Aston Martin Bulldog : le premier supercar de Newport Pagnell
Alors qu’Aston Martin s’apprête à lancer deux supercars à moteur central arrière, les Valkyrie et Valhalla, il est temps de remonter dans le passé et de redécouvrir ce qu’aurait pu être la première supercar des années 80.
Debout!
Au milieu des années 70, Aston est en difficulté… encore! La marque vient de changer de propriétaires et la production redémarre. Deux nouveaux modèles sont introduits dans les années qui suivent : la Lagonda en 1976 et la V8 Vantage en 1977. Mais Alan Curtis, directeur de la compagnie, souhaite montrer les capacités d’ingénierie de la vénérable marque de Newport Pagnell.
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C’est pourquoi en 1977 il charge l’ingénieur en chef Mike Loasby de développer une auto à hautes performances pour les années 80. Quand celui-ci quittera Aston en 1979 pour aller chez DeLorean, il sera remplacé par Keith Martin pour achever le développement de l’engin. C’est William Towns qui sera responsable du style. Towns était rentré chez Aston Martin en 1966 et avait travaillé sur la DBS/V8. Les années 70 marquent l’apogée des lignes en arêtes saillantes (le style wedge) et Towns en est probablement le pape.
C’est lui qui a dessiné la Lagonda de 1976, tout en lignes droites. Il dirigera son propre bureau de design en 1977, Interstyl, mais restera très proche d’Aston Martin. La voiture porte en interne le code de développement K9, du nom d’un personnage de Doctor Who, et deviendra à son dévoilement la Bulldog, car Alan Curtis était fan d’aviation et volait sur un petit monomoteur, le Scottish Aviation Bulldog.
Assis!
À côté de la Lagonda, la Bulldog ne dépare pas. Pas une seule courbe à l’horizon, si ce n’est pour les arches de roue. La voiture est extrêmement basse (109 cm de haut) et relativement longue (4,72 m). Au lieu d’être escamotables, les phares (au nombre de 5) sont dissimulés derrière un panneau mobile. Tout ceci permet d’atteindre un Cx flatteur, pour l’époque, de 0,34. L’auto est peinte en deux tons : argenté (dessus) et gris clair (en bas).
On accède à l’habitacle via deux portes papillon à commande électrohydraulique. À l’intérieur, on serait presque en terrain connu dans une Aston Martin : moquette épaisse, boiseries et cuir à profusion. Ce qui détonne, c’est l’instrumentation numérique et les commandes tactiles. Celles-ci proviennent de la Lagonda.
Leur développement a été si compliqué et si long qu’il avait failli couler la compagnie (n’oubliez pas que nous sommes alors au début des années 70). La Bulldog n’avait pas de vitres ouvrantes mais, heureusement, une climatisation était installée.
Montre les dents!
La Bulldog fait appel au traditionnel V8 de 5,3 litres de la marque. Mais les ingénieurs y ont greffé deux gros turbos Garrett et ont remplacé les carburateurs Weber par une injection électronique Bosch. D’environ 300 chevaux (le chiffre réel pour ce moteur n’était pas dévoilé à l’époque), la puissance monte à 700 chevaux lors des premiers essais sur banc.
Pour le prototype, le souffle des turbos sera réduit et il n’y aura plus « que » 600 chevaux, histoire d’améliorer la fiabilité. Son refroidissement est assuré par un radiateur presque positionné à l’horizontale dans le museau.
La boîte de vitesses est une ZF à 5 rapports. Pour contenir la furie des turbos, les pneus sont des Pirelli P7, en 225 à l’avant et 345 à l’arrière. Le tout est installé dans un châssis de construction tubulaire.
Aston Martin estime que la Bulldog peut théoriquement atteindre 380 km/h. Pour comparaison, la voiture la plus rapide au monde est à cette époque la Lamborghini Countach et elle atteint « à peine » 290 km/h. Tout cela est donc très théorique, car il n’est pas certain que les pneus de l’époque auraient pu tenir à une telle vitesse. Pourtant, lors d’essais sur cette piste, la Bulldog atteindra 307 km/h avec un 0 à 100 km/h en 5,1 secondes. De quoi déjà en redonner aux étalons italiens!
Couché!
La Bulldog est officiellement dévoilée le 27 mars 1980 au Bell Hotel, dans le Buckinghamshire. À ce moment, Aston Martin compte produire une série limitée (on parle de 12 à 25 exemplaires). Mais des conditions économiques peu favorables mettent Aston Martin en situation précaire… encore!
En 1981, Victor Gauntlett prend la tête de la compagnie. Ce dernier estime qu’il y a d’autres priorités qu’un supercar et arrête le projet. Le seul exemplaire produit est vendu en 1983 à un collectionneur du Moyen-Orient au prix de 130 000 £. L’auto existe toujours aujourd’hui et a changé de mains plusieurs fois. Elle a été repeinte en deux tons de vert, a reçu des rétroviseurs et son intérieur a été retapissé de cuir crème.
On ne peut s’empêcher de se demander à quoi aurait ressemblé la course à la puissance des années 80/90 (avec les Ferrari F40, Porsche 959 et autre Jaguar XJ220) si Aston Martin avait réussi à finaliser le développement de la Bulldog et à la commercialiser.