Pétrole : pourquoi le baril à 100 $ fait-il trembler?
Le prix du baril de pétrole a presque triplé depuis le début 2016 et s’approche dangereusement du seuil symbolique des 100 $. Résultat, le président américain s’attaque à l’OPEP et les industriels se plaignent des tensions politiques. Tour d’horizon des enjeux de cette montée des cours de l’or noir.
Qu’est-ce qui fait grimper les prix? La plupart des acteurs du marché partagent le même diagnostic : les prix ont grimpé quand les États-Unis ont rétabli leurs sanctions contre l’Iran le 7 août 2018.
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« Malgré la hausse de l’offre, notamment aux États-Unis, les prix risquent de continuer à grimper, car personne n’ose toucher aux barils iraniens par crainte de sanctions américaines », a écrit dans une note Abishek Deshpande, analyste chez J.P. Morgan.
Cette instabilité géopolitique est exacerbée par la baisse des réserves mondiales de brut, qui avaient atteint des niveaux records ces dernières années, mais qui ont fortement diminué quand l’OPEP et ses partenaires, dont la Russie, ont limité leur production à partir du début 2017.
Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, a également souligné mercredi « la chute libre de la production vénézuélienne » provoquée par la crise politique que traverse le pays.
Les prix vont-ils encore grimper?
Même les dirigeants des grands groupes pétroliers ne s’aventurent pas à donner de réponse définitive. Le patron du géant britannique BP Bob Dudley a affirmé mercredi à Londres qu’il ne tablait pas sur un maintien des cours à 85 $, niveau auquel se situe actuellement le baril de Brent – la référence européenne du brut.
« Ça peut grimper ou baisser, des décisions ou des annonces pourraient faire évoluer les cours dans les deux sens », a-t-il commenté.
Pour le PDG de Total, Patrick Pouyanné, « les marchés n’ont pas besoin de plus d’offre » et l’instabilité des prix est « provoquée par des décisions politiques », a-t-il affirmé mardi lors de la même conférence londonienne.
« Les prix grimpent à chaque tweet », a-t-il lancé, allusion aux commentaires acerbes du président américain Donald Trump contre l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Qui souffre de la hausse des prix? Pour M. Birol, le marché de l’énergie s’approchera de la « ligne rouge », quand des prix trop élevés commenceront à peser sur l’économie mondiale.
Le prix du baril a rarement dépassé les 100 $, une première fois en 2008 puis entre 2011 et 2014. Chaque fois, les premières victimes du bond des cours sont les économies asiatiques.
En Inde, un des plus grands importateurs de pétrole au monde, la hausse récente a contribué à une chute de la monnaie locale qui rend les importations plus coûteuses, et « le prix de l’essence est déjà plus élevé que quand le prix du brut était à son plus haut historique », à plus de 140 $, a prévenu M. Birol.
En revanche, l’effet sur les économies plus riches pourrait être modéré, selon les analystes de Capital Economics.
« Avec un baril à plus de 100 $ tout au long de 2019, les consommateurs des pays développés verraient leurs factures d’essence augmenter de 0,3% par rapport à cette année », ont-ils écrit.
Qui en profite? Officiellement, les producteurs restent prudents sur les gains réalisés avec la hausse des prix. Les dirigeants de Total et de BP ont ainsi nié multiplier les projets et les investissements.
« La hausse des cours n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les producteurs », s’était défendu M. Pouyanné dans un entretien pour Bloomberg TV fin septembre, rappelant que les investissements dans les sources d’énergie alternatives sont dopés par un pétrole trop cher.
Mais les actionnaires des grands groupes pétroliers ne sont pas exactement à plaindre. Fin juillet, BP a augmenté son dividende pour la première fois depuis quatre ans.
Quant aux pays producteurs, les analystes de J.P. Morgan soulignent que des économies comme la Russie, le Brésil ou le Mexique souffrent du ralentissement de la croissance mondiale et des tensions commerciales, et ne tirent pas parti de la hausse des cours. De grands exportateurs comme l’Arabie Saoudite devraient en revanche voir leur trésorerie en profiter.