Quand le Québec avait sa propre voiture
par Cédérick Caron
Certains l’ont oublié, d’autres ne l’ont tout simplement jamais su, mais le Québec a déjà eu, pendant un bref moment, une voiture produite en série entièrement chez nous.
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« Entre 1969 et 1971, on a fabriqué 150 de ces voitures. D’abord dans une usine de Terrebonne, puis à Granby. [...] Il en resterait environ 30 ou 35 au Québec en ce moment selon nos recherches », relate le journaliste automobile Antoine Joubert.
Le Guide de l’auto auquel il collabore présente un grand dossier sur cette mythique voiture développée avec le constructeur français Renault. Un documentaire disponible sur Club illico relate aussi cette histoire.
« C’est arrivé à l’époque où le Québec se reconnectait avec la France, à l’époque du général de Gaulle. Il y avait une belle collaboration pour les pièces puisqu’elle empruntait le moteur et le châssis de la Renault 8 », explique M. Joubert au sujet de la voiture qui se détaillait 3384 $ à l’époque, soit environ 22 500 $ aujourd’hui.
« Contrairement à des constructeurs comme GM ou Ford, l’équipe de Jacques About [le père de la Manic GT] n’avait aucun moyen. On faisait du bénévolat pour permettre à cette voiture de voir le jour », poursuit M. Joubert.
Malheureusement, l’aventure de ce coupé sport 2 portes tout québécois, aux allures d’une Porshe 911 contemporaine, a pris fin abruptement quand Renault a décidé de mettre un terme à la collaboration.
Faire revivre l’histoire
Maniaque d’histoire et d’automobile, l’ex-journaliste maintenant politicien Gérard Deltell a développé une véritable passion, qu’il qualifie lui-même d’irrationnelle, pour la voiture qui tire son nom de la rivière Manicouagan et de l’immensité du territoire québécois.
« La Manic GT, c’est l’histoire d’un type qui a accompli un rêve. C’est remarquable de voir comment il a pu faire tout ça en trois ans. L’aventure n’a pas duré longtemps, mais c’est intéressant de se rappeler que l’entreprise n’a pas fait faillite. Elle a fermé et Jacques About s’est fait un honneur de rembourser tous ses créanciers », raconte le député fédéral de la circonscription de Louis-Saint-Laurent qui restaure la numéro 104 de la série.
« Ce que j’aime, c’est faire revivre l’histoire [...] Réveiller de nouveau la voiture, lui redonner la possibilité de rouler », poursuit celui qui a possédé jusqu’à trois Manic GT dans la dernière année.
Une a été reprise par un mécanicien qui collabore avec M. Deltell et il a fait don de l’autre au programme Technologie des véhicules électriques du Cégep de Saint-Jérôme.
« M. About rêvait aussi que sa Manic puisse un jour avoir un moteur électrique. Peut-être que ces étudiants réussiront à concrétiser le tout », souhaite M. Deltell.
Pas près de revoir ça
Autant pour M. Joubert que pour M. Deltell, voir naître un nouveau constructeur québécois est un beau rêve, mais s’avérerait pratiquement impossible aujourd’hui.
« L’industrie et le contexte ont tellement changé. Les normes aussi sont beaucoup plus sévères. Quand on pense qu’aujourd’hui Mazda est un petit joueur et qu’il a besoin de s’associer à un autre gros constructeur pour développer ses produits, on comprend que ce serait difficile de revoir un constructeur d’ici », conclut M. Joubert.