L’histoire de Subaru : le fabuleux destin des Pléiades
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) laisse le Japon, et plusieurs autres pays, exsangue. Tout est à reconstruire. Et c’est souvent à ce moment, que l’on pourrait qualifier de fond de baril, que le génie émerge.
L’industrie automobile japonaise, par exemple, n’avait jamais brillé avant le conflit. Moins de 20 ans plus tard, les Datsun, Honda et Toyota roulent partout sur la planète.
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Nous aurions aussi pu inclure Subaru dans la liste des constructeurs japonais, bien qu’il ait toujours été plus discret que les autres. Son histoire remonte à 1915 alors que Chikuhei Nakajima fonde l’Aircraft Research Laboratory qui deviendra, durant la Deuxième Guerre mondiale, un important constructeur d’avions. Après le conflit, l’entreprise se réorganise en 12 corporations. En 1953, cinq d’entre elles s’unissent et deviennent Fuji Heavy Industries. Là, ça commence à dire quelque chose aux amateurs de Subaru! Ces cinq compagnies sont spécialisées dans les scooters, les carrosseries (coach builders), les moteurs, les châssis et l’import-export.
La première Subaru
Tout est en place pour la création d’une automobile. D’autant plus que, comme on l’a vu, l’industrie automobile japonaise explose en ce milieu de vingtième siècle. La première voiture, la P-1, sert de prototype à la Subaru 1500 1954.
Ouvrons une parenthèse pour mentionner que lorsqu’il a fallu trouver un nom pour la nouvelle venue, le PDG de Fuji Heavy Industries, la voyant déjà briller au firmament de l’automobile, lui donne le nom de Subaru, le nom japonais du groupe d’étoiles des Pléiades. D’où les six étoiles du logo de Subaru, encore aujourd’hui. Fermons la parenthèse.
Subaru et les alliances
Cette 1500 reçoit un quatre cylindres 1,5 litre, déjà vu dans la Peugeot 202. L’assemblage de la 1500 est confié à la Prince Motor Company qui, environ 12 ans plus tard, sera incorporée à Nissan et construira les premières Skyline. D’ailleurs, dès 1968, Nissan se porte acquéreur de 20% des actions de Subaru.
Lorsque Nissan sera racheté par Renault en 1999, ces actions seront revendues à General Motors. Cette dernière étant aussi propriétaire de Saab, nous aurons droit, au début des années 2000, à des Subaru déguisées en Saab, des « Saabaru », quoi! Puis, en 2005, alors que GM liquide à peu près tout ce qu’il peut, c’est Toyota qui devient propriétaire, à 8,7%, de Subaru, pourcentage qui sera porté à 16,5% en 2008. D’où la Subaru BRZ, une copie pratiquement conforme de la Toyota 86. Ou est-ce le contraire? D’où, aussi, l’assemblage de la Toyota Camry dans l’usine Subaru de Lafayette, en Indiana, entre 2007 et 2016. Aujourd’hui, cette usine dont la production a débuté en 1989, fabrique les Legacy, Outback, Impreza et Ascent pour le marché américain.
Subaru et Bricklin
Mais revenons à notre 1 500 1954 qui n’est fabriquée qu’à 20 exemplaires, les derniers étant plutôt mus par un moteur Subaru. Soulignons qu’il faut attendre 1965 avant que Subaru n’adopte le moteur à plat.
La seconde voiture de Subaru, la 360, est fabriquée de 1958 à 1971. C’est aussi la première voiture à être importée en Amérique (1968) par un certain Malcolm Bricklin qui, quelques années plus tard, construira à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick une jolie voiture, superbement mal construite. Mais ça, c’est une autre histoire. Toujours est-il que la mignonne 360, construite à 392 000 unités, détonne quelque peu avec ses 25 chevaux et son poids plume de 1 000 livres dans le monde des Lincoln Continental, Dodge Charger et Chevrolet Corvette. Cette 360 n’a jamais été importée au Canada.
Subaru débarque au Canada
Il faut attendre 1976 avant de voir une Subaru officiellement vendue au Canada par des intérêts privés, Subaru Auto Canada Limited (SACL). Il s’agit de la Leone, mieux connue ici sous l’appellation DL ou GL, selon le niveau d’équipement. À ce moment, un réseau de concessionnaires commence à se former, surtout en Colombie-Britannique. En 1978, SACL est rachetée par Fuji Heavy Industries et Subaru Canada est créée. La maison-mère est située à Mississauga, en Ontario où elle se trouve encore.
Pour se démarquer dans le domaine déjà encombré de la voiture compacte en Amérique, Subaru peut compter sur quelques particularités qui feront sa renommée : un moteur à plat et le rouage intégral, apparu en 1972, jusqu’alors réservé aux camions. En 1978, seule la DL familiale offre l’AWD mais elle ne sera pas la seule de la gamme Subaru longtemps! Au tout début des années 80, c’est le Hill Holder qu’affectionnent ceux qui n’aiment pas l’effet de recul d’une voiture manuelle lors d’un départ dans une côte. Cette technologie, qui a d’abord vu le jour dans la Studebaker President 1936, demeure une particularité de Subaru durant de nombreuses années.
