Ferrucio Lamborghini : le maître de l'opulence
Qui aurait cru qu’une remontrance publique deviendrait l’embryon d’une des branches de véhicule les plus fastueuses depuis l’avènement d’un jeune fils d’agriculteurs aisés. Cet homme d’affaires italien aux talents infrangibles s’est taillé un chemin de vie contrasté, mêlant la mécanique aérospatiale, aratoire et automobile…
L’homme qui initiera l’emblème de l’exotisme, né dans la province de Ferrare, assurera sa fortune dans la fabrication et la mise en marché de tracteurs agricoles bâtis à chaux et à sable. La coriacité de ses engins devient synonyme de durabilité dans tout le pays. La cause en est très simple, Ferrucio utilise des fourgons militaires désertés pour les métamorphoser en instruments agricoles extrêmement résistants : Lamborghini Trattori.
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Son génie créatif briquettera les assises d’une ascension prévisible. Ayant été pris en otage durant la Deuxième Guerre mondiale pendant son service dans l’armée de l’air italienne, ce taureau d’âme et de signe zodiacal s’est vu prostré, dans l’obligation d’opérer sous l’égide des Anglais, à Rhodes… Il se forgera dès lors, une expertise qui le mènera vers l’acquisition de bien des jouets motorisés. Mercedes 300 SL, Jaguar Type E et aussi plusieurs spécimens de Ferrari dont il est plus ou moins satisfait au niveau de la liaison qu’ effectuent les changements de vitesse jusqu’au moteur.
Lors d’un entretien privé avec Enzo Ferrari, Ferrucio divulgue de façon prompte et très directe les nombreux inconvénients rencontrés sur ses modèles au cheval cabré. Enzo Ferrari se voit complètement outré par les commentaires de son interlocuteur. Il lancera haut et fort : « Lamborghini, vous êtes peut-être capable de conduire un tracteur, mais vous ne saurez jamais conduire une Ferrari convenablement ». Il n’en fallut pas plus pour que l’orgueil du taureau doré se soulève corps et âme pour investiguer la conception d’une hérésie métallisée qui fera pâlir de hargne son tout nouveau concurrent direct…
Subséquemment, quand la 350 GT est née, elle possédait des lignes plus dosées et moins exubérantes que le prototype qui la précédait : la 350 GTV. Elle fut élaborée esthétiquement par le designer automobile chevronné Franco Scaglione collaborant de près avec Ferrucio. En 1959, ce dernier décide - au grand bonheur de tous - de travailler de sa main, pour son compte. Fini les collaborations biaisées où ses droits intellectuels n’étaient pas respectés et où les dessinateurs ne pouvaient pas signer leurs modèles.
Au fil des ans à partir de 1966, moult échantillons royaux d’avant-gardisme seront propulsés devant l’iris ébahi d’un public omniprésent. La Lamborghini Miura, avec son V12 arrière transversal de 350 chevaux pour une capacité de 290 km/h, devient dès lors la voiture la plus rapide au monde.
La Lamborghini Espada, construite en 1 227 exemplaires, est un flamboyant coupé quatre portes pouvant monter jusqu’à 240 km/h. Son nom signifiant « épée » en espagnol, instrument traditionnel arboré par le matador dans l’arène, reste d’un symbolisme important pour Ferrucio, ancien soldat pour qui l’adversité est synonyme de prospérité.
La Lamborghini Islero que l’on considère comme étant la suite modernisée de la 350 GT sera rapidement supplantée par la Lamborghini Jarama et la Lamborghini Urraco. Cette dernière tire son épingle du jeu grâce à son modèle P300 muni d’une alimentation à quatre carburateurs double corps qui la projette en départ arrêté sur un kilomètre à 260 km/h en 26 secondes.
Ces modèles fondateurs relatés ici n’ont plus rien à voir avec les monstres de prouesses qui sévissent sur le marché actuel. Que l’on parle de l’Aventador SV Roadster, de la Huracán ou de l’irréelle Lamborghini Centenario de 770 chevaux, nous avons ici affaire à des taureaux ardents, agressifs et luxuriants de vanité. Bien avant d’aboutir à de telles ingéniosités, la marque passera entre les mains de nombreux propriétaires lorsque, affaibli par la crise pétrolière de 1973, le maître de l’opulence lui-même laissera couler une bonne subdivision de ses parts à une tierce partie.
La plus marquante aura sans doute été Lee Iacocca, président de Chrysler, qui met sur pied la mise en marché d’un insigne iconique en 1990 : la Lamborghini Diablo. Offerte en 11 déclinaisons sur une période de 10 ans, en ne comptant pas les modèles de compétition, La Diablo tire son ADN de la légende « d’El Diablo » un taureau élevé par le Duc de Veragua qui a mené une lutte sanglante face au célèbre matador José Lara Jiménez « El Chicorro », dans l'arène de Madrid le 11 juillet 1869.
Malgré la passation de titre qui la mènera éventuellement jusque dans la famille de Volkswagen, chacun des nouveaux dirigeants a su se montrer loyal envers l’idéologie de Ferrucio Lamborghini gardant la génétique de l’inventeur bien vivante sous les capots d’aluminium désormais en fibre de carbone…
Le génie créatif nous quittera le 20 février 1993, emporté par une crise cardiaque. Sa dernière volonté émanant d’un désir de faire tirer son funeste cortège par une digne file de tracteurs Lamborghini. Ceux-là mêmes qui ont fait sa fortune. Il parsèmera ainsi les effluves de son cœur d’ingénieur dans la mémoire de chacun des amoureux de vitesse et de beauté qui seront pour toujours marqués par son entièreté.