Aurez-vous toujours les moyens d’acheter une voiture neuve?
Pour 2021, le prix d’entrée d’une voiture Honda passe de 18 075 $ à 25 185 $ en raison de la disparition de la Fit et des versions de base et à boîte manuelle de la Civic.
Chez Ford, le prix d’entrée est à 26 099 $ (Ecosport), tandis que du côté du constructeur FCA, en excluant les Fiat, vous ne trouverez rien à moins de 26 800 $ (Jeep Compass).
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Que faut-il en conclure? Les constructeurs automobiles ne sont plus intéressés à vendre des voitures à bas prix. Terminée l’époque des voitures à 199 $ par mois. Les constructeurs ne sont tout simplement plus en mesure de vendre des véhicules à prix dérisoire. Et bien que certains comme Nissan tentent encore leur coup dans le segment des sous-compactes avec des voitures minimalistes, la disparition soudaine d’une majorité de voitures du genre comme les Honda Fit, Hyundai Accent et Toyota Yaris, démontre clairement que l’intérêt n’y est plus.
Évidemment, à l’échelle nord-américaine, les voitures-outil avaient déjà de moins en moins la cote. Or, au Québec, plusieurs acheteurs sont toujours en quête d’une voiture à prix plancher. Ces derniers ciblent donc majoritairement des modèles sous-compacts pour ensuite réaliser qu’il est tout simplement plus viable sur le plan financier de passer à la catégorie supérieure. Par exemple, choisir une Civic plutôt qu’une Fit, en raison d’une offre plus alléchante, d’un taux de financement ou de location plus avantageux et d’une valeur résiduelle plus élevée. Au final, un paiement de location similaire, pour une voiture qui en offre plus.
C’est en ce sens que les constructeurs ont réussi à faire disparaître les voitures sous-compactes à très bas prix. En les rendant moins alléchantes et en faisant tout pour décourager l’acheteur. Sinon, comment pourrait-on expliquer que les ventes de la Hyundai Accent sont passées de 19 000 en 2016 à moins de 6 000 en 2019 et ce, malgré le renouvellement du modèle?
Évidemment, les constructeurs auraient pu « tirer la plogue » drastiquement en éliminant d’un coup toutes ces voitures, mais leur image aurait été affectée. Or, en les rendant de moins en moins attrayantes et en prouvant aux yeux de l’industrie un « désintérêt » de la population pour ce genre de voitures, les constructeurs peuvent plus facilement justifier leur abandon.
Vous aurez bien sûr compris que ce stratagème de manipulation permet tranquillement aux constructeurs de se concentrer sur le développement de véhicules plus payants, lesquels affichent bien sûr des prix nettement plus élevés. Pour plusieurs, cela passe par l’abandon quasi complet des voitures, l’industrie valorisant les VUS. Or, est-ce qu’un Hyundai Venue coûte véritablement plus cher à construire qu’une Accent? Bien sûr que non. Et pourtant, on le vend en moyenne à 4 000 $ de plus que la défunte sous-compacte.
Situation logique
Il est facile de comprendre pourquoi les constructeurs automobiles choisissent massivement cette avenue. Parce que le prix d’une berline Honda Civic de base n’a qu’à peine évolué depuis 20 ans et parce que les coûts de production augmentent rapidement. Attendez-vous donc à ce que les quelques survivantes que sont les Chevrolet Spark et Kia Rio disparaissent elles aussi dans un avenir rapproché. Il faut dire qu’en Amérique du Nord, l’acheteur associe souvent la valeur d’une voiture à sa taille. Un concept qui diffère totalement sur le Vieux Continent, où l’acheteur n’hésite pas à débourser de fortes sommes pour rouler dans une très petite voiture plus frugale, mais technologiquement intéressante.
Chez nous, la disparition des voitures à bas prix n’aura sans doute que peu d’impact dans un avenir rapproché. Parce que l’acheteur peut encore se procurer de telles voitures sur le marché d’occasion, bien que leur valeur demeure généralement élevée. Or, d’ici quatre ou cinq ans, lorsque ces voitures accessibles auront vieilli, le choix pour l’automobiliste à faible budget sera limité. Et si on vous disait qu’une voiture neuve coûtait minimalement 30 000 $ ou 500 $ par mois? Et si on vous disait qu’un véhicule d’occasion d’entrée de gamme, usagé de deux ou trois ans, coûtait minimalement 20 000 $, ou 300 $ par mois. Auriez-vous toujours les moyens de vous le procurer? Et l’entretien? Seriez-vous en mesure de le faire adéquatement?
Chose certaine, nous nous trouvons dans un tournant automobile qui, visiblement, la rendra de moins en moins accessible. Car même si les banques usent de stratégie pour continuer à faciliter leur financement, cela n’aura pour effet que d’augmenter l’endettement des automobilistes, qui peinent déjà à acquitter la facture de ce nouvel Escape, que le vendeur leur a poussé dans la gorge pour remplacer une Focus aujourd’hui disparue du paysage automobile.