Ford Ranger 2019 : l'attente en valait la peine
Points forts |
|
---|---|
Points faibles |
|
Le retour de la camionnette Ranger a été annoncé il y a déjà quelque temps. C’est maintenant chose faite, et elle touche ces jours-ci le bitume (ou la neige), occupant les cours des concessionnaires canadiens.
Pourquoi revient-elle après huit ans d’absence? Et pourquoi avoir mis tant de temps avant de finalement admettre que Toyota et GM ont eu raison de mettre leur énergie dans ce segment?
- À lire aussi: Ford Ranger 2019 : le grand retour de la petite camionnette
- À lire aussi: Ford prépare-t-elle déjà un nouveau Ranger?
D’abord, il faut comprendre que pour Ford, la camionnette F-150 prime sur tout. Et bien sûr, en imaginant la relance de la Ranger, on estimait que très peu d’acheteurs délaisseraient la camionnette pleine grandeur au profit d’un modèle intermédiaire.
Or, comme la Série F domine le marché depuis plus de cinquante ans, inutile de vous dire que chaque véhicule susceptible de faire baisser les ventes annuelles de la F-150 est considéré comme un ennemi. Même s’il s’agit d’un modèle maison. Voilà pourquoi on ne voyait pas d’un très bon œil l’idée de relancer la Ranger en Amérique du Nord, sachant surtout qu’il ne s’agirait plus d’une camionnette compacte et abordable comme par le passé.
Cela dit, on a aussi réalisé avec le temps que la clientèle en quête d’une camionnette intermédiaire était non seulement grandissante, mais également différente de celle qui se procure la F-150. À ce propos, plus de 550 000 camionnettes intermédiaires ont trouvé preneur en Amérique du Nord l’an dernier, Toyota dominant bien sûr le marché avec la gamme Tacoma.
Ford n’a donc eu d’autres choix que d’admettre son erreur stratégique et de se lancer dans la production de la Ranger. Le problème, c’est qu’aucune usine n’était disponible à courte échéance pour la fabriquer. Voilà pourquoi Ford a cessé abruptement la production de la Focus à Detroit, ce qui a permis d’accueillir d’abord les modèles Ranger après plus d’un an de réaménagement et de modernisation des installations. À noter que d’ici peu sera aussi produit l’utilitaire Bronco 2020, qui partagera la même structure que la Ranger.
De la Thaïlande au Michigan
La camionnette Ranger que découvrent les Nord-Américains ces jours-ci n’est pas nouvelle. En effet, elle existe déjà depuis plusieurs années du côté de la Thaïlande, étant commercialisée en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. Évidemment, Ford a pris soin de la modifier et de l’adapter en premier lieu pour une question de conformité, mais aussi de manière à ce qu’elle réponde parfaitement aux besoins des acheteurs. Or, vous comprenez maintenant pourquoi le style de sa carrosserie n’est pas aussi costaud, ou du moins en harmonie avec celui des F-150 d’ici.
Pour l’heure, l’offre de la Ranger est simple. Trois versions (XL, XLT et Lariat) et deux choix de cabines, avec respectivement une seule longueur de caisse. Un premier handicap face à la concurrence qui, exception faite du Ridgeline, propose toujours un choix de longueurs de plateau avec les modèles à cabine double.
La totale
C’est au volant d’une version Lariat avec groupe technologique et ensemble hors route FX4 que j’ai parcouru quelque 1300 kilomètres la semaine dernière. Le prix du modèle d’essai s’élevait ainsi à 50 000 $, ce qui nous situe bien loin de celui de la précédente génération. Bien sûr, le réflexe de bien des gens aura été de mentionner qu’à ce prix, on peut obtenir une F-150 bien équipée, ce qui est vrai. Or, il faut réaliser que ce ne sont pas tous les acheteurs qui souhaitent se retrouver au volant d’un tel mastodonte. Pour plusieurs, la maniabilité et la polyvalence d’un véhicule facile à conduire en milieu urbain sont également d’une grande importance. Qui plus est, les statistiques prouvent que les camionnettes intermédiaires vendues par GM et Toyota affichent une plus faible dépréciation que les modèles pleine grandeur. Et bien sûr, il en sera de même chez Ford. Mais, je vous l’accorde, la camionnette Ranger n’est pas donnée.
Fort heureusement, on retrouve à ce prix un équipement complet, exception faite du volant chauffant. J’ajouterais qu’à ce prix, on aurait pu inclure un cylindre d’amortissement pour l’abaissement du hayon qui, malgré sa conception d’aluminium, cogne fort après avoir effectué sa chute libre. Cela dit, on obtient la navigation à commande vocale, la climatisation bizone, le régulateur de vitesse adaptatif, la détection d’angles morts et de changement de voie, le système audio haute fidélité et l’incontournable connectivité avec Android Auto et Apple CarPlay. Des éléments que vous n’aurez certainement pas dans une camionnette Nissan Frontier!
La finition à bord est irréprochable. Encore une fois, le poste de conduite n’a pas la fougue esthétique d’un authentique produit américain, mais tout y est ergonomique et parfaitement ficelé. Les sièges sont confortables, même derrière. En revanche, il est dommage que l’assise ne soit relevable qu’en une seule section, question de polyvalence.
