BMW, Daimler et Volkswagen accusés d’entente dans les technologies antipollution
Plus de trois ans après l’éclatement du scandale du Dieselgate, l’Union européenne accuse BMW, Daimler et Volkswagen de s’être entendus pour éviter de se faire concurrence sur les technologies réduisant les émissions polluantes.
Déjà mise à mal par le vaste trucage de 11 millions de véhicules diesel par Volkswagen, révélé en septembre 2015, l’industrie allemande doit répondre à ces accusations, susceptibles d’être extrêmement coûteuses pour ses finances et son image.
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Cette affaire avait déjà fait les gros titres fin 2017, quand la Commission européenne avait annoncé des inspections concernant ce cartel de cinq constructeurs (BMW, Daimler, Volkswagen, ainsi que Audi et Porsche, filiales de Volkswagen).
Concrètement, d’après les conclusions d’une enquête préliminaire annoncées vendredi, Bruxelles soupçonne le « cercle des cinq » d’avoir participé à des réunions pour s’entendre en secret afin d’éviter toute concurrence sur le développement et le déploiement de technologies permettant de limiter les émissions nocives des gaz d’échappement des voitures.
« Les entreprises peuvent coopérer de nombreuses manières pour améliorer la qualité de leurs produits. Les règles de concurrence de l’UE ne leur permettent cependant pas de s’entendre sur exactement le contraire: ne pas améliorer leurs produits, ne pas se livrer concurrence sur le plan de la qualité», a déclaré la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.
Maintenant qu’ils ont reçu ces « griefs », les constructeurs doivent répondre à la Commission, pour éviter l’amende pouvant atteindre 10% de leur chiffre d’affaires annuel mondial qu’elle pourrait leur infliger.
« L’envoi d’une communication des griefs ne préjuge pas de l’issue de l’enquête », a cependant précisé l’exécutif européen.
Contacté par l’AFP, le groupe Volkswagen confirme avoir reçu le document de la Commission, auquel il ne répondra qu’après l’avoir évalué, « dans le cadre de sa coopération » avec Bruxelles.
BMW a annoncé qu’il mettra de côté « certainement plus d’un milliard d’euros » de provisions pour les risques juridiques découlant de ces accusations, estimant que « la commission européenne imposera très probablement une amende d’un montant significatif ».
Le groupe entend cependant se défendre « avec tous les moyens » à sa disposition.
Une gifle
Selon le constructeur bavarois, « l’ensemble de l’industrie était au courant » des discussions entre constructeurs « qui n’impliquaient aucun accord secret et n’avaient pas pour but de porter préjudice aux clients ou aux fournisseurs ».
De son côté, Daimler, fabricant des voitures Mercedes-Benz, qui a le premier avoué l’existence de cette vaste entente afin de bénéficier de la clémence des autorités de la concurrence, ne « s’attend pas à recevoir une amende dans cette affaire ».
Les technologies visées par l’enquête de la Commission sont « les systèmes de réduction catalytique sélective », qui permettent de réduire les émissions nocives d’oxydes d’azote de certaines voitures diesel, ainsi que « les filtres à particules Otto », qui permettent de réduire les émissions de particules nocives.
Cette entente « a privé les consommateurs de la possibilité d’acheter des voitures moins polluantes, alors que la technologie était à la disposition des constructeurs », fait valoir l’exécutif européen.
Évoquant « une gifle pour les consommateurs », le président de la Fédération allemande des organisations de consommateurs (VZBV), Klaus Müller, a réclamé dans un communiqué l’utilisation de « tous les moyens disponibles » pour sanctionner les constructeurs.
La Commission précise que son enquête préliminaire ne porte que sur « une violation alléguée du droit de la concurrence » et « pas sur d’éventuelles infractions à la législation environnementale ».
Cette enquête est également « distincte d’autres enquêtes en cours » dans le cadre du Dieselgate, l’utilisation de dispositifs d’invalidation illégaux destinés à falsifier les essais réglementaires.
Bruxelles peut infliger de lourdes amendes aux entreprises qui s’entendent entre elles au détriment de la concurrence et des consommateurs, le record ayant été atteint le 19 juillet 2016: l’UE avait alors imposé une amende de 2,93 milliards d’euros à quatre fabricants européens de camion.
Aucune disposition légale ne prévoit de date limite à une enquête pour cartel. La durée de l’investigation dépend de la complexité de l’affaire, du degré de coopération des entreprises en cause ou encore de l’exercice des droits de défense.