La Subaru STI Targa et la STI de série s'affrontent à Mosport
Avec leurs moteurs à plat turbocompressés, leur rouage intégral, leurs caisses solides et leur grande fiabilité, les modèles WRX et STI de Subaru sont prisés des passionnés de conduite et de rallye depuis fort longtemps. Ces versions et les nombreuses variantes qu’en a tirées la branche automobile de la Fuji Heavy Industries sont également devenues des voitures-cultes au Japon et en Europe, surtout à cause de l’engagement sérieux et du riche palmarès de Subaru en Championnat du monde des rallyes.
Elle y aura mis le temps
Les premières WRX furent lancées au Japon en 1992 mais les mordus de performance nord-américains ont dû attendre dix longues années avant que cette série ne débarque chez nous. La version STI, avec son moteur plus puissant, son gros aileron et son immense prise d’air sur le capot, s’est pointée en 2004 et la popularité des « Subies » n’a cessé de croître depuis. Des pilotes comme Travis Pastrana et Ken Block ont attiré beaucoup d’attention sur les missiles Subaru en rallye et aux X Games. Et Ken Block, fondateur et patron de DC Shoes, est devenu une star du Web avec ses vidéos Gymkhana délirants. Sans compter la popularité et l’influence des simulations de pilotage comme Gran Turismo, où les WRX et STI sont très présentes, sur les jeunes.
Au Canada, Subaru défend cette année son titre national en rallye avec Patrick Richard au volant d’une STI et Alan Ockwell comme copilote. Mais le constructeur japonais poursuit un autre objectif depuis sept ans : celui de devenir le premier à décrocher la victoire au classement général du rallye sur bitume Targa Terre-Neuve avec une voiture de division Moderne. Subaru a récolté sa part de victoires en catégorie mais la palme au général est toujours revenue à une voiture de division Classique (fabriquée avant 1981). Keith Townsend est celui qui s’en est approché le plus avec une 3e place au volant de sa propre STI virtuellement de série, avec Jen Horsey comme copilote. Les deux ont terminé à 12 secondes de la victoire après cinq pleines journées de compétition.
Une STI très spéciale dès le départ
Cette année, Subaru Canada a inscrit une WRX STI entièrement préparée pour la course par Stewart Hoo (ça se prononce ‘ho’ et non ‘hou’) de Can-Jam Motorsports à la 8e édition annuelle du Targa Terre-Neuve. Je pilotais cette voiture pour mon troisième rallye sur ‘le Roc’ avec Keith Townsend comme premier copilote. Keith et moi avons passé des semaines à nous préparer pour cette épreuve, y compris de longues randonnées à Terre-Neuve pour analyser et identifier les plus grandes difficultés du rallye.
La WRX STI de génération actuelle dans laquelle nous avons couru avait terminé 5e classement général du Targa l’an dernier. Elle a été construite à l’origine par le champion canadien des rallyes Patrick Richard pour son propre usage. Elle a donc été dépouillée de tous les éléments intérieurs et accessoires de la STI de série, y compris le freinage ABS qui est inutile en rallye sur gravier, pour y installer ensuite une cage de sécurité et une cellule de carburant. La décision fut alors prise d’inscrire cette voiture au Targa, une épreuve disputée sur un parcours de quelque 2 200 km de route asphaltées, avec les occasionnelles plaques de sable et de gravier. La STI Targa s’est néanmoins bien débrouillée au Targa, malgré quelques ennuis de freins et de suspension.
Stewart Hoo et son équipe ont apporté plusieurs modifications à cette STI déjà très spéciale pour qu’elle soit encore mieux adaptée aux rigueurs du Targa et pour améliorer ses performances, sa tenue de route et sa fiabilité. Pour vérifier l’efficacité de ces changements et parce que la STI est radicalement différente de la voiture que j’ai pilotée auparavant à Terre-Neuve, une séance d’essais était de rigueur. J’ai profité de notre temps de piste sur le circuit d’essais de Mosport, d’une longueur de 2,4 km, pour mesurer les gains en performance te en tenue de route de la STI Targa par rapport à une WRX STI 2009 de pure série.
Beaucoup de muscle avec le turbo de série
En version de série, le moteur de la STI produit 305 chevaux à 6 000 tr/min et 290 lb-pi de couple à 4,000 tr/min. Stewart Hoo estime la puissance de la STI Targa à environ 450 chevaux et 450 lb-pi de couple bruts. Il base ces projections sur les 344 chevaux mesurés, aux roues motrices, sur un dynamomètre juste avant notre journée d’essais. Le moteur est doté de versions plus robustes de ses composantes vitales telles que des pistons forgés, un plus gros radiateur en aluminium et un refroidisseur d’huile plus performant pour maîtriser la puissance additionnelle de manière fiable.
Déjà sur un circuit, le gros couple du moteur de la STI Targa et son turbo pratiquement exempt de temps de réponse sont impressionnants. Même pas besoin d’utiliser le système ‘anti-temps de réponse’ (‘anti-lag’) qu’il tient de sa genèse comme pure voiture de rallye. La STI Targa a effectué le sprint 0-100 km/h en 3,98 secondes dans nos mesures d’accélération enregistrées avec un appareil VBox Mini relié au réseau GPS. La STI de série a réalisé le même test en 5,50 secondes. Stewart Hoo m’a confié, par après, que je ne disposais que d’environ 80 à 85 % d’ouverture d’accélérateur dans la voiture Targa. La tringlerie avait effectivement besoin d’être encore modifiée en fonction des changements apportés au pédalier de course.
