Dodge Challenger SRT Demon 2018 – bel et bien diabolique
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INDIANAPOLIS, Indiana – On pourrait facilement écrire un livre sur la nouvelle Challenger SRT Demon, sur sa nature inédite, sa conception et ses secrets. Toutefois, pour les trois cents chanceux qui ont les 110 000 $ pour s’offrir cette voiture parfaitement unique au Canada (les voisins américains en auront trois mille), les maniaques de la division de performance SRT l’ont déjà écrit et imprimé, ce bouquin.
Chaque propriétaire d’une Demon recevra effectivement un livre complet, avec reliure en cuir, qui explique, en détail, la manière de tirer le maximum de ce grand coupé suprêmement américain. Sur une piste d’accélération, bien entendu, avec des pages pour noter les meilleurs chronos, les conditions et les réglages. Tout ça, en plus des conseils d’utilisation habituels pour une voiture neuve et dûment garantie. Et il y a vraiment beaucoup à dire sur ce beau monstre.
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Des records brûlants dès le départ
La Demon a d’ailleurs déjà inscrit son nom dans quelques livres de records. D’abord le plus célèbre d’entre tous, le Guinness, où l’on peut désormais y lire qu’elle est la première voiture de série à se cabrer (à faire un wheelie, quoi) et à porter ses roues soulevées sur une distance de 0,89 mètre (2,92 pi). Pour une bagnole qui pèse 1 941 kilos, dont 58% reposent sur les roues avant, c’est une prouesse pour le moins spectaculaire. [Consultez la vidéo de cet exploit]
Il y a aussi ce chrono de 9,65 secondes, complété à 225 km/h sur le traditionnel quart de mille, à Gainesville en Floride. Il a valu à la Demon d’être interdite de compétition par la toute-puissante NHRA (National Hot Rod Association) qui venait à peine de confirmer cette performance. Parce qu’une auto qui passe sous la barre des 10 secondes doit être équipée d’une cage de sécurité complète, d’un parachute et d’une série d’autres éléments de sécurité, selon son règlement très strict.
De telles performances ne sont évidemment pas le fruit du hasard pour une voiture de série. Une grosse propulsion, de surcroît. Elles sont plutôt le fruit du travail acharné d’une bande d’ingénieurs de la division SRT chez Dodge. Des fanatiques de performance qui ont voulu créer une voiture pour faire revivre cet âge d’or des muscle cars qu’ils ont raté, mais qui les fait encore rêver, cinquante ans plus tard, avec ses 426 Hemi et 440 Magnum.
Sauf que cette bête de piste qu’est la Challenger SRT Demon 2018 peut se transformer en coupé docile et confortable en touchant quelques boutons, grâce aux technologies modernes.
Moteur d’enfer et organes vitaux à l’épreuve des bombes
Le moteur de la Demon n’est pas une version du moteur de 6,2 litres et 707 chevaux des Hellcat dont on aurait bêtement gonflé la pression de suralimentation au maximum. Son V8 est d’abord coiffé d’un compresseur de 2,7 litres plutôt que 2,4, qui pousse 14,5 lb/po2 au lieu de 11,6 lb/po2, à 6 500 tr/min contre 6 200 pour les Hellcat.
Par le biais de la plus grande prise d’air en production sur le capot, des prises rondes qui remplacent deux phares et d’autres sous les doublures des ailes, la puissance du gros V8 bondit à 808 chevaux (certifiés par la SAE) et 717 lb-pi de couple avec de l’essence super ou alors 840 chevaux et 770 lb-pi avec le contrôleur optionnel et de l’essence à indice d’octane de 100 ou plus. Et ce fleuve de carburant est dégorgé par deux pompes au lieu d’une.
Pour transmettre et encaisser cette puissance, disperser l’énorme chaleur qu’elle génère et garantir une fiabilité et une constance élevées en conditions extrêmes, il a fallu modifier et solidifier des dizaines de composantes du moteur et du rouage. Le compresseur, les pistons, les bielles, le vilebrequin forgé, la distribution (soupapes, ressorts), l’injection, tout ça est plus costaud que dans les Hellcat. Même chose pour l’arbre de transmission, le différentiel et la boîte automatique à huit rapports.
Pour contrôler parfaitement les quantités de chaleur gigantesques que produit toute cette « combustion interne », ces petits futés ont pensé à détourner le réfrigérant du climatiseur pour refroidir les échangeurs thermiques du compresseur. Un truc inédit, comme celui de faire circuler le liquide de refroidissement et tourner les ventilateurs lorsque le V8 est arrêté, pour éviter l’accumulation de chaleur.
Divinement civilisée sur la route
Ce que je peux vous dire, c’est qu’une demi-douzaine de Demon ont enchaîné les burn-outs intenses et les passes sur la piste rectiligne du Lucas Oil Raceway pendant un après-midi complet, aux mains d’une bande de journalistes, sans trahir la moindre détresse mécanique ou perte de puissance. Ce sont des machines exceptionnellement robustes, même en conditions extrêmes, par grande chaleur.