Aussi charmant que Brat Pitt…
Le second modèle vendu au Canada apparaît en 1977. Il s’agit d’une bien drôle de camionnette, le BRAT, élaboré sur la plate-forme de la DL familiale AWD. Aux États-Unis et au Canada, on retrouve deux sièges baquets dans la boîte! Le BRAT (pour Bi-drive Recreational All-terrain Transporter) est offert jusqu’en 1983. Plusieurs années plus tard, Subaru créera une autre camionnette, encore sans grand succès, le Baja, une Outback avec une boîte (2003-2006)!
En 1986, Subaru, reconnu pour ses voitures archilogiques misant sur l’efficacité plutôt que sur le tape-à-l’œil, dévoile le coupé XT. Cette bizarrerie sur roues, aux lignes trop pointues et dotée d’un moteur sans tonus, est à Subaru ce que Greta serait au Hellcat… La XT dure jusqu’en 1990. Elle aura au moins le mérite d’avoir été la première à posséder le rouage intégral symétrique, cher à Subaru.
1988 marque l’arrivée d’une nouvelle Subaru, cette fois beaucoup plus fidèle à l’image de la marque, la diminutive Justy, dotée d’une boîte de vitesses révolutionnaire car à rapports continuellement variables (CVT). En fait, elle n’est pas si révolutionnaire que ça puisque la marque néerlandaise DAF l’avait utilisée pour sa 600 (1958). Et les motoneiges aussi utilisent ce principe. Mais en Amérique du Nord, c’est du jamais vu dans une voiture!
Subaru Tecnica International Inc
En 1988, Subaru se dote d’une division course baptisée STI (Subaru Tecnica International Inc). De cette division sortent des voitures de course prêtes pour le championnat WRC – World Rally Championship, une série assez spectaculaire, merci. Depuis son arrivée en 1988, Subaru a remporté trois championnats (1995-1996-1997). Heureusement, le commun des mortels peut aussi piloter une voiture issue de la branche course, la fameuse Impreza WRX ou la fabuleuse Impreza WRX STI.
Les années 90 sont extrêmement prolifiques pour Subaru, partout sur la planète mais surtout en Amérique. Les Subaru Impreza, Forester, Outback, Legacy ont toutes commencé durant ces dix années magiques (1993, 1997, 1998, 1999 respectivement). Preuve qu’elles étaient bien nées, ces voitures sont encore parmi nous. On ne peut toutefois pas parler des années 90 sans aborder le cas de la SVX, un étonnant coupé sportif.
Sublime SVX
La SVX remplace la déroutante XT en 1991. Superbement dessinée, prônant l’originalité avec ses vitres latérales… dans les vitres latérales, la SVX, baptisée Alcyone sur certains marchés, n’a malheureusement jamais connu le succès.
À cette époque, les gens ont beaucoup de difficulté à aligner près de 40 000 $ pour une Subaru, fusse-t-elle dotée d’un six cylindres à plat performant et du rouage intégral… La SVX tire sa révérence en 1997 mais tout n’est pas perdu puisque Subaru marque des points dans l’imaginaire collectif.
La petite marque japonaise, encore si anonyme il y a à peine quelques années, aspire à davantage de reconnaissance sur les routes, la division course s’occupant du reste… La SVX marque le début d’une nouvelle ère pour Subaru.
Subaru, la marginale
Cette nouvelle ère se traduit par des véhicules de mieux en mieux adaptés à la réalité nord-américaine. Avec leur rouage intégral symétrique qui a contribué à la renommée de Subaru, ils ont précédé, et de loin, la vague AWD.
Aujourd’hui, la marque aux six étoiles, propose plusieurs modèles qui couvrent plusieurs marchés, de la berline compacte au VUS à huit places. Malgré 43 577 unités vendues au Canada en 2018, Subaru demeure un petit joueur dans le marché de l’automobile canadien. Mondial, même.
Il faut dire que Subaru demeure l’une des dernières compagnies indépendantes au monde. Comme on l’a vu, Toyota possède moins de ses 20% des parts. Cependant, la relation entre les deux firmes japonaises semble s’intensifier.
Après la Toyota FR-S/86, c’est au tour de la Prius Prime de partager son châssis avec la Crosstrek Hybrid 2020, en y ajoutant deux roues motrices. À moyen ou long terme, Subaru devra se résigner à devenir une filiale ou, à tout le moins, un partenaire de Toyota. Dans un monde où le simple développement d’une nouvelle plate-forme se calcule en milliards de dollars, c’est sa survie qui en dépendra.