Les pouvoirs d’un policier lors d’une interception en vertu du Code de la sécurité routière
Il arrive de plus en plus que des clients me demandent quels sont les pouvoirs des policiers quand ils se font intercepter. Est-ce qu’ils peuvent me fouiller? Fouiller ma voiture? Saisir mon cellulaire? M'intercepter sans raison?
Lors de cette capsule, je tenterai de vous éclaircir sur les pouvoirs policiers concernant ces questions.
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Article 636 C.s.r.
Tout d’abord, plusieurs personnes me demandent si les policiers ont le droit de les intercepter sans raison, et de leur demander leurs papiers, alors qu’elles n’ont rien fait.
Pour bien répondre à cette question, je dois vous référer à l’article 636 du Code de la sécurité routière :
- Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu’il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l’article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
Or, cet article donne le pouvoir aux policiers de vous intercepter sans aucune autre raison que de procéder à votre identification, en vous demandant votre permis, vos immatriculations et votre preuve d’assurance. Et ce, que vous ayez commis ou non une infraction.
Perquisitions(Code de procédure pénale)
Définition :
- La perquisition est la recherche dans un endroit en vue d’y saisir une chose animée ou inanimée:
- susceptible de faire la preuve de la perpétration d’une infraction;
- dont la possession constitue une infraction;
- qui a été obtenue, directement ou indirectement, par la perpétration d’une infraction.
1987, c. 96, a. 95.
Encadrement :
- La perquisition est autorisée par mandat. Elle peut l’être par télémandat si les circonstances, notamment le temps requis ou la distance à franchir pour obtenir un mandat, risquent d’empêcher l’exécution de la perquisition. Elle ne peut être effectuée sans mandat ou télémandat que si le responsable des lieux consent à la perquisition ou que s’il y a urgence.
Il y a urgence lorsque les délais pour obtenir un mandat ou même un télémandat risquent de mettre en danger la santé des personnes ou la sécurité des personnes ou des biens ou d’entraîner la dissimulation, la destruction ou la perte de la chose recherchée. Toutefois, une perquisition sans mandat ou télémandat ne peut être effectuée d’urgence dans une demeure que si celui qui l’effectue a des motifs raisonnables de croire que la santé ou la sécurité d’une personne est en danger.
Cependant, les policiers pourront fouiller et perquisitionner les choses qui sont à vue. C’est la règle du plain view.
Saisie pour vérification :
La saisie du téléphone cellulaire est une question « chaude ». En effet, il y a eu une vague de « saisie de cellulaires » dans le cadre d’interception pour cellulaire au volant. Or, plusieurs personnes se demandent si elles devraient ou non laisser un policier inspecter et même fouiller dans leur cellulaire.
Dites-vous, en premier lieu que, les policiers qui vous interceptent doivent avoir été témoins de l’infraction! Ça ne doit pas être une « partie de pêche »! C’est pourquoi ils ne devraient pas avoir besoin de voir votre téléphone pour constater que vous en faisiez usage, selon eux. D’autant plus qu’en leur permettant l’inspection de votre cellulaire, vous ne faites que vous auto-incriminer.
De plus, plusieurs décisions ont été rendues concernant ce pouvoir policier. Voici ce qui en ressort principalement.
Or, le principe de base est que les policiers ne peuvent pas saisir votre cellulaire. Maintenant, il peut y avoir des exceptions, surtout dans le cadre d’une arrestation criminelle.
La Cour suprême du Canada s’est penchée sur cette question en 2014 dans l’arrêt « Kevin Fearon c. La Reine ».
« Pour être conforme à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les citoyens des fouilles abusives, une fouille accessoire d'un téléphone portable doit suivre une arrestation légale, et avoir des objectifs de protection des policiers, du public ou du suspect, de conservation ou de découverte de la preuve ou encore d'identification d'autres suspects. »
Le policier ne peut donc pas saisir le téléphone d’un automobiliste, en vertu d’une infraction au Code de la sécurité routière, car ce dernier n’est pas en état d’arrestation. L’automobiliste est donc protégé contre les fouilles et les saisies abusives en vertu de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Policiers blâmés
D’ailleurs, un policier a été suspendu par le comité de déontologie policière en 2016, pour avoir saisi et consulté le cellulaire d’un automobiliste pour confirmer s’il en avait fait usage en conduisant. Le commissaire à la déontologie s’était exprimé ainsi :
« L’agent Baril n’avait aucune justification pour agir de cette manière. Ajoute le fait, pour un policier, de méconnaître les limites des pouvoirs qui lui sont consentis et faire fi des droits et libertés des citoyens n’est pas dépourvu de toute gravité ».
« La saisie et l’examen du téléphone dans les circonstances constituaient une fouille abusive, et portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte ».
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