Pendant que mes collègues se ruaient vers la piste, je suis parti en sens inverse conduire la Demon parfaite – noire avec intérieur noir! – sur la route. Parce que je voulais découvrir d’abord comment se comportait cette voiture à la fiche technique délirante en conduite normale.
Or, sur la route, la Demon est comme un gros nounours. Mettons un grizzly qui aurait bon caractère, même si l’on tient la précieuse clé rouge et que son moteur est réglé sur 808 chevaux au lieu des 500 que l’on peut sélectionner et qu’impose la clé noire. Seul indice de son côté sauvage : le sifflement métallique du gros compresseur à la moindre accélération. Les amateurs vont adorer ça.
Les Challenger modernes sont spacieuses et confortables, et c’est aussi le cas pour la plus puissante de toutes. D’ailleurs, les ingénieurs ont réduit la fermeté des ressorts de la suspension de 35% à l’avant et 28% à l’arrière, pour maximiser le transfert de poids vers l’arrière en accélération, la clé de ces records qu’elle a inscrits. Les barres antiroulis sont également creuses et plus souples de 75% et 44% respectivement, pour les mêmes raisons.
La Demon laisse la tenue de route aiguisée aux Hellcat, surtout à la nouvelle Widebody qui partage sa carrosserie plus large de 9 cm, avec ses grosses extensions d’aile pour couvrir les pneus Nitto NT05R de taille 315/40R18 qui ont été créés spécialement pour elle. Ces premiers véritables pneus de drag à être installés sur une voiture de série ont deux fois l’adhérence de ceux des Hellcat. La conduite de la démone est facile et son aplomb impeccable, sur route sèche. Sûrement moins sous la pluie, avec ces pneus lisses qui n’ont que deux grosses rainures.
Diablement efficace sur la piste
Pour tirer le maximum de la bête, il faut absolument la Caisse Demon que Dodge offre en option pour 1 $, en faisant un gros clin d’œil. On y trouve, entre autres, d’autres jantes noires chaussées de pneus M&H Racemaster vraiment étroits et légers, de taille 4.50/28.0-18, que l’on installe pour la piste d’accélération seulement. On dispose alors d’une deuxième paire de pneus arrière pour faire sa journée.
La caisse contient aussi le module électronique qui calibre le moteur pour de l’essence à octane de 100 et plus, un immense filtre à air conique et une série d’outils avec l’écusson Demon, dont un fusil rechargeable pour les écrous de roues et un gros cric hydraulique, en plus d’un sac et d’un support pour transporter le tout dans le coffre. La caisse est également livrée avec une plaque où sont gravés le nom du propriétaire et le numéro de série.
La Demon a été allégée de 91 kilos, dont 10 en enlevant la chaîne stéréo et ses 16 haut-parleurs et plus de 50 kg en oubliant le siège du passager et la banquette arrière. On peut les récupérer pour 1 $ chacun — nouveau clin d’œil — et les enlever à nouveau pour aller en piste.
Autre économie de poids de 7,2 kilos : des disques de 360 mm plutôt que de 390 mm de diamètre et des étriers Brembo à quatre au lieu de six pistons, par rapport à la Hellcat, championne du freinage lors du match des sportives du Guide de l’auto 2016.
Les freinages répétés sont moins importants pour la Demon, mais j’ai remarqué qu’elle peinait quand même un peu sur la piste d’accélération, avec les pneus avant étroits. Il faut dire que c’était en fin de journée et qu’elle filait sans doute à plus de 220 km/h au bout du quart de mille.
L’important était de faire un bon burn-out pour nettoyer et réchauffer les pneus, et ensuite de réussir parfaitement le départ. Pour la première étape, il y a le Line-Lock qui applique les freins avant et laisse les pneus arrière patiner autant que l’on veut. Nuages de fumée bleue inclus.
Pour décoller, il y a le TransBrake qu’utilisent depuis longtemps les pros de l’accélération, mais qui est une première dans une voiture de série. Avec les deux manettes derrière le volant, on bloque l’arbre de sortie de la boîte automatique pour maintenir la voiture en place, on augmente le régime à environ 1 700 tr/min, on relâche la deuxième manette et la Demon bondit littéralement, en vous coupant carrément le souffle, pendant que le V8 crache un rugissement rauque et fabuleux. Dodge parle de 1,8 g au démarrage, sur piste préparée. Je le crois sans peine.
En mode Drag, les amortisseurs réglables Bilstein sont à leur plus souple en détente au départ, pour que l’avant se soulève et qu’un maximum de poids se retrouve sur les roues arrière. Aussitôt qu’on lève le pied, ils se remettent au plus ferme pour un maximum de stabilité. C’est merveilleux, l’électronique!
Il faudrait d’ailleurs un autre long article pour décrire tous les tableaux et toutes les fonctions spéciales auxquelles on a accès sur le grand écran Uconnect de la Demon, entre autres. Plein d’infos utiles et des heures de plaisir en perspective.
Dodge et son groupe SRT veulent se démarquer en créant des voitures de performance uniques qui n’essaient surtout pas d’imiter les Camaro et Mustang. C’était déjà réussi avec les Hellcat, mais cette Demon est un véritable exploit. Quelque chose comme la naissance d’une légende. Mission accomplie, messieurs.