Volvo S80, perdue dans la brume
Jamais une voiture entièrement remaniée en 2007 n’aura vieilli aussi rapidement et aussi mal. Dans le créneau des berlines de luxe, la S80 est complètement déclassée par la concurrence et elle appartient à cette souscatégorie de voitures qui n’apportent rien de nouveau, hormis quelques détails, et qui demeurent totalement anonymes et sans aucune saveur. C’est dommage, car la première génération de cette voiture possédait son identité propre, alors que le modèle actuel veut tellement plaire à tout le monde qu’il ne séduit maintenant presque personne.
Dans la refonte vers le modèle actuel, les designers ont réussi à dénaturer le style propre à la marque en adoucissant les lignes qui donnaient sa personnalité à la S80, notamment du côté de l’épaulement de la partie arrière, qui était autrefois plus marqué et qui représentait l’une des caractéristiques les plus typiques des voitures de la marque. On peut certainement parler d’une « américanisation » de la S80, dans la me- sure où la voiture semble avoir été dessinée afin de ne pas déplaire ou de ne pas choquer les sensibilités, plutôt que de propo ser une vision authentiquement Volvo de la berline de luxe.
Sécurité avant tout
C’est le même constat du côté de l’habitacle, où la Volvo S80 propose en option des appliqués d’aluminium brossé qui font carrément fausse note et qui semblent avoir été choisis afin que la S80 soit confondue avec une Lincoln. Par contre, la S80 a su conserver des sièges ergonomiques d’un grand confort et un certain souci de l’ergonomie, puisque les commandes sont facilement repérables. De plus, le niveau sonore perçu dans l’habitacle est très bas, ce qui contri bue grandement au confort à vitesse d’autoroute. Par ailleurs, le souci de la sécurité demeure très présent chez Volvo, qui a développé plusieurs dispositifs inédits pour la S80, notamment le système BLIS (Blind Spot Information System) qui est offert dans le groupe d’options « Sécurité », et qui prévient le conducteur de la présence d’un véhicule dans l’angle mort des rétroviseurs latéraux au moyen de témoins lumineux localisés à leur base. Ce système est assez efficace et convient donc parfaitement aux conducteurs qui n’ont pas encore compris qu’il est possible d’éliminer les angles morts par un ajustement plus « ouvert » de l’angle des rétroviseurs latéraux.
Ce groupe d’options comprend également un régulateur de vitesse adaptatif avec système d’anticipation de collision et assistance au freinage, ainsi qu’un système interactif de sécurité personnelle qui permet même au conducteur qui s’approche de la voiture de détecter la présence d’un individu caché à son bord au moyen d’un capteur de rythme cardiaque qui active un signal lumineux affiché à la télécommande de déverrouillage. Les paranoïaques vont adorer…
Conduite aseptisée
Cette obsession de la sécurité tous azimuts se traduit également par l’intervention très autoritaire du système antidérapage qui entre en action dès que le conducteur se met en tête d’exploiter un tant soit peu le potentiel de performance de la voiture. De plus, le rouage intégral de la S80 priorise la répartition de la motricité vers le train avant en conduite normale dans une proportion de 95 %, tout en permettant de varier cette répartition jusqu’à livrer une motricité égale aux trains avant et arrière en cas de besoin. Le résultat, c’est que la plupart du temps, on se retrouve par la force des choses au volant d’une simple traction, avec tout ce que cela entraîne pour ce qui est du comportement routier, notamment une tendance marquée pour le sous-virage en conduite sportive, tendance fortement accentuée par la répartition des masses de la voiture dont plus de 61 % du poids repose sur le train avant.
Ajoutez à cela une direction qui offre une bonne tenue de cap en ligne droite, mais qui manque de sensibilité en virages, et vous avez le portrait d’une voiture de luxe dont la conduite est plutôt engourdie, voire aseptisée, plutôt que ludique. À la lecture de ce qui précède, vous avez peut-être l’impression que la S80 doit se racheter par une consommation frugale pour pallier son relatif manque d’entrain. Détrompez-vous, puisque toutes les variantes de la S80 présentent des cotes de consommation peu reluisantes, comme en témoignent notre moyenne de 13,3 litres aux 100 km réalisée avec le modèle à moteur six cylindres en ligne et la moyenne de 15,3 litres aux 100 km obtenue par notre collègue Alain Morin au volant de la S80 à moteur V8 en provenance de Yamaha. Alors que la plupart des voitures de luxe concurrentes n’hésitent pas à se démarquer en affichant clairement leur identité propre, l’absence de personnalité de la S80 nous porte presque à croire que cette voiture est aux prises avec les questionnements et problèmes existentiels des personnages d’un film du cinéaste suédois Ingmar Bergman.
FEU VERT
Habitacle très confortable
Niveau de sécurité élevé
Tableau de bord ergonomique
Moteur V8 puissant
FEU ROUGE
Ligne déjà dépassée
Conduite aseptisée
Consommation importante
Petite ouverture du coffre