L'Harlequin de mes souvenirs
Vous vous souvenez de la Golf Harlequin? Cette compacte multicolore vendue par Volkswagen en 1996? Personnellement, je m’en souviendrai toute ma vie. C’est donc en suivant cet élan de nostalgie qui émane actuellement des réseaux sociaux que j’ai eu l’idée de fouiller sur l’histoire de cette curieuse voiture.
Ainsi, pendant que les gens affichent les images des voitures qu’ils ont possédées dans le passé sur leur page Facebook, j’ai choisi d’écrire sur une des voitures les plus curieuses que j’ai vendues, lors de ma courte carrière de vendeur automobile. Or, avant de vous raconter l’histoire de cette transaction, un brin d’histoire.
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Comme vous le constatez, la Golf Harlequin est plutôt voyante. Et pour cause, elle revêt quatre teintes éclatantes, qui sont aléatoirement disposées.
L’idée de cette voiture naîtra au milieu des années 90, alors que les dirigeants de la marque ont l’idée d’appliquer cette formule colorée sur une Volkswagen Polo. Une sous-compacte vendue en sol européen, que l’on fabriquera à 3 200 exemplaires. C’est en s’inspirant d’une publicité des années 60 qui voulait illustrer l’interchangeabilité des panneaux de carrosserie de la Coccinelle, qu’est venue l’idée saugrenue de créer cette Polo.
En Europe, la Polo Harlequin a fait énormément jaser. Et il semble que la demande était forte au point où Volkswagen a augmenté sa production, qui ne devait initialement être que de quelques centaines d’unités. C’est donc suite à ce « succès » que les stratèges de la marque ont eu l’idée d’une Harlequin destinée au marché nord-américain. Évidemment, puisque la Polo n’y était pas offerte, Volkswagen a jeté son dévolu sur la Golf, à ce moment montée à l’usine de Puebla au Mexique.
Le procédé de fabrication de cette auto fut particulièrement complexe. Le constructeur produisait donc un nombre égal de voitures dans chacune des quatre teintes, pour ensuite interchanger les panneaux de carrosserie d’une automobile à l’autre. Puis, il faut mentionner que parmi ces quatre couleurs, deux d’entre elles n’étaient pas offertes sur les Golf nord-américaines, soit le Bleu Chagall et le Vert pistache.
Vous aurez ainsi compris que le fait d’ajouter deux teintes sur une ligne d’assemblage, et qui plus est pour seulement quelques centaines de voitures, devait occasionner plusieurs maux de tête aux dirigeants de cette usine.
Bien que selon Volkswagen, 226 Golf Harlequin aient été produites, les rumeurs évoquent plutôt un total de 264 unités. Autrement dit, 66 Golf Harlequin peintes initialement de chaque couleur primaire, que l’on identifie par les piliers C et bas de caisse.
Au Canada, seulement 54 Golf Harlequin ont été offertes. Moins d’une voiture par concession, ce qui en faisait une auto très rare. Or, on ne peut pas dire que la demande était chez nous aussi forte qu’en Europe. Les concessionnaires ont eu peine à se défaire de ces voitures, qui se sont souvent retrouvées entre les mains de pizzerias, destinées à la livraison.
Les Golf Harlequin étaient toutes des Golf GL, que l’on vendait sans supplément, mais qui étaient proposées avec les mêmes options. Certaines avaient droit aux jantes en alliage, au toit ouvrant, au groupe électrique ou à la climatisation, alors que d’autres n’avaient rien de tout ça. Et bien sûr, on pouvait l’obtenir avec une boîte manuelle ou automatique.
Lorsque j’étais représentant des ventes de véhicules d’occasion chez Volkswagen en 1998, deux de ces Golf sont passées entre mes mains. La première, achetée à l’encan par notre directeur, a été effectivement été vendue à un restaurateur de la région. Je n’ai que peu de souvenirs de cette transaction, sinon que l’auto n’était restée en concession à peine 24 heures.
Quelques jours après la vente de cette Golf, un type s’est présenté avec son épouse. Lui conduisait une Chevrolet Beretta « SS » 1995, de base et de couleur fuchsia, alors que sa femme roulait en Golf Harlequin. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce couple ne passait pas inaperçu!
Ces gens venaient dans le but d’acheter la nouvelle Passat 1998. Ils ont donc choisi une Passat noire (méchant contraste) et, en échange, nous ont laissé leurs deux voitures.
Cette deuxième Golf Harlequin mettra un peu plus de temps avant de trouver preneur. Je dirais… environ un mois. Un jour, un type particulièrement corpulent se présente au concessionnaire, au volant d’une vieille Jetta Diesel. L’homme en question sue à grosses gouttes et peine à se déplacer en marchant.
Il se dirige vers ladite Harlequin, stationnée sur la première ligne de l’inventaire, face à la rue. Je ne fais ni une ni deux et récupère les clés avant d’aller à sa rencontre. Je déverrouille la portière. L’homme monte à bord, mais me semble immédiatement très inconfortable, étant donné sa taille. Et pourtant , dans cet habitacle tout noir et non climatisé (!), il me lance d’un seul coup qu’il l’achète.
Sans négociation, et sans même en faire l’essai. Mon patron, qui me lance de loin un clin d’œil en guise de félicitations, sera néanmoins celui qui se chargera des papiers. Pourquoi ça? Parce que le type en question souhaite exporter la voiture au Mexique, où il déménage. Ce dernier est professeur de langues et souhaite s’illustrer là-bas au volant d’une voiture excentrique, mais facile d’entretien! En plein dans le mille! Sauf qu’au Mexique, sans climatisation, ce type n’allait certainement pas la trouver si drôle!
Aujourd’hui, difficile de savoir s’il existe encore quelques Golf Harlequin canadiennes sur nos routes. Sans doute que oui. Mais il est clair que parmi les 54 qui ont été produites, au moins une d’entre elles ne roule plus chez nous.