Pour le Québec seulement
On le sait, ce n’est pas parce qu’un constructeur automobile décide de commercialiser un modèle au pays que le produit aura du succès d’un océan à l’autre. Par exemple, il est évident qu’aux États-Unis, les mœurs et les goûts des acheteurs du Massachusetts diffèrent de ceux qui vivent sous le chaud soleil de la Californie.
Et c’est pareil pour les acheteurs du Québec, qui n’ont ni les mêmes goûts ni les mêmes habitudes que les Albertains. Voilà pourquoi il est arrivé dans le passé que certains modèles ne soient offerts que dans quelques provinces, même si dans les faits, le produit était disponible à l’échelle canadienne.
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Cela remonte à loin, mais je me souviens de GM qui commercialisait la Chevrolet Spectrum à la fin des années 80, uniquement dans les provinces de l’Ouest. Clonée à partir des bases de l’Isuzu I-Mark, cette voiture était aussi vendue aux États-Unis sous le nom de Pontiac Sunburst. Pourtant, les provinces de l’Est du Canada n’y avaient pas droit, GM considérant à l’époque que les Sprint/Firefly et Cavalier/Sunbird suffisaient pour satisfaire la clientèle de ces régions.
Le constructeur avait cependant choisi au Québec et en Ontario de miser davantage sur le réseau Passport/Isuzu (qui allait plus tard accueillir la marque Saturn), afin de commercialiser cette compacte sous son appellation d’origine, soit l’Isuzu I-Mark.
Aujourd’hui, les constructeurs automobiles font face à une nouvelle réalité. Celle des locations, devenues beaucoup plus populaires, et qui nécessitent l’établissement de valeurs résiduelles afin de déterminer un paiement mensuel. Le problème, c’est que la valeur de revente d’un véhicule diffère beaucoup d’une province à l’autre, ce qui explique pourquoi plusieurs commerçants et revendeurs parcourent les encans du pays tout entier afin de mettre la main sur des véhicules faciles à vendre dans leur région, mais moins populaires à l’endroit où ils se trouvent.
Par exemple, une quantité considérable de Mercedes-Benz et de Volvo quittent le Québec après un terme de location pour le marché de l’Ontario, alors que les petites Hyundai Accent et Toyota Yaris effectuent le chemin contraire.
Vous aurez évidemment compris que pour un constructeur automobile, il est extrêmement difficile, voire impossible, d’établir une valeur résiduelle variable selon la province où le véhicule est vendu. En revanche, le fabricant est libre de décider où ses véhicules seront commercialisés. Et c’est ce que Toyota a choisi de faire cette année avec la nouvelle sous-compacte Yaris à hayon, laquelle dérive directement de la Mazda2.
Conscient que le marché de la sous-compacte est en chute libre (15% de baisse pour la Yaris), et constatant que plus de 55% des ventes de Yaris ont été effectuées dans la Belle Province, Toyota a ainsi choisi de ne l’offrir que chez nous. Cela aura pour effet de désengorger le réseau, d’éviter des stocks invendus à des endroits peu propices à la vente de ce modèle, tout en évaluant plus efficacement la pertinence de conserver le modèle sur le marché.
Maintenant, pour une raison bien différente, Toyota avait choisi en 2017 de n’offrir sa Prius Plug-In Hybrid que pour le marché du Québec. Disponible en quantité limitée à son arrivée, il était clair qu’avec les subventions gouvernementales très généreuses qui étaient proposées à cette époque, cette version de la Prius allait représenter une très bonne affaire chez nous.
D’ailleurs, encore aujourd’hui, une forte majorité des Prius enfichables est vendue au Québec, cette dernière étant même plus populaire que la Prius ordinaire ou à traction intégrale.
Suivant cette logique, on pourrait également s’attendre à ce que Toyota Canada choisisse de prioriser le Québec pour le futur RAV4 Prime, une version hybride rechargeable qui offrira plus de 60 kilomètres d’autonomie électrique, et qui sera éligible à 13 000 $ de crédit gouvernemental.
L’arrivée de ce modèle - prévue pour l’été - est d’ailleurs très attendue par les concessionnaires, qui se croisent les doigts pour pouvoir mettre la main sur le plus grand nombre d’unités possible.
Parce que même si l’on ne connaît pas encore le prix de ce véhicule, il est clair qu’avec le rabais en vigueur, il s’agira d’une valeur sûre pour l’acheteur québécois.
En fait, le prix du RAV4 Prime (incluant les rabais) pourrait se rapprocher dangereusement de celui de la Subaru Crosstrek Plug-In Hybrid, laquelle n’est éligible qu’à 6 500 $ de crédit gouvernemental. Or, c’est aussi en raison de ce crédit plus généreux qu’ailleurs au pays, que Subaru Canada a préféré faire de cette Crosstrek une version exclusive au marché québécois.
Est-ce que d’autres constructeurs adopteront cette stratégie? Difficile à dire. Mais il est clair que cette pratique est on ne peut plus logique, et qu’elle permettra à certains produits de demeurer alléchants plus longtemps, se trouvant dans un marché qui leur est favorable.