Des gênes de Mustang
Sous le capot ne se cache évidemment pas le V8 de la Mustang, mais plutôt son quatre cylindres. Une version remaniée de ce moteur de 2,3 litres turbocompressé, qui engendre ici 270 chevaux et 310 lb-pi de couple. De quoi permettre au véhicule d’accélérer et de remorquer avec la fougue et la puissance des V6 rivaux. En fait, Ford se vante même d’offrir la meilleure capacité de remorquage du segment, qui atteint 7 500 livres. Quand même!
Sans avoir pu remorquer avec le véhicule, je n’ai aucun doute sur ses capacités. D’une part parce que la mécanique est puissante, mais surtout parce que la structure du véhicule est extrêmement solide. On le ressent à la conduite, ce qui contribue évidemment à ce sentiment d’invincibilité tant recherché de la part des amateurs de camionnettes. La Ranger est également très agréable à conduire parce que dotée d’une direction précise. Le cercle de braquage est faible, les suspensions sont bien calibrées et la puissance de freinage est excellente. Bravo aux ingénieurs qui ont su améliorer grandement l’insonorisation de la cabine, permettant ainsi d’obtenir l’habitacle le mieux isolé du segment.
Mécaniquement, la puissance est toujours à la hauteur. Il est clair que la boîte automatique passe constamment d’un rapport à l’autre, puisque l’on en compte dix. Or, on ne le ressent que peu. Pourquoi une telle boîte jumelée à un quatre cylindres? Pour une question de confort et d’économie, mais aussi parce qu’elle s’adapterait semble-t-il très bien aux travaux plus sérieux.
Sans avoir travaillé lourdement avec le véhicule, j’oserais dire que le principal bénéfice de cette boîte et de cette motorisation est ressenti en milieu urbain, où la puissance et le rendement sont toujours optimisés afin d’obtenir la meilleure économie d’essence qui soit. Un rendement nettement plus efficace que celui de la concurrence qui affiche entre 13,2 et 15,8 litres aux 100 km de moyenne de consommation, alors que la Ranger consomme 11,8 litres.
Hélas, le bilan s’assombrit grandement lorsqu’il est question d’économie sur route, puisque le véhicule enregistre une cote pratiquement similaire à celle des Colorado/Canyon à moteur V6, soit de 9,8 L/100 km. Et croyez-moi, parce qu’il s’agit d’un moteur turbocompressé qui travaille davantage à haute vitesse et par temps froid, cette moyenne affichée est bien optimiste. À preuve, une conduite uniquement sur la route, à une température d’environ -15 degrés Celsius, s’est soldée par une moyenne enregistrée à 12,4 L/100 km. Un litre de plus qu’avec le Colorado conduit quelques semaines auparavant en de pareilles conditions. Pourtant, la moyenne obtenue en milieu urbain et à température similaire n’était que de 12,6 L/100 km. Curieux, n’est-ce pas? Cela dit, voilà la preuve que ce groupe motopropulseur est mieux adapté à la ville que pour de longs trajets sur la route. Cela m’indique aussi qu’en y accrochant de lourdes charges, la consommation grimpera vers des sommets quasi inimaginables.
Où est le Raptor?
La Ranger mise à l’essai était équipée de l’ensemble hors route FX4, qui se décrit essentiellement par une suspension plus ferme, un différentiel autobloquant et par l’ajout de plaques de protection. Rien de bien agressif, surtout si l’on compare avec ce que propose Chevrolet et Toyota. D’un côté, l’impitoyable Colorado ZR2 Bison capable de composer avec les pires conditions, tout comme le Tacoma TRD Pro qui a lancé le bal des camionnettes conçues pour grimper l’Everest.
Chez Ford, la camionnette Ranger Raptor se fait donc attendre. Elle existe pourtant sur d’autres marchés, mais il semble - selon les dernières informations obtenues - que les coûts d’homologation soient trop élevés. Or, l’existence de la camionnette Ranger nord-américaine en est la preuve : Ford est capable de changer d’avis. Espérons qu’elle le fera une fois de plus.
En attendant, cette camionnette nous sert tout de même un bon système 4x4 qui de surcroît, nous est livré de série. En effet, aucune version à deux roues motrices n’est proposée. Du moins, au Canada. Ford considère avec raison que ce marché est minime et qu’il est inutile d’imposer aux concessionnaires de commander des modèles qui colleront dans leur cour. On aurait cependant souhaité que le système 4x4 soit doté d’un mode automatique comme sur le Chevrolet Colorado, plus convivial pour une conduite de tous les jours. L’ajoutera-t-on prochainement?
Chose certaine, Ford a réussi à adapter efficacement un produit qui, à la base, n’avait manifestement pas été conçu pour notre marché. Selon la demande, il est clair que le constructeur de Dearborn investira pour apporter des améliorations supplémentaires ainsi qu’une plus grande gamme de modèles. Une Ranger King Ranch, Limited, ou même une version ST haute performance? Qui sait ce que l’avenir nous réserve.
En attendant, cette camionnette vient bonifier l’offre d’un segment en pleine ascension. Elle n’éclipse peut-être pas la concurrence comme l’affirme le constructeur, mais la proposition est sérieuse, extrêmement compétitive, et mérite que l’on s’y attarde.