne, a été complètement détruite à l'hiver 1945 par un bombardement d'une incroyable violence. Les bombes incendiaires utilisées enflammaient littéralement l'air  et des dizaines de milliers de personnes ont perdu la vie dans cet enfer de souffre et de flammes. Pour plusieurs, le bombardement de Dresde est quasiment l'équivalent des destructions par la bombe atomique des villes d'Hiroshima et Nagasaki en août 1945.

La ville a été reconstruite, son université est florissante et le projet du Dr Piech permettait alors de concilier la production à petite échelle d'une voiture raffinée dans un environnement exceptionnel. L'usine de verre e Dresde était née.
En effet puisqu'elle cette usine a été construite tout près d'un jardin botanique et de plusieurs bâtiments universitaires, les autorités de la ville ont exigé vite que le bâtiment  soit non seulement esthétique, mais on ne devait pas y souder, estamper et ou faire beaucoup de bruit. C'est donc l'assemblage final de la voiture qui est réalisé dans ses murs qui sont tous en verre, d'où le nom que l'on lui prête. Cette usine est exceptionnelle à plus d'un point de vue, on y assemble non seulement les Phaéton, mais les clients viennent y choisir les couleurs, l'aménagement intérieur et la sélection des options puisque ce sont des voitures fabriquées sur demande. Aucun véhicule n'est produit s'il n'a pas été commandé. De plus, la plupart du temps, les acheteurs viennent prendre possession de leur berline de grand luxe à l'usine même.

16 minutes pour poser un boulon

J'exagère, mais de peu. La ligne d'assemblage est en fait une partie du plancher qui avance. Sa vitesse est tellement lente que les ouvriers affectés à chaque étape de fabrication ou d'assemblage ont 16 minutes par station pour exécuter leur travail. C'est quasiment trop lent pour un escargot et les ouvriers n'ont aucune excuse si le travail est mal fait. Et puisqu'on fait dans le luxe, les planchers de cette usine, du moins au niveau des trois étages de fabrication, sont réalisés en bois franc, ce qui est du plus bel effet. Même chez Bentley on ne fait pas mieux. De plus, chaque station de travail est alimentée en pièces par des chariots robotisés qui circulent tout seuls dans l'usine et qui s'immobilisent au bon endroit avec le bon chargement. Mais le déroulement des choses est tellement lent que malgré le caractère avant-gardiste de toute cette entreprise, c'est quasiment ennuyeux de les voir travailler.

Les carrosseries assemblées, soudées et peintes sont livrées à cette usine de même que les pièces d'assemblage. Si les carrosseries arrivent par voie terrestre sur des plateformes de camions spécialement aménagés, les autres pièces servant à l'assemblage proviennent d'une usine Volkswagen à proximité et ils sont livrés par un tramway spécialement aménagé qui emprunte les mêmes rails que les tramways municipaux conventionnels. Si ce n'était de l'absence de vitres, et de l'énorme logo sur chacun de ces wagons, on croirait qu'il s'agit d'un tramway ordinaire. Comme vous pouvez le constater, on est loin de l'usine traditionnelle avec ses cheminées, ses ateliers bruyants et souvent surchauffés.

À Dresde, on se croirait quasiment dans un salon. De plus les passants peuvent voir les carrosseries circuler sur les convoyeurs spéciaux en attendant d'être bichonnées et finalement assemblées pour être livrées à des clients très pointilleux. Comme dans la cité de l'automobile à Wolfsburg, les autos complétées sont entreposées dans une tour  dans lesquels on retrouve un immense monte-charge circulaire qui place les voitures à différents étages en fonction de leur date de livraison. Comme à Wolfsburg, tout est automatisé et robotisé. Il existe bien d'autres endroits de livraison des véhicules aussi bien chez Mercedes-Benz, Audi et BMW, mais aucun autre constructeur ne propose cette présentation spectaculaire qui consiste en ces colonnes d'entreposage. Puisque cette tour est également toute en verre, on peut y voir les voitures attendant leur livraison. C'est vraiment spectaculaire. Ceux qui ont dit que les Allemands n'avaient pas le sens du spectacle devraient réviser leur opinion.

Aucune marge de manœuvre

Puisqu'il s'agit d'une voiture de grand luxe, celle-ci doit être parfaitement assemblée, chaque élément doit respecter des normes strictes et bien entendu la peinture doit être immaculée. Ici pas d'éraflures, pas de rayures sans quoi ça va aller mal. D'ailleurs, il n'y a pas d'atelier de peinture, ou de soudure dans cette usine; les employés ont tout le temps devant eux pour accomplir leur travail, mais ils ne doivent pas se louper car les conséquences pour être assez fâcheuse.

L'an dernier, l'usine de la Phaeton à Dresde a produit 7000 voitures, ce qui représente une production très modeste pour une entreprise de la taille de Volkswagen. Malgré toutes ses qualités, les ventes ce modèle sont plutôt modestes. Il faut également souligner, que Volkswagen a tenté de commercialiser cette berline de grand luxe sur notre continent. Si le prix de base était d'environ 80 000 $ si mon souvenir est bon, la facture pouvait dépasser les 100 000 $ en fonction du moteur choisi soit un moteur V8 ou encore un W 12. Les acheteurs nord-américains ont eu beaucoup de difficultés à se convaincre que Volkswagen et voitures de luxe pouvaient se prononcer dans la même phrase. Pire encore, lorsque la Phaeton était comparée à ses rivales germaniques qui étaient la classe S de Mercedes-Benz, la A8 de Audi et la Série 7 de BMW, elle terminait souvent derrière ces protagonistes. En fait, cette voiture n'avait rien de très particulier par rapport à ses rivales sauf une finition exemplaire et une mécanique raffinée mais pas nécessairement révolutionnaire. La majorité des acheteurs potentiels  ont préféré  investir leurs 100 000 $ dans une marque ou un modèle plus prestigieux. Il est certain que l'abandon de la Phaeton sur notre marché a certainement réduit la production de cette usine.

Toutes spectaculaire soit-elle, l'usine, la Glaserne Manufaktur est quasiment devenu un sujet épineux pour le numéro un européen. En effet, avec une production au ralenti, un modèle à l'avenir incertain, on peut logiquement se demander ce qu'il adviendra de ce tour de passe-passe technologique et esthétique. Pour l'instant, les choses vont relativement bien pour Volkswagen, surtout en comparaison avec ses concurrents, alors que sa part du marché mondial va en progressant même si les ventes ont baissé de quelque peu. Pour sauver l'honneur de la famille et ne pas fermer ce centre prestigieux , on devrait continuer à opérer cette usine, la seule du genre dans le monde automobile.

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