La STI Targa a donc le muscle mais elle affiche également les réactions vives et précises d’une voiture de course sans trop souffrir des lacune typiques de ce genre de machine, Bien qu’elle ait pratiquement la même garde au sol que la voiture de série, on la sent basse et trapue sur piste. Elle prend également moins de roulis en virage et son niveau d’adhérence est élevé même si les pneus Toyo Proxes RA1 de taille 235/45 R17 sur lesquels elle roulera au Targa sont en fait plus étroits et hauts que les 245/40 R18 de la STI de série. Les routes bosselées et parfois défoncées des spéciales à Terre-Neuve exigent cette précaution pour éviter les jantes brisées et les crevaisons.
La mesure ultime
C’est sur un circuit que l’on peut évaluer correctement la tenue de route, la performance et le freinage d’une voiture, en plus de son équilibre et de ses réactions. J’ai effectué deux séances de 10 tours chronométrés au volant de chacune des voitures. Mon meilleur chrono, à bord de la STI de série, fut de 59,48 secondes, ce qui se compare avantageusement au temps de 60,61 secondes réalisé un an plus tôt, sur le même circuit, avec la Lexus GS 450h que j’ai pilotée les deux années précédentes à Terre-Neuve. Une voiture certes plus grande et lourde mais dont la rapidité au Targa a été démontrée. Or, mon meilleur chrono au volant de la STI Targa fut de 56,42 secondes, un écart important pour un circuit de cette longueur.
La STI de série était facile à conduire à la limite et tout à fait prévisible sur ce circuit. La seule limite fut l’endurance des freins. Vers la fin de la deuxième série de dix tours, la course de la pédale s’est allongée considérablement et elle est devenue très molle, à cause de plaquettes surchauffées. Une fois la voiture refroidie, tout est par contre revenu à la normale.
L’endurance des freins ne fut jamais en cause avec la voiture Targa à bord de laquelle j’ai pourtant bouclé près d’une centaine de tours en tout ce jour là. En fait, elle a roulé toute la journée avec les mêmes plaquettes Performance Friction en carbone-céramique qui avaient duré tout le Targa de l’année précédente. Les étriers sont les mêmes composantes Brembo que sur la STI de série. L’équipe a malgré tout installé de nouveaux disques ‘flottants’ après la journée d’essais, en fonction des grandes vitesses qu’on allait atteindre dans certaines de quarante-cinq spéciales du Targa 2009.
La STI de série actuelle était remarquablement douce et docile sur le circuit court de Mosport mais j’avoue que les réactions plus vives et directes du modèle précédent me manquent. La nouvelle vise indéniablement un public plus large.
Un tempérament de pur-sang
La STI Targa, par contre, a du caractère à revendre et ses réactions sont vives, comme celles d’un cheval de course. Les coussinets en métal ou en plastique dur de sa suspension modifiée la rendent beaucoup plus sensible au moindre changement de réglage. L’accélération féroce et l’absence quasi-totale de sensation de vitesse, combinées au fait que je ne connaissais aucunement ses réactions aux routes ondulantes et bosselées qui sont légion au Targa Terre-Neuve, m’ont pris par surprise lors de la toute première spéciale du Prologue.
La voiture a sautillé après un creux au point de corde d’un virage rapide, dérapé vers l’extérieur et frappé un muret presque en parallèle. Mon copilote Keith Townsend s’est réveillé le lendemain matin aven une douleur vive causée par des côtes fêlées. Mon pouce gauche était foulé et j’étais plutôt courbaturé mais capable de reprendre le volant pour le départ officiel de la compétition le lundi matin. Stewart Hoo, notre chef-mécano, allait également faire ses débuts comme copilote après avoir remis la STI Targa en état durant la nuit entière avec les mécanos de l’équipe, Lewis Myers, Nick Searancke et Andrew Sorensen.
La devise traditionnelle du rallye est ‘press on regardless’ (continuer à tout prix) et c’est exactement ce qu’a fait l’équipe de rallye Subaru Targa durant les cinq journées de compétition qui ont suivi. Après quelques autres miracles signés Stewart, nous avons terminé à la 12e place au classement général. Nous avons également remporté le trophée Churchill qui est remis aux trois meilleures équipes du même pays. Une sorte de Coupe des nations du Targa, en somme.
Vous pouvez tout apprendre sur notre semaine au Targa et voir les résultats complets en cliquant ici.
Cela dit, notre STI n’est pas devenue la première voiture moderne à l’emporter au classement général du Targa Terre-Neuve, mais la superbe Nissan GT-R de 620 chevaux que pilotait Steve Millen, avec Mike Monticello comme copilote, n’y est pas arrivée non plus. Ils ont gagné en division Moderne, ont sans doute récolté les meilleurs chronos dans la majorité des spéciales mais n’ont pu faire mieux qu’une 6e place au général.
Malgré tout, je continue à croire que Subaru devrait créer une version Targa spéciale de la STI qui profiterait de certains des trucs de performance et de tenue de route de Stewart. Cette fois, je suis certain que les essais incluraient de généreuses séances sur les routes d’asphalte sinueuses et bosselées qui sont légion d’un bout à l’autre de ce pays. Solide, rapide et agile, cette STI à rouage intégral est une voiture de performance pour le monde réel. Mieux elle est aiguisée, mieux ce sera.