Où s'en va la grosse voiture américaine?
L’an dernier, Buick abandonnait sa dernière grosse berline traditionnelle, la Lacrosse. Au même moment, Ford éteignait les phares de la Taurus, Chevrolet choisissant quelques mois plus tard de répliquer avec l’annonce de l’abandon de l’Impala.
Pour Ford et General Motors, cela signifie la fin d’une époque. Ou si vous préférez, la mort de la grande berline, laquelle sera sans doute suivie d’ici peu par celle des berlines intermédiaires. En effet, pas besoin d’être Gandhi pour deviner que les Chevrolet Malibu et Ford Fusion vivent sur du temps emprunté.
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Maintenant, est-ce que la berline américaine traditionnelle mérite un tel sort? Existe-t-il encore une clientèle préférant ce type de véhicule à un Ford Explorer ou un Buick Enclave? Parce qu’à l’échelle nord-américaine, il semble évident qu’une grande partie des acheteurs désire toujours rouler…en voiture.
Bien sûr, Cadillac et Lincoln proposent toujours des berlines, de moyennes et grandes tailles. Des voitures de luxe, qu’on commercialise à fort prix et avec lesquelles on tente de donner la réplique aux produits européens. Or, les grandes berlines portant un écusson généraliste ne sont plus. Enfin presque.
FCA commercialise toujours le duo Dodge Charger et Chrysler 300. Deux voitures qui ont à peine évolué au cours des dix dernières années, surtout du côté de chez Chrysler, où les ventes au détail sont d’ailleurs rendues symboliques. Et pourtant, ces deux voitures poursuivent leur carrière, rien n’indiquant qu’elles sont sur le point de prendre leur retraite.
La vaste majorité des 300 et Charger qui prennent la route sont d’abord vendues à des entreprises de location. Ces dernières les conservent généralement entre 12 et 18 mois avant de les revendre à l’encan à prix dérisoire. Ainsi, et parce que l’offre sur le marché d’occasion est de loin supérieure à la demande, la valeur de ces voitures en prennent pour son rhume. Surtout dans le cas de la Chrysler 300, moins populaire, et qui affiche un prix de détail plus élevé.
Cela explique ainsi pourquoi rares sont les acheteurs qui opteront pour un de ces modèles à l’état neuf. On préfère de beaucoup se tourner vers le marché d’occasion et profiter de la dépréciation qui dépasse parfois même les 50% en moins de deux ans. Maintenant, avec un peu plus de 30 000 Chrysler 300 et 100 000 Charger vendues en Amérique du Nord l’an dernier, on peut comprendre pourquoi FCA persiste à les garder en vie. Et puisque la concurrence est désormais inexistante, on accapare la quasi-totalité du marché.
La Charger…
Au Québec, les acheteurs de Dodge Charger se font rares. Toutefois, cette voiture connaît encore un certain succès aux États-Unis. Sa valeur de revente y est là-bas supérieure et l’engouement pour les modèles de performance est exceptionnel. Pensez à la version R/T, SRT392 ou Hellcat. Des modèles qui enflamment les passions et qui conservent pour leur part une très bonne valeur de revente.
Il faut aussi comprendre qu’avec la disparition de la Ford Taurus et de la Chevrolet Caprice (qui n’était vendue qu’aux États-Unis), la Charger est désormais la seule voiture du genre encore disponible pour les corps policiers. On pourrait donc conserver la Charger en production presque uniquement pour cette raison, comme l’avait d’ailleurs fait le constructeur Ford avec la Crown Victoria.
Au volant de la Chrysler 300
Quelques jours passés au volant d’une Chrysler 300 Limited m’ont permis d’effectuer un retour en arrière, me confirmant du coup qu’il est à mon sens très pertinent de conserver ce genre de voitures sur le marché. Parce que le produit, bien que vieillissant, demeure intéressant. Confortable, élégante, assez puissante et très bien équipée, cette voiture procure des sensations aujourd’hui très rares, mais qui n’ont rien à voir avec celle d’une berline de luxe à moteur à quatre cylindres, coûtant le même prix.
Le problème de la Chrysler 300 ne réside donc certainement en sa conception, mais plutôt dans la façon de la commercialiser. Pas de plans de financement avantageux, encore moins de location, et de gros rabais, mais qui sont en réalité fictifs, puisque le prix de détail suggéré est démesurément trop élevé. Ajoutez à cela l’absence d’inventaire chez les concessionnaires et le désintérêt de ces derniers à la commercialiser, et vous comprenez pourquoi les ventes sont aujourd’hui aussi symboliques.
Est-ce que cette voiture pourrait aujourd’hui être aussi populaire qu’un Jeep Grand Cherokee? Bien sûr que non. Le marché a changé et la demande pour les grandes berlines est de moins en moins importante. Or, avec un peu plus d’efforts, avec des mises à jour et quelques améliorations ici et là, on parviendrait sans doute à mousser les ventes et à recréer un engouement qui permettrait au final d’en augmenter la valeur ou du moins, l’intérêt.
En attendant, FCA demeure le seul joueur à offrir un produit de ce genre. Pour combien de temps encore? Seul l’avenir le